Cyclisme féminin : "On veut briser l'omerta, il n'y a pas de honte à avoir", des coureuses accusent leur patron de harcèlement sexuel
Une vingtaine de coureuses ont alerté l'Union cycliste internationale pour dénoncer le comportement inapproprié de leur directeur sportif ou coach.
Petit à petit, les langues se délient dans le cyclisme féminin. En début de semaine, la cycliste française Marion Sicot a porté plainte contre son ancien directeur sportif pour harcèlement sexuel. Mais ce n'est pas un cas isolé.
Depuis deux ans, l'Union cycliste internationale (Uci) a été saisie à une vingtaine de reprises. À chaque fois, le scénario est le même, les coureuses, dans des situations financières précaires, se retrouvent isolées face à des patrons d'équipes tout-puissants.
De l'EPO et des photos dénudées
Pendant des mois, Marion Sicot, ancienne coureuse de l’équipe belge Doltcini-Van Eyck Sport, a vécu sous l'emprise du directeur sportif de sa formation belge. Pression psychologique, harcèlement, paroles blessantes, jusqu'au point de non retour. Ce jour où elle décide de prendre de l'EPO pour être enfin à la hauteur de ses attentes et pour qu'enfin il la laisse tranquille. La cycliste a transmis aux enquêteurs 450 pages de preuves : des messages envoyés via les réseaux sociaux.
"Chaque lundi matin, je devais lui envoyer des photos de moi en sous-vêtements, devant et derrière. Ensuite, il a voulu des photos encore un peu plus intimes, en string. J'ai refusé, raconte Marion Sicot. C'était déjà assez gênant et difficile pour moi de lui envoyer ces photos".
Demander des photos encore plus dénudées, c'était au-dessus de mes forces. Du coup, ça s'est envenimé par la suite. Sa justification, c'est qu'il devait surveiller mon poids.
Marion Sicot, cycliste françaiseà franceinfo
Un sentiment de honte, de culpabilité partagé par Chloë Turblin. Il y a un an, la coureuse porte plainte pour harcèlement moral et diffamation contre son ancien directeur sportif. Juste après, une dizaine d'autres cyclistes de la même formation belge saisissent l'Union cycliste internationale. L'Uci qui vient de confirmer que le comportement de cet homme avait été inapproprié sans pour l'instant prononcer de sanction à son égard.
Une cellule psychologique pour les coureuses françaises
Pour Chloë Turblin, le mal est déjà fait : "C'était ma vie le vélo, c'était mon sport. J'ai grandi en faisant du vélo, en me dépassant chaque jour depuis des années. C'est du sacrifice et d'avoir vu ce qui peut se passer à un haut niveau, ça m'a dégoûtée. Je voyais le vélo à l'entraînement, je pleurais, ça a été un cercle vicieux épouvantable."
Encore aujourd'hui, malheureusement, j'aimerais pouvoir aimer mon sport comme avant, avoir la même envie, la même motivation. Mais je ne l'ai plus.
Chloë Turblin, cycliste françaiseà franceinfo
Pour empêcher que des carrières, des vies soient brisées, l'Association Française des Coureures Cyclistes va mettre en place une cellule psychologique. "Je me suis dit c'est vraiment urgent, il faut faire quelque chose, explique Marion Clignet, la présidente de l'AFCC. Je suis allée voir le CREPS (Centres de ressources, d'expertise et de performance sportives) de Toulouse pour mettre en place un numéro de téléphone. On veut briser complètement l'omerta, il n'y a pas de honte à avoir."
Marion Clignet, veut aussi faire oeuvre de prévention : "Il y a une distance à respecter et pour cela il faut que l'on éduque les jeunes et les adultes au niveau des relations avec les managers ou les coachs. Il y a certaines limites à ne pas dépasser." Cette toute nouvelle cellule sera composée de trois psychologues et sera activée dans le courant du mois de juillet.
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