Amiante : 16 ans de prison pour les deux accusés du procès italien
L'ex-propriétaire du groupe suisse Eternit et l'ancien actionnaire belge de la branche italienne de l'entreprise ont été jugés responsables de la mort d'environ 3 000 personnes en Italie.
Le verdict du procès Eternit était très attendu, à Turin (Italie) : les deux inculpés, l'ancien-propriétaire du groupe suisse et l'ancien actionnaire belge de la branche italienne de l'entreprise, ont été condamnés à 16 ans de prison, lundi 13 février. Ils ont été jugés responsables de la mort d'environ 3 000 personnes en Italie.
Ce tout premier procès au pénal sur le drame de l'amiante pourrait créer un précédent pour les autres pays concernés. "C'est un formidable espoir pour les victimes du monde entier", estime l'association des victimes françaises Andeva, qui a envoyé 160 de ses membres témoigner de leur solidarité dans la ville italienne. Quelque 2 000 personnes étaient attendues sur place, selon Le Monde. Qui est mis en cause ? Pourquoi ce procès est-il si important ? FTVi fait le point.
Qui est mis en cause ?
• Le milliardaire Stephan Schmidheiny, 65 ans, ex-propriétaire du groupe suisse Eternit qui était spécialisé dans les matériaux de construction en amiante. Le groupe comptait quatre établissements en Italie, le plus grand était situé à Casale Monferrato (Piémont).
• Le baron belge Jean-Louis Marie Ghislain de Cartier de Marchienne, 89 ans, ancien actionnaire de la branche italienne de l'entreprise.
Mais le banc des accusés devait être vide : ces anciens dirigeants devaient en effet être représentés par leurs avocats.
Pour quoi sont-ils condamnés ?
• Ils étaient soupçonnés d'avoir omis volontairement de protéger la santé de leurs employés. Ce manquement a provoqué 3 000 décès dus au cancer de la plèvre - dont 1 800 dans la seule ville de Casale Monferrato, ainsi que 700 cas de fibrose pulmonaire. Mais ces maladies ne concernent pas seulement les salariés de l'entreprise. Elles touchent également leurs familles et les habitants vivant autour des usines.
• Les deux hommes étaient également accusés "de désastre environnemental permanent". Selon Le Point, "ce chef d'inculpation sous-entend qu'ils avaient connaissance des dangers et qu'ils ont préféré la logique du profit à la santé des ouvriers et des populations vivant à proximité des usines".
Pourquoi ce procès est-il si important ?
• Avec 6 337 parties civiles et un dossier de 220 000 pages, c'est le plus grand procès contre l'amiante jamais organisé.
• La jurisprudence des affaires concernant l'amiante pourrait changer. "C'est la première fois que ce ne sont pas des administrateurs locaux des usines qui sont inculpés, mais les véritables responsables, affirme le procureur Raffaele Guariniello. Nous avons des documents du siège suisse de la société démontrant que les instructions venaient du sommet." Le magistrat estime que ce procès est peut-être celui du "début de la fin de l'amiante."
• C'est un matériau encore largement utilisé. Si l'amiante est interdit en Europe depuis 2005, il reste utilisé sans précaution dans de très nombreux pays. Seuls 54 Etats l'ont banni. Il reste très prisé dans les pays émergents. D'ailleurs, les quatre principaux producteurs mondiaux sont la Russie, la Chine, le Canada et le Brésil.
• L'amiante est jugé responsable de 10 à 20 % des cancers du poumon. Selon les autorités sanitaires, il pourrait provoquer 100 000 décès d'ici à 2025.
• Le procès a un rayonnement international. En France, les premières plaintes de travailleurs exposés datent de 1996, mais il n'y a eu aucun grand procès à ce jour. En Belgique, un tout premier jugement au civil a accordé, le 28 novembre dernier, une indemnisation de 250 000 euros à une famille de victimes de l'amiante. Le tribunal civil de Bruxelles a jugé le fabricant belge d'amiante Eternit responsable de la mort, en 2000, de la femme d'un ingénieur de l'usine décédé treize ans plus tôt à cause de l'amiante, et dont deux des cinq fils ont succombé pour la même raison.
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