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Spanghero : se remettre du scandale de la viande de cheval, c'est possible ?

La justice a donné un délai de deux semaines aux repreneurs éventuels de l'usine, en liquidation judiciaire, pour améliorer leurs offres. Mais même en cas de validation, la tâche s'annonce ardue...

Article rédigé par Marion Solletty
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
L'usine de Spanghero, à Castelnaudary (Aude), le 10 février 2013. (REMY GABALDA / AFP)

C'est un maigre sursis pour Spanghero : la justice a donné, mercredi 5 juin, deux semaines supplémentaires aux repreneurs éventuels pour améliorer leurs offres, jugées trop fragiles.

L'entreprise de transformation de viande, basée à Castelnaudary (Aude), a mordu la poussière à la suite du scandale de la viande de cheval vendue à la place du bœuf. Spanghero a vendu la viande incriminée retrouvée dans les plats préparés de nombreuses grandes marques, de Findus à Picard, en février. Elle a été désignée comme la principale coupable du scandale en France par les autorités.

Une faute qui lui coûte aujourd'hui très chère : sa clientèle envolée, l'entreprise a été placée en redressement judiciaire, ses 240 salariés menacés de licenciement. Seuls deux projets de reprise, l'un porté par les salariés, l'autre par le fondateur et ancien patron, Laurent Spanghero, sont pour l'heure connus. Mais leur financement est estimé insuffisant. 

L'entreprise peut-elle se remettre du scandale ? Francetv info s'est penché sur le cas d'autres sociétés confrontées à la même situation.

La crise sanitaire, un coup dur mais pas forcément fatal

Le secteur agroalimentaire, sensible par excellence, a déjà connu des crises retentissantes. Celle de la vache folle, dans les années 1990, est sans doute la plus grave et la plus emblématique. Un groupe comme Buffalo Grill y a pourtant survécu : accusé en 2002 d'avoir importé frauduleusement de la viande britannique en pleine crise de la vache folle, le réseau de restaurants a connu la disgrâce avant de peu à peu redresser la barre.

D'autres cas, moins célèbres, attestent de la possibilité de traverser l'orage. Serge Michels, vice-président du cabinet de conseil Protéines et spécialiste de la gestion de crise dans l'agroalimentaire, cite ainsi la société Coudray, filiale du groupe Paul Prédault. En 2000, celle-ci est en première ligne dans une épidémie de listériose qui fait deux morts en France. Des pots de rillettes produits par Coudray dans la Sarthe sont identifiés comme étant à l'origine de la contamination.

"Le marché des rillettes avait, à l'époque, chuté de 40%, ce qui est un chiffre assez classique dans ce genre de crise", explique Serge Michels, qui a dispensé des conseils à l'entreprise durant cette affaire. Coudray est gravement touchée par la crise, mais survit : Les Echos annoncent en 2003 son rachat par le groupe Cosnelle, malgré un chiffre d'affaires divisé par trois.

Les conditions de la rédemption

Reste que le cas de Spanghero est légèrement différent. "Il est moins grave [que celui de Coudray] sur le plan sanitaire, mais plus grave sur le plan éthique", analyse Serge Michels. Point déterminant : une pratique frauduleuse a été mise en avant par les autorités. Là où les consommateurs peuvent pardonner à une entreprise touchée malgré elle par une infection bactérienne, ici, "la confiance en l'entreprise est gravement atteinte", souligne Serge Michels.

L'expert souligne une autre différence, dans la gestion de crise cette fois : le rôle joué par la maison mère – Paul Prédault dans le cas Coudray. Pour Serge Michels, son soutien avait contribué, à l'époque, à sauver Coudray.

La coopérative basque Lur Berri, propriétaire de Spanghero, semble pour sa part peu encline à se laisser plomber par sa filiale. S'estimant "victime collatérale de l'affaire", Lur Berri cherche, selon certains, à s'en laver les mains au plus vite, quitte à sacrifier Spanghero. "Il ne faut pas compter sur Lur Berri pour sauver Spanghero", a ainsi lâché, amer, Laurent Spanghero, qui avait fondé la société avant de la revendre en 2009, dans le Midi Libre

Laurent Spanghero, fondateur de l'entreprise, le 14 mai 2013 à Revel (Haute-Garonne). (REMY GABALDA / AFP)

"Cette issue [la liquidation] est douloureuse pour nous tous. Mais le maximum a été fait pour redresser l'entreprise", s'est défendu Barthélémy Aguerre, vice-président de Lur Berri et président du conseil d'administration de Spanghero, sans vraiment convaincre.

Pour Spanghero, une seule solution : tout changer

Dans ces conditions, seule une reprise permettrait à l'usine de survivre. Pour avoir une chance de réussir, le nouveau propriétaire devra faire table rase du passé, ou presque.

Le dirigeant opérationnel du site, Jacques Poujol, a déjà été limogé le 22 mars. Dans ce genre de cas, un changement de nom est aussi "indispensable", juge Serge Michels. Citons par exemple le cas de la PME Fogra, dont les dirigeants ont été condamnés dans le scandale belge du poulet à la dioxine de 1999, mais qui a poursuivi son activité de collecte de graisse sous le nom de Protelux.

Reste la loi du marché... "Dans un cas comme celui de Spanghero, le repreneur rachète avant tout un outil de production, explique Serge Michels. Le risque pour Spanghero porte sur la demande." Comprenez : la conjoncture dans la filière viande, morose, ne pousse pas vraiment les repreneurs à se ruer sur Castelnaudary, siège d'une entreprise qui employa jusqu'à 500 salariés dans ses jours fastes.

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