"S’il n’avait pas été policier, j’aurais porté plainte plus tôt" : un agent de l'office anti-stupéfiants jugé pour violences volontaires sur son ex-compagne
Ce policier est jugé mardi devant le tribunal correctionnel de Paris pour violences volontaires sur son ex-compagne entre 2019 et 2021. Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu le 6 décembre.
Menue et inquiète à la barre, Sophie; cadre parisienne; raconte ses deux années de vie conjugale avec Fabien R. Ce policier de l'office anti-stupéfiants de 44 ans est jugé, mardi 30 août, devant le tribunal correctionnel de Paris pour violences volontaires sur son ex-compagne entre 2019 et 2021. Cette Parisienne de 41 ans, dit avoir enduré deux ans de cauchemar, aggravé selon elle par la profession qu’exerce cet homme.
Alors que la juge montre la photo d’un de ses coquards, Sophie se souvient des coups au visage avec une chaussure, de ce jour où il l’a cognée contre la baignoire, poussée dans un fossé ou tirée par les cheveux. Elle parle aussi d’une dizaine d’étranglements où elle a eu peur pour sa vie. Les motifs : elle n’a pas d’huile dans ses placards, elle s’est endormie devant la télé, elle ne lui a pas pris ses billets de train, elle émet des doutes sur sa fidélité.
Le prévenu reconnaît en partie les faits
En garde à vue, Fabien R a nié l’essentiel des accusations. Là, à la barre, il les reconnaît. Il faut dire que la juge exhume les SMS peu équivoques dans lesquels il s’excusait de ses violences de la veille. "J’en ai mal aux phalanges, désolé je suis une pourriture pardonne-moi", écrit-il par exemple. De la même façon, confrontée à des photos prises par la victime, il reconnaît être le responsable de certains marques sur son visage, notamment d'un bleu à l'œil. Mais il dit que c'est son coude qui l'a involontairement frappée et a laissé cette marque. En revanche, il ne reconnaît pas la dizaine d'étranglements dont se plaint son ex-compagne. Il dit que ses mains "ont glissé" alors qu'ils échangeaient des "coups réciproques" et que ce n'est arrivé qu'une seule fois. Il ne reconnaît pas non plus des coups de poings.
"J'avoue des violences inacceptables et inadmissibles qui auraient pu être évitées si j'avais vu un psy plus tôt ou si je l'avais quittée, mais j'ai cru en notre histoire."
Fabien R.au tribunal correctionnel de Paris
Avant d'accuser son ex-compagne d'être "devenue malade de jalousie" : "C'est dur de subir des messages de jalousie tous les jours sur son téléphone et c'était engueulades sur engueulades. J'ai réagi avec des gestes déplacés", dit-il, avant de les qualifier de "graves". L'expert psychologue qui a analysé la plaignante a pourtant conclu qu'elle n'avait jamais été maladivement jalouse auparavant, qu'elle n'avait aucune pathologie psychologique ni de tendance à l'exagération, ni de tendance à se sur-victimiser.
L'homme décrit comme un "manipulateur pervers"
Sophie décrit son ancien conjoint policier comme un manipulateur pervers. Elle parle d'insultes, d'humiliations, de coups de poings et d'une dizaine d'étranglements. Longtemps, elle craint de déposer plainte en raison du métier du suspect, mais elle ose finalement au début de l'année 2022, après la mort d'Amanda Glain sous les coups d'Arnaud B., policier lui aussi.
Devant le tribunal, elle raconte les menaces de suicide de Fabien R. avec son arme de service si elle le quittait, les menaces du policier sur la garde de sa fille. En pleurs, elle raconte la peur d'être tuée qui la suit encore aujourd'hui, plus d'un an après leur séparation. "S’il n’avait pas été policier, j’aurais porté plainte plus tôt mais j’avais peur, confie la quadragénaire la voix vacillante. Il me menaçait de me faire retirer la garde de ma fille, et puis il y avait son arme qu’il ramenait tous les soirs à la maison".
"J’avais peur de sa réaction si j’allais voir un médecin ou si j'en parlais à des proches. "
Sophieau tribunal correctionnel de Paris
"Un jour, ajoute-t-elle, les voisins ont appelé la police à cause des bruits. II a dit à l’équipage qui s’est déplacé qu’il n'y avait pas de problème qu'il était un collègue, ils sont repartis."
Déjà condamné pour violences policières
Elle finira par le quitter puis par porter plainte encouragée par une autre fonctionnaire de police à qui elle se confie alors qu'elle dépose plainte pour le vol de son portable. Principale requête de la victime toujours figée dans ses peurs : qu’une interdiction de port d’arme soit prononcée contre son ex. Aujourd’hui sous contrôle judiciaire le policier anti-stupéfiant en détient toujours une, même s'il est prié par sa hiérarchie de ne plus la prendre avec lui hors service. Le procureur parle d’une personnalité inquiétante et rappelle que Fabien R. a aussi été condamné à six mois de prison avec sursis pour violences policières il y a trois ans. Il demande 18 mois de prison avec sursis. La juge rendra sa décision le 6 décembre.
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