Taxer les épargnants pour financer un plan d'aide européen : bientôt chez vous ?
Chypre a accepté d'assainir son budget en se servant directement dans les comptes des épargnants. Une éventuelle généralisation dans d'autres pays inquiète.
C'est une première dans la zone euro. Confronté à une crise bancaire et économique, Chypre a obtenu, samedi 16 mars, 10 milliards d'euros de la Troïka (Fonds monétaire international, Union européenne et Banque centrale européenne). En échange de ce prêt, le pays a accepté de taxer ses épargnants en se servant directement dans leurs comptes. Retour sur cette décision et sa possible application dans d'autres Etats européens.
Ce que prévoit cette taxe
Si la mesure est votée en l'état par le Parlement, tous les dépôts bancaires en dessous de 100 000 euros seront taxés à 6,75%, et ceux au-delà de cette limite à 9,9%. Une retenue à la source sur les intérêts est également instituée par l'accord. Un compte provisionné à hauteur de 2 000 euros se verrait donc amputé de 135 euros, comme le montre notre calculette.
Ces prélèvements, censés rapporter 5,8 milliards d'euros, seront appliqués à toutes les personnes résidant sur l'île méditerranéenne, des employés chypriotes jusqu'aux oligarques russes. "Une très large part des dépôts dans les banques chypriotes provient d'origines incertaines en Russie", relève notre blogueur Alexandre Delaigue. Cette mesure permettrait donc de ne pas pénaliser uniquement les citoyens chypriotes.
"J'ai choisi l'option la moins douloureuse", s'est défendu le président chypriote, Nicos Anastasiades. Elle permet d'éviter "des coupes dans les salaires et les pensions", comme l'affirmait dès samedi son ministre des Finances.
Pourquoi l'inquiétude grandit
Pour l'heure, la taxe est présentée par l'Eurogroupe comme exceptionnelle et circonscrite à Chypre, mais la question de son éventuelle généralisation inquiète. "Si ça marche, cela pourra resservir à l'avenir", notamment en Espagne et en Italie, a avancé lors des négociations un officiel chypriote, cité par le Financial Times (article abonnés, en anglais).
"Cela va à l'encontre même de tous les préceptes de l'Union européenne, notamment la parfaite mobilité des capitaux", explique à francetv info Jérôme Creel, directeur adjoint au département des études de l’OFCE. Les plus riches, experts en optimisation fiscale, pourront, selon lui, déplacer leurs dépôts, contrairement aux épargnants moyens, moins enclins à déménager leurs économies. La sécurité des dépôts est elle aussi en péril, et avec elle la confiance dans le système bancaire.
La Grèce, l'Irlande, l'Espagne et le Portugal ont déjà bénéficié d'un plan d'aide, sans qu'une telle mesure ne soit jamais évoquée. Comment en est-on arrivé là ? Il y a, de la part de la Troïka et "en particulier du FMI", une "volonté de conditionner de plus en plus les aides attribuées aux Etats européens", estime l'économiste de l'OFCE. Pas question de consentir à un simple prêt sans contrepartie. D'ordinaire laissées "à la discrétion" des Etats aidés, les mesures visant à l'assainissement budgétaire ont cette fois été "imposées" au gouvernement chypriote, victime, selon l'économiste, d'une "ingérence" inédite dans ses finances publiques.
Pourquoi une généralisation reste peu probable
Des discussions de l'Eurogroupe sont prévues lundi à 19h30, heure de Paris. Elles porteront sur un rééquilibrage des taxes sur les comptes bancaires : 3% pour les moins de 100 000 euros, 15% pour les plus de 500 000 euros.
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