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Taxe sur les hauts revenus : mais d'où sort le chiffre de 66,66% ?

Le Conseil d'Etat doit recommande de baisser à 66,66% le seuil de la taxe sur les hauts revenus, qui était initialement de 75%, pour éviter qu'elle ne soit "confiscatoire". 

Article rédigé par Héloïse Leussier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
La taxe à 75% sur les très hauts revenus voulue par le gouvernement pourrait se transformer en taxe à 66,66%, selon "Le Figaro" du 20 mars 2013. (JOHN LAMB / PHOTODISC)

Il n'y aura sans doute pas de taxe à 75% pour les plus riches. Le Conseil d'Etat recommande que la taxation exceptionnelle sur les très hauts revenus ne dépasse pas 66,66%, indique jeudi 21 mars l'entourage du nouveau ministre du Budget, Bernard Cazeneuve. Mais d'où vient cet étrange chiffre ? Explications.

Pour comprendre le choix du Conseil d'Etat, il faut revenir sur la décision du Conseil constitutionnel, qui avait retoqué la taxe sur les revenus de plus d'un million d'euros en décembre 2012. Les Sages avaient alors considéré que la contribution à 75% voulue par François Hollande était contraire au principe d'égalité devant l'impôt, car elle était assise sur le revenu par individu et non pas par foyer. Par exemple, un ménage dans lequel chaque membre touche un revenu de 900 000 euros se serait trouvé exempté de la taxe, tandis qu'un autre, dans lequel un seul membre gagne 1,2 million d'euros et l'autre rien, aurait dû s'en acquitter. Pour contourner ce problème, le gouvernement pouvait facilement remodeler la taxe en la basant sur le foyer fiscal et en adaptant le plafond à partir duquel les contribuables y seraient redevables.

Eviter un taux confiscatoire

Mais si le Conseil constitutionnel ne s'était pas prononcé sur le caractère "confiscatoire" de la taxe, il avait tout de même envoyé des signaux laissant présager que le taux de 75% ne lui convenait pas totalement. Comme le notait La Tribune, les Sages, dans leur décision, avaient aussi "jugé confiscatoire un taux de 68%, que le gouvernement voulait appliquer, dans certains cas, aux stock options". Précisant du coup le seuil précis auquel correspondait cette appréciation. La nouvelle imposition ne devait donc pas dépasser ce taux, d’où le chiffre de 66,66% proposé par le Conseil d'Etat.

"Le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat communiquent beaucoup, explique Maître Corbel, avocat fiscaliste contacté par francetv infoLe premier a certainement glissé au second qu’il retoquerait toute imposition au dessus de ce taux." En conséquence, le gouvernement se trouve face à une sorte de bouclier fiscal qui empêche une taxation globale au-delà de 66,66%. La contribution exceptionnelle voulue par Hollande, qui faisait grimper la taxation totale des très hauts revenus à 75% quand on l'ajoutait aux autres impôts (tranche maximale sur le revenu à 45%, surtaxe Fillon à 4% et autres prélèvements), devra donc être réduite. Cette contribution exceptionnelle tant décriée passerait ainsi de 18% à 9,6% selon le Figaro, voire à 4,4% selon Les Echos

Un chiffre "étrange"

Reste que le chiffre de 66,66% peut surprendre. "Puisqu’une taxe au trois quarts ne passait pas, on a proposé les deux tiers ?", s’interroge Guillaume Allègre, économiste à l'OFCE. Interrogé par francetv info, il avoue ne pas bien comprendre ce qui justifie cette décision. "C'est vrai que c’est un chiffre relativement étrange", observe le communiquant Olivier Cimelière. "Une fois de plus, on tente de couper la poire en deux pour donner des gages à chacun, mais avec un chiffre aussi peu tranché, cela ne va pas arranger l'impression de flou qui colle à l'image de l'exécutif", estime le professionnel de la communication.

Jean-Luc Mélenchon, lui a déjà ironisé sur France Info : "Ça me tire un petit sourire, 66,66% c'est bon, 66,67% c'est confiscatoire ! C'est d'une extraordinaire précision, c’est franchement grotesque !" Du côté des réseaux sociaux, ce chiffre aux airs satanistes fait lui aussi sourire…

Le gouvernement, probablement impatient d'en finir avec cette malédiction, devrait présenter ses solutions rapidement. 

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