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Six réponses à votre beau-père Jean-Louis, qui ne comprend pas pourquoi on parle autant du transfert de Neymar au PSG

L'attaquant brésilien a quitté le Barça pour rejoindre le club de la capitale. Difficile (voire impossible) de ne pas en avoir entendu parler. Un événement qui ne manque pas de faire réagir Jean-Louis.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 13min
L'attaquant brésilien Neymar (à droite) pose avec le président du PSG, Nasser Al-Khelaifi, à Paris, le 4 août 2017. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

C'est devenu le feuilleton de l'été. Le Brésilien Neymar a quitté le FC Barcelone et a signé avec le PSG pour cinq saisons. La nouvelle fait la une de la presse française et européenne, de la presse généraliste jusqu'à la presse économique en passant par les journaux spécialisés. En clair : vous en avez forcément entendu parler dans la rue, l'ascenseur, à la machine à café, à la plage ou encore au troquet du coin... Ou alors peut-être êtes-vous parti en vacances sur Mars.

Et le sujet ne va pas manquer de faire réagir votre beau-père Jean-Louis, qui ne comprend pas pourquoi on parle autant de ce transfert. Dimanche, entre les côtes d'agneau au barbecue et le vacherin glacé, il va sans doute en reparler et s'énerver. Franceinfo anticipe six de ses commentaires et les réponses que vous pourriez lui faire.

1"Non, mais faut se calmer, c'est juste un type qui court après un ballon avec 21 autres sur une pelouse..."

Alors oui, Jean-Louis, le football est populaire. C'est un sport. Mais aussi une noble activité. So Foot a tenté, en 2014, de démontrer qu'il était semblable à l'art. "Au fond, la procession des supporters vers le stade est à peu près la même que celles des passionnés d'art vers une exposition", a écrit le magazine spécialisé.

De son côté, l'international vénézuélien Fernando Aristeguieta a écrit une tribune, toujours dans So Foot, expliquant que le football était de l'art. L'attaquant insiste sur le peu de règles qui régissent ce sport et sur la créativité que cela engendre. Pour lui, "puisque nous entendons par art toute expression de la créativité et de l'imagination humaine qui requiert l'usage de ressources plastiques, orales, corporelles ou sonores, avec l'intention de communiquer quelque chose par le biais de l'esthétisme, alors nous pouvons assurer que le football est un jeu, mais aussi un art".

Il y parle avec passion des "différentes écoles de pensée partout dans le monde" qui "ont étudié et analysé en profondeur, pour l'amener à changer dans tous les domaines". Franchement, lisez son texte. Il donne presque envie de (re)découvrir les arcanes du catenaccio, les subtilités du coup franc ou les multiples façon de relancer depuis la surface de réparation. Pour vous, le foot ce n'est peut-être que 22 personnes grassement payés avec un ballon sur un rectangle vert mais il y a des centaines de millions de passionnés qui y voient d'infinies subtilités.

2"Franchement, 222 millions d'euros, c'est indécent !"

Je vous l'accorde, Jean-Louis, le montant du transfert est impressionnant. C'est un record. En fait, c'est près de deux fois plus que le précédent (120 millions d'euros) lorsque Manchester United a cassé sa tirelire, en 2016, pour appeler le Français Paul Pogba sous ses couleurs.

L'envolée des prix des transferts de football depuis 2001. (ROBIN PRUDENT / FRANCEINFO)

Alors la somme est élevée mais aux yeux de José Mourinho, l'actuel entraîneur du club britannique, elle est justifiée. Lors d'une conférence de presse, il a estimé que "ceux qui coûtent cher sont ceux qui atteignent un certain niveau [d'argent] sans une certaine qualité". Il a même dit : "Je ne pense pas que 200 millions de livres pour Neymar soit cher. (...) Neymar est l'un des meilleurs joueurs au monde, donc commercialement c'est du lourd."

Voilà, le mot est lâché : "Commercialement." Oui, sur un plan plus large, il faut garder en tête qu'il s'agit pour le PSG d'un investissement. Et on imagine que signer un tel chèque est une décision stratégique et réfléchie. A y regarder de plus près, comme l'a fait franceinfo, au niveau sportif, Neymar est tellement fort qu'il peut faire passer un cap au PSG. Au niveau commercial, il est si populaire qu'il pourrait faire exploser la notoriété du club de la capitale et l'installer parmi les plus influents du monde.

Dans Le Parisien, Didier Poulmaire, avocat spécialiste du sport business et de l'image des stars remarque que Neymar "est une marque mondialement connue, dotée d'une image puissante et très positive. Il incarne des valeurs de fraîcheur, de spontanéité et de générosité". En résumé, il estimait que "son potentiel commercial est énorme et [que] si le PSG négociait l'exploitation d'une partie de son image individuelle, les retombées seraient forcément hors normes".

3"Et son salaire de 30 millions d'euros par an, c'est honteux !"

Vous n'êtes pas le premier à faire ce genre de remarque, Jean-Louis. Faim dans le monde, minimum vieillesse, salaires des professeurs, rémunération des infirmières, il y a eu tout un tas de comparaisons indignées. Philousports, célèbre Twitto, a répondu avec humour à un internaute qui partageait votre colère.

Je ne sais pas si vous y avez pensé mais un journaliste a comparé les revenus de l'attaquant Brésilien avec ceux de stars de la musique ou du cinéma. J'ai envie de vous dire la même chose que ce que le journaliste a lancé aux internautes : "J'attends votre indignation comme pour Neymar."

Cette comparaison a été développée par Pascal Boniface, le directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques, sur son blog : "Les gains de Beyoncé ou les droits d'auteurs perçus par J.K. Rowling [l'auteure de la saga Harry Potter] ne choquent personne. Mais lorsqu'on annonce que Neymar va être payé 30 millions d'euros par an, tout le monde s'offusque." Comme vous. "Ce qui est considéré comme la juste reconnaissance du talent dans le cinéma, l'opéra, le show-biz ou la littérature est jugé indécent pour le football", écrit-il. En fait, le problème, c'est que vous déconsidérez le football.

Pourtant, vous aimez bien regarder un bon match de temps de temps en temps, non ? Ca rappelle une remarque de l'économiste Frédéric Lassalle, maître de conférences à l'IAE de Dijon, spécialiste du sport. "Le problème, c'est que l'on est content du spectacle qu'offrent des joueurs mais on n'accepte pas qu'ils soient bien payés", jugeait-il dans L'Express, en 2014. Or "les utilisateurs de Facebook ne parlent pas du salaire de Mark Zuckerberg", remarquait-il.

L'institut préparatoire au métier d'agent de footballeur (Ipaf) reconnaît que les salaires parfois mirobolants des joueurs peuvent choquer. "Si cette question se pose, c'est que le métier de footballeur n'a pas de réel impact social, au contraire d'un médecin par exemple, ni ne nécessite de compétences intellectuelles exceptionnelles." Mais il rappelle que "comme un patron d'entreprise, l'acteur de cinéma ou la star de la chanson, le footballeur fait partie d'une élite issue d'une sélection très étroite". Avec un chiffre impressionnant : "Une fois arrivés en centre de formation, à peine 15% de ces apprentis footballeurs connaîtront par la suite les joies du monde professionnel."

Finalement, votre critique des salaires de footballeurs n'est qu'une vieille rengaine. Didier Braun, chroniqueur au journal L'Equipe, a noté qu'"à toutes les époques, les footballeurs ont été considérés comme trop payés, même quand les salaires n'atteignaient pas les sommets extravagants qui sont déplorés aujourd'hui. Même avant l'instauration du professionnalisme en France, en 1932".

4"De toute façon, c'était mieux avant. Le foot d'aujourd'hui, ce n'est plus que du business"

Jean-Louis, vous avez la mémoire courte. Comme l'a écrit Slate, en 2014, "l'argent a toujours fait partie du football professionnel. Et même en France, les valises de billets étaient arrivées bien avant la venue des Qataris du PSG".

Vous oubliez, par exemple, la façon dont Bernard Tapie a dirigé l'Olympique de Marseille, de 1986 à 1994. Sa politique "était simple. Il instaura une explosion des salaires, comme il l'avait fait précédemment dans le cyclisme. Il a acheté les meilleurs joueurs français en les payant grassement", rappelle Jérôme Jessel, co-auteur du livre La Face cachée du foot business.

Toujours sur Slate, l'économiste du football Bastien Drut a un avis assez tranché sur les personnes qui, comme vous, ont tendance à tomber à bras raccourcis sur le foot business. D'après ce spécialiste, "un football d'élite vierge de toute préoccupation financière est une idée tout simplement naïve et non réaliste. (...) Le simple fait que des téléspectateurs souhaitent visionner des matchs implique la vente de droits télé considérables".

Oui, Jean-Louis, c'est aussi parce qu'il y a beaucoup de téléspectateurs qu'il y a beaucoup d'argent en jeu. Et encore, le football est loin des sports américains. Les Echos ont noté, en 2016, que mise à part la Premier League britannique qui perçoit de ses diffuseurs trois milliards d'euros par saison, la Ligue 1, la Serie A italienne, la Liga espagnole, la Bundesliga allemande touchent entre 1 milliard et 1,5 milliard d'euros par an. Outre-Atlantique, les chiffres sont bien plus élevés : 2,2 milliards pour la NBA (basket), 2,4 milliards pour la MLB (base-ball) et 5,6 milliards pour la NFL (football américain).

5"Tout est opaque, c'est géré par des types aux méthodes mafieuses"

Vous avez raison, Jean-Louis. Il y a des zones d'ombre dans l'argent qui circule dans le milieu du football. Et il existe un risque croissant qu'il soit inondé par de l'argent sale. En 2016, sur France Inter, l'ancien juge d'instruction Eric Halphen disait avoir constaté dans "beaucoup d'affaires" "des relations entre le BTP, la finance et le sport". D'après ses observations, "les filières de corruption du BTP, du trafic d'armes et de stupéfiant utilisaient les mêmes circuits bancaires que pour certains transferts sportifs".

Mais ce n'est pas le Far West, Jean-Louis. Il existe des instances de contrôle. En France, nous avons la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), surnommé le gendarme financier du foot français. Elle agit sous la tutelle de la Ligue de football professionnel (LFP) et de la Fédération française de football (FFF). Elle veille à ce que les clubs ne soient pas plombés par des dettes impossibles à assumer. Et, depuis fin juin, elle peut enquêter sur la comptabilité des agents de footballeurs. "Nous sommes le premier sport professionnel à mettre en place cette extension des contrôles de la DNCG", s'est d'ailleurs félicité le directeur général de la LFP.

Des organismes semblables au gendarme financier français existent dans d'autres pays. Le patron de la Fédération française de football, Noël Le Graët, a précisé que des discussions étaient en cours avec "l'Espagne, l'Allemagne et l'Angleterre au niveau de l'UEFA" pour avoir "une bonne régulation". Ce n'est peut-être pas suffisant. Mais on ne peut nier qu'il y a du progrès.

6"Les médias me fatiguent avec Neymar, ils ne parlent que de ça. Il n'y a pas d'autres sujets plus importants à traiter ?"

Allons Jean-Louis, c'est un peu hâtif de lancer ça. Déja, il n'est pas étonnant que la presse (papier, télévisée, radio et web) parlent beaucoup de Neymar. On est au cœur de l'été. L'activité ralentit et l'actualité avec. Et ce transfert "est l'événement le plus important de ces trente dernières années au niveau du championnat français de la Ligue 1", a estimé sur franceinfo Nathalie Boy de la Tour, présidente de la LFP. Il est donc compréhensible que ce transfert historique fasse la une. C'est un événement majeur, à la fois sportif et économique.

Ensuite, Neymar n'est pas le seul sujet traité par les rédactions. Par exemple, sur franceinfo, nous avons suivi avec attention l'affaire Grégoryles incendies qui ont fait rage dans le sud de la France, la pagaille monstre à la gare Montparnasse, la canicule qui écrase le Sud-Est ou encore les députés champions de l'absentéisme.

Et l'international n'a pas été oublié avec de nombreux articles sur la crise au Venezuela, les remous à la tête de la communication de la Maison Blanche, ou encore la révolte du bikini en Algérie. Mais peut-être que vous étiez trop occupé à faire bronzette ou à déguster l'apéro pour les lire.

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