Coupe du monde de rugby : agressivité sur le porteur du ballon, jeu au pied, gestion des émotions... Les clés du match France-Nouvelle-Zélande
"Que rêver de mieux que la Nouvelle-Zélande ?" Deux jours avant le choc de prestige pour lancer cette Coupe du monde, vendredi 8 septembre, Fabien Galthié ne tarissait pas d'éloges sur l'adversaire des Bleus, épouvantail historique du rugby pourtant laminé par l'Afrique du Sud pour son dernier match de préparation. Privé de Jonathan Danty, Paul Willemse et Romain Ntamack, le XV de France devra s'appuyer sur ses points forts pour maltraiter à nouveau les Océaniens, qu'ils avaient battus dans le même stade il y a deux ans (40-25). Franceinfo: sport vous présente les clés du premier choc de la Coupe du monde.
L'agressivité, une filière à exploiter
Face aux Springboks le mois dernier, les Néo-zélandais ont été étouffés dans la transmission, incapables de produire leur jeu d'habitude si léché et rapide. A la clé, une gifle historique seulement réduite par un essai opportuniste de Cam Roigard en fin de match (35-7). Des pistes à explorer pour le XV de France. "L'intensité que les Springboks ont mise en défense, cette faculté à monter fort et à mettre une présence sur les Blacks et à les voir sans solutions, c'est très inspirant pour les Français. Ça a dû les conforter dans le fait de se dire que c'est le moment de les prendre", analyse notre consultant Vincent Clerc.
Dépassés par le maul sud-africain sur deux essais de suite (60e et 68e), les Kiwis ont eu toutes les peines du monde à contenir la fougue de Springboks déjà prêts. Ça tombe bien, la France avec Antoine Dupont, Matthieu Jalibert ou Damian Penaud en regorge. Pour notre consultant, les Bleus auront même le choix de la stratégie tant le XV proposé par Fabien Galthié est complet. "On a vu les All Blacks se heurter à un mur sud-africain et être sans solutions offensives, donc ça va être un choix des Bleus : vont-ils considérer qu'ils peuvent laisser le ballon aux Blacks et plutôt jouer sur la dépossession, alors qu'ils sont également très forts offensivement ?", se questionne l'ancien trois-quart aile tricolore.
Face à une mêlée néo-zélandaise très solide, les Bleus devront également maintenir l'intensité en défense, orphelins de la puissance de Jonathan Danty et de la roublardise de Romain Ntamack. Ils pourront s'appuyer sur les ajustements réalisés en cours de match face à l'Australie, tout en intégrant Yoram Moefena et Cameron Woki.
Un jeu haut au pied à surveiller
Entre deux équipes très joueuses, "celles qui font le plus progresser le jeu dans l’histoire du rugby mondial" selon le journaliste néo-zélandais Ian Borthwick, le jeu au pied devrait revêtir vendredi le rôle de facteur X. "Le match sera très stratégique car il ne faut jamais donner de ballons faciles aux All Blacks. Ils sont très forts en contre-attaque et s’appuient sur de nombreuses individualités capables de faire la différence. Le jeu au pied sera donc une arme décisive lors de ce match", dévoile Matthieu Jalibert.
En attaque, le pied devrait être fréquemment utilisé pour écarter le jeu et chercher les ailiers, comme lors du dernier essai face à l'Australie, avec un ballon millimétré d'Antoine Dupont pour Damian Penaud au-dessus des défenseurs. "C’est une arme fatale au niveau international et un élément sur lequel nous nous appuyons beaucoup. Plus nous mettons la pression à l’adversaire, plus nous l’obligeons à jouer chez lui et à gérer des situations critiques", poursuit Jalibert.
En défense, les Bleus devront néanmoins se méfier du jeu au pied haut des Blacks, qui cherchent l'autre côté du terrain pour bénéficier de la vitesse de Will Jordan. "Ça fait partie de leur jeu d’envoyer des chandelles décroisées, il faudra qu’on soit très vigilant dans nos placements dans cette zone où il va y avoir une lutte aérienne", explique Gabin Villière.
Un duel de charnières à peaufiner
Avec la blessure de Romain Ntamack, le XV de France a perdu son ouvreur titulaire, mais elle peut compter sur un réservoir conséquent. Matthieu Jalibert a pu parfaire son entente avec Antoine Dupont à la charnière face à l'Australie, où il est apparu beaucoup plus libéré en deuxième mi-temps après avoir été appliqué en première. "L’entente avec Antoine est top, ça fait maintenant plusieurs années que nous nous entraînons et jouons ensemble. Je prends pas mal de plaisir à jouer avec lui car c’est un joueur de classe mondiale qui crée beaucoup de danger autour de lui", a avancé le joueur de l'Union Bordeaux-Bègles.
Il faudra néanmoins immédiatement être au niveau, car des Blacks revanchards voudront immédiatement étouffer la furie bleue. "C'est un gros test. Aujourd'hui, Jalibert est n°1. C'est bien aussi de jouer un match de ce niveau-là, sans réelle pression, qui n'influe pas sur la suite de la compétition. Ca a déjà marché par le passé quand Romain avait déjà été blessé, donc il n'y a pas d'inquiétude particulière", tempère Vincent Clerc.
Car en face, la paire Aaron Smith-Richie Mo'unga, habituelle sans être indéboulonnable, accompagnée de Beauden Barrett, aura également plusieurs meneurs de jeu de classe mondiale. Avec une cible identifiée pour enrayer la mécanique bleue. "On va être très vigilants sur Antoine Dupont et ses actions. On va faire en sorte de limiter son rayon d’action, mais c’est un travail collectif", explique Aaron Smith.
Un public et des émotions à gérer
Enfin, impossible d'omettre l'ambiance qui entoure ce choc : un match d'ouverture au Stade de France, pour prendre la revanche sur l'édition 2007, où les Bleus avaient été surpris par l'Argentine pour lancer la compétition (12-17). "Il faut que l’on arrive à ne prendre que les énergies positives de cette pression, que ça nous porte en s’appuyant sur la confiance que l’on a créée avec notre public ces dernières années", souligne Antoine Dupont.
En face, les Néo-Zélandais voudront envoyer un message et s'éviter des doutes sur leur niveau de jeu, avant un quart de finale à leur portée qui n'arrivera que dans un mois. "Après nos performances contre l'Australie et l'Afrique du Sud (en juillet), on a fait de nous d’un seul coup les favoris de la Coupe du Monde. Puis il a suffi d’une performance moyenne à Twickenham pour qu’on devienne la pire équipe All Blacks de tous les temps", déplore le sélectionneur Ian Foster, conforté par son capitaine Sam Cane : "Cette équipe trouve en elle-même énormément de motivation. Je ne m'inquiète pas trop des commentaires à ce sujet."
Face à des Blacks rajeunis mais triple champions du monde, la gestion de l'émotion sera primordiale pour les Bleus, surtout en début de match. "Ils vont nous challenger dans tous les domaines, individuel, collectif, stratégie, émotionnel. Et cette donnée qu’on perçoit parfois un peu moins, c’est la relation entre les joueurs, l’affect, l’amour, l’envie d’assurer l’intérieur de l’autre. Il y a une force invisible qui naît dans ces moments-là et qui s’affirme, c’est ce qu’on a essayé de construire et on va passer au révélateur", ambitionne Fabien Galthié, qui arrive à l'immense échéance de son mandat commencé en 2019.
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