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Japon : une journaliste accuse de viol un proche du Premier ministre et ébranle le pays

Shiori Ito accuse le biographe de Shinzo Abe de l'avoir violée, en avril 2015, et dénonce des interventions politiques qui empêchent sa condamnation.

Article rédigé par franceinfo
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La journaliste Shiori Ito, lors d'une conférence de presse, le 24 octobre 2017, au Japon. (FCCJ / YOUTUBE)

La journaliste japonaise Shiori Ito accuse de viol un proche du Premier ministre Shinzo Abe. L'affaire remonte au mois d'avril 2015, mais la journaliste de 28 ans attend toujours que la justice reconnaisse les faits, raconte Le Figaro, mercredi 27 décembre. "Mon cas personnel n'est rien, mais il peut changer la société", déclare au quotidien français Shiori Ito, qui tente de briser ce tabou au Japon, resté indifférent au mouvement #MeToo qui a suivi l'affaire Weinstein

La police répond qu'il est "difficile d'enquêter"

Shiori Ito accuse Noriyuki Yamaguchi, biographe de Shinzo Abe et ancien journaliste chef du bureau de Washington de la télévision japonaise TBS, de l'avoir droguée et violée, le 3 avril 2015. En 2017, il a donné plusieurs conférences de presse pour raconter son histoire. Ce soir-là, Shiori Ito, alors stagiaire à l'agence Reuters, partage un dîner d'affaires avec Noriyuki Yamaguchi, dans un restaurant de Tokyo. A un moment, "j'ai eu la tête qui tournait, je suis allée aux toilettes", a détaillé la journaliste lors d'une conférence de presse. "Je me rappelle avoir posé ma tête sur le lavabo, je ne me souviens de rien d'autre ensuite", explique-t-elle. 

Le chauffeur de taxi qui les conduit ensuite dans un hôtel a complété son récit, dans son témoignage recueilli par la police : la jeune femme voulait être déposée à une station de métro, mais Noriyuki Yamaguchi a insisté pour la ramener avec lui à l'hôtel. La jeune femme pouvait à peine marcher. "J'ai repris conscience vers 5 heures du matin", a encore précisé la jeune femme. "J'étais allongée, nue, sur un lit d'hôtel, M. Yamagushi était sur moi, en train de me pénétrer. Je vais me retenir de donner des détails explicites, mais je peux vous dire qu'un acte sexuel était commis contre moi, contre ma volonté", a continué Shiori Ito.

Une enquête ouverte pour "quasi-viol"

Commence ensuite une bataille contre la société japonaise, qu'elle raconte dans son livre, Black Box, publié en octobre. Après une difficile consultation chez un gynécologue et un appel infructueux à une association de victimes de violences sexuelles, Shiori Ito tente de porter plainte, face à des policiers qui essaient de la dissuader : "Ce genre de choses arrivait souvent, il est difficile d'enquêter", "cela va affecter ma carrière", "je vais gâcher ma vie". La jeune femme insiste et dépose plainte, la police ouvre une enquête pour "quasi-viol", selon le quotidien japonais Asahi Shimbun (en anglais), un chef d'accusation utilisé "pour les incidents dans lesquels les victimes ne peuvent pas résister à cause d'un état d'inconscience". Devant les preuves et témoignages, un juge met Noriyuki Yamagushi en examen.

Mais alors que la police s'apprête à arrêter le suspect, Itaru Nakamura, le patron de la brigade criminelle, également proche du Premier ministre, annule l'opération, raconte Le Monde. Pour Shiori Ito, il s'agit d'une interférence politique, ce que le responsable de la police nie. "Itaru Nakamura a reconnu avoir demandé de ne pas procéder à l’arrestation, mais a nié toute intervention du pouvoir politique", explique le correspondant à Tokyo du quotidien. La justice pénale prononce ensuite un non-lieu.

Au Japon, le viol est considéré comme quelque chose qui n'arrive que dans les films, ou alors très loin

Shirio Ito

Shiori Ito poursuit désormais Noriyuki Yamaguchi au civil et a entrepris de médiatiser l'affaire. Le 24 octobre, lors d'une conférence de presse, elle déclare : "Je veux parler à visage découvert, pour toutes les femmes qui ont peur de le faire parce qu'ici, au Japon, ni la police, ni la justice ne soutiennent les victimes de crimes sexuels"Noriyuki Yamaguchi s'est contenté de répondre sur sa page Facebook qu'il n'avait "rien fait d'illégal" et que la police avait d'ailleurs "abandonné les charges contre lui".

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