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Violences conjugales : un policier jugé à Paris pour des insultes, des coups et des étranglements sur sa compagne

Un policier de l'office antistupéfiants est jugé mardi devant le tribunal correctionnel de Paris pour violences volontaires sur son ex-compagne entre 2019 et 2021. Cette parisienne de 41 ans dit avoir enduré deux ans de cauchemar et dit vivre encore dans l'inquiétude, l'arme de service du fonctionnaire ne lui ayant pas été retirée dans l'attente de cette audience.

Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un pistolet à la jambe d'un policier municipal en juillet 2022. (MATHIEU HERDUIN MHERDUIN / MAXPPP)

L'expert psychiatre qui a examiné Sophie* parle de "terrorisme conjugal". Cette quadragénaire parisienne est très angoissée de se confronter à son ancien compagnon une nouvelle fois. Elle attend beaucoup de la justice et notamment la protection qu'elle n'a pas le sentiment d'avoir eue totalement dans cette affaire.

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Cette cadre dénonce deux ans de violences psychologiques - insultes, humiliation mais aussi de violences physiques - coups de poings, une dizaine d'étranglements... Quand elle ne décrit pas des scènes où Fabien R. l'aurait tirée par les cheveux. Lors de vacances en Savoie, des passants témoins de cela avaient même prévenu les gendarmes.

Même après sa rupture en juin 2021, Sophie craignait de déposer plainte contre celui qui continuait, selon elle, de la harceler. Elle se sentait "comme figée, paralysée" par son emploi de fonctionnaire de police. C'est un fait divers terrible qui l'a finalement convaincue de se rendre au commissariat du 18e arrondissement de Paris : la mort dans un arrondissement voisin le 28 janvier dernier d'Amanda Glain sous les coups de son compagnon, policier lui aussi, Arnaud Bonnefoy.

"La qualité de policier de l'auteur des violences a constitué un moyen d'emprise. On a tendance à faire confiance à quelqu'un qui a une telle fonction. Ensuite, cela créé une peur supplémentaire au moment de la commission des violences. Enfin, c'est un frein supplémentaire au dépôt de plainte car il a des relations, connait le système, sait comment se défendre, car il a la possibilité aussi plus simple de se venger étant détenteur d'une arme", remarque Me Pauline Rongier avocate de Sophie et spécialiste des dossiers de violences conjugales et de féminicides.

"Je ne minimise pas mes actes (...) je suis un danger pour toi mais je t'aime"

Les échanges de SMS entre Fabien R. et Sophie témoignent bien de violences. Fabien R. concède plusieurs fois des coups ou des étranglements y compris devant la fille de Sophie. Il fait plusieurs fois amende honorable. "Ça fait des mois que tu me bats (...), tu me fais vivre un enfer (...) je ne supporte plus ta violence", écrit-elle. "Je ne minimise pas mes actes (...) je suis un danger pour toi mais je t'aime (...) je suis désolé, je vais me soigner", répond-il.

Malgré tout le brigadier a contesté en garde à vue les faits dont il est accusé. Lui parlé de "violences réciproques provoquées par les crises d'hystérie et de jalousee de son ex-compagne (...) cherchant aujourd'hui juste à lui pourrir la vie". Un homme qui a écopé par ailleurs de 6 mois de prison avec sursis et d'un blâme il y a trois ans pour violences illégitimes dans le cadre de ses fonctions de policier. Il avait porté des coups de matraques à un homme au cours d'une intervention lors d'une bagarre en sortie de boîte de nuit. L'homme ciblé par les coups n'avait été ni violent, ni partie prenante à la bagarre.

Le juge des libertés et de la détention qui a placé sous contrôle judiciaire Fabien R. en mars dernier dans l'affaire des soupçons de violences conjugales n'a toutefois pas jugé bon de lui retirer son arme de service. Selon nos informations, le policier dispose toujours d'une arme qu'il ne peut porter que pendant ses heures de service. Sophie est très inquiète de l'usage qu'il pourrait en faire. Elle espère que le tribunal correctionnel de Paris prononce une interdiction de port d'arme. "C'est impensable que cet homme accusé de violences sérieuses sur son ex-compagne et qui a été condamné pour violences policières conserve son arme. C'est une aberration judiciaire. On ne peut pas endiguer le fléau des féminicides en continuant à ne pas protéger les femmes qui dénoncent des violences dans leurs relations", s'agace Me Pauline Rongier.

Anne-Laure Compoint l'avocate du policier qui sera jugé aujourd'hui n'a pas souhaité répondre à nos sollicitations. Son client encourt trois ans de prison ferme.

*Le prénom a été modifié.

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