Un dimanche, cinq meetings, cinq stratégies
Dernière ligne droite pour les dix candidats à l'élection présidentielle, dimanche, cinq d'entre eux tenaient meeting. Ambiance, discours et positionnement stratégique. FTVi vous fait revivre l'essentiel.
Dernière ligne droite ! Une semaine jour pour jour avant le premier tour de l’élection présidentielle, cinq des prétendants à l’Elysée ont tenu meeting, dimanche 15 avril. Ambiance, discours, et stratégie, FTVi vous fait revivre l’essentiel.
• Sarkozy place de la Concorde : opération mobilisation
Les sondages stagnent, voire le signalent à la baisse et rien n’y fait. Ni les meetings régionaux où il donne tout, ni les menaces en dégradation de la France si la gauche passe. Du coup, Nicolas Sarkozy a sorti l’artillerie lourde : son père dans le public, vidéos de soutien de people comme Véronique Genest ou Claude Lelouch, ténors de la majorité en rang d’oignon au pied de la tribune et cinq écrans géants.
Précédent le président candidat à la tribune, trompe-l’œil kitsch de l’Assemblée nationale en arrière-plan, le Premier ministre, François Fillon, et Jean-François Copé, patron de l’UMP, expriment les sensibilités d'un parti soudé et en ordre de bataille,disent-ils. La foule, moins compacte que prévue mais quand même gonflée à "100 000 personnes" et même "150 000" par les ténors du parti, est survoltée et coupe régulièrement son candidat de "on va gagner" et autres "Nicolas président". Son discours a duré 35 minutes.
Nicolas Sarkozy a prôné "un nouveau modèle français" dans lequel "tout le monde sera formé et pourra accéder à la promotion sociale", promettant de construire une "Europe de l’investissement, de la production et de la croissance", affranchie du dogme allemand de l'indépendance de la Banque centrale européenne. Nicolas Sarkozy, pour qui les reports de voix du Front national seraient très faibles, a également défendu l’idée de "nation" : "Défendre son identité, défendre sa civilisation, ce n’est pas honteux, c’est légitime."
Le président sortant a également invoqué Victor Hugo : "Ce principe qu'il faut que tout homme commence par le travail et finisse par la propriété." Avant de supplier à pleins poumons ses partisans : "Peuple de France, n’ayez pas peur, ils ne gagneront pas si vous décidez que vous voulez gagner. (…) Françaises, Français, aidez-moi, aidez-moi, aidez la France, c’est maintenant !"
• Hollande sur l’esplanade du château de Vincennes : opération ferveur
A la hausse et en première position au premier et au second tour dans les derniers sondages, François Hollande s’affiche prudent mais a cherché, dans un "rassemblement familial et festif", à souligner la dynamique qui le porte, à démontrer "la ferveur" dont les commentateurs politiques ont souligné l’absence depuis son meeting au Bourget.
Le PS n’a pas lésiné sur les moyens : scène de 480 m2, concerts du groupe Le Bal et de Kassav, duo des figures féminines montantes du parti, Aurélie Filippetti et Najat Vallaud-Belkacem, pour chauffer la foule, elle aussi gonflée à "120 000 personnes" par les responsables socialistes.
A l’inverse de son principal adversaire qui s’adressait à "la France silencieuse", le candidat socialiste, dans un discours de près d’une heure, a voulu incarner "la France rassemblée": "Il n'y a pas une minorité bruyante et une majorité silencieuse. (...) La plus belle majorité que je connaisse est celle qui se dégage des urnes." Avant de longuement décliner son programme, François Hollande, la voix complètement éraillée, a fustigé Nicolas Sarkozy : "La droite coalise les craintes, agite les craintes, réveille les fantasmes", "ils sont sans doute prêts à tout, mais nous, nous sommes prêts à gouverner la France".
Les applaudissements des spectateurs, dont les éléphants du PS mais aussi Jane Birkin, Benjamin Biolay ou Valérie Damidot, parsèment le discours. Tandis que le socialiste qui promet d’être le "président de la justice" se replace dans l’histoire de la gauche française, en appelant à Léon Blum, aux Lumières, à Pierre Mendès-France et François Mitterrand. Et de motiver ses troupes jusqu’à dimanche prochain : "Rien ne nous arrêtera, rien ne nous empêchera, nous sommes là, nous serons là, au service de notre pays."
• Le Pen à Hénin-Beaumont : opération distinction
En lutte avec Jean-Luc Mélenchon pour la troisième place dans les différents sondages, Marine Le Pen a choisi, sous la pression des élus frontistes du Nord-Pas-de-Calais, de s’exprimer dans son fief d’Hénin-Beaumont. Mais au lieu d’un meeting traditionnel, la candidate frontiste a mis en scène "un exercice évident mais tellement oublié, donner la parole [au peuple]".
Devant 2 000 personnes selon le parti et sur un fond bleu barré d'un"Parlement des invisibles" et agrémenté de multiples silhouettes, la candidate du Front national n’en a pas moins fustigé les "petites festivités parisiennes" où se rendent "les bobos (…) qui iront à la Concorde après le brunch avant de filer en Vélib’ à Vincennes". Après un discours de près de 30 minutes, Marine Le Pen a répondu à une quinzaine de questions-témoignages, triées sur le volet comme : "Mon fils aîné a été violemment attaqué par une bande de lâches d’origine immigrée pour lui voler son iPhone. Depuis, je le vois partir la peur au ventre. J'ai l’impression qu’on ne peut rien faire. Et vous, madame Le Pen ?" ou encore "Quelles seraient vos mesures pour anéantir ce délétère et détestable fléau qu’est la corruption ?"
La candidate frontiste a notamment promis la proportionnelle aux législatives et été très applaudie lorsqu'elle a proposé un référendum sur la peine de mort et le rétablissement de la double peine.
• Bayrou à Marseille : opération dramatisation
Cinquième homme dans les sondages qui le créditent tous autour de 10%, le candidat le plus courtisé de 2007 peine à faire entendre son discours essentiellement axé sur le désendettement du pays. Entouré de nombreux élus et cadres du MoDem, François Bayrou a invoqué "l'urgence" d'une situation dramatique pour tenter de faire entendre sa voix.
Devant la salle du Silo, à Marseille, d’une capacité de 2 000 personnes et pas tout à fait comble, le candidat du MoDem a renvoyé Nicolas Sarkozy et François Hollande dos à dos : "Ils mentent sur la situation du pays, ils mentent de concert, ils mentent parce qu’il y a une entente tacite. (...) Ça n’est pas à la dimension des foules qu’on mesure la vérité des discours qu’on y tient."
Le centriste a tenu durant 1 heure et demi un discours alarmiste sur la situation du pays, cristallisant tous les enjeux sur le dimanche 22 avril : "C’est une question de survie pour le modèle que nous avons construit en France." Avec une comparaison avec "les années 30", durant lesquelles "la pensée unique de l’époque pensait que la ligne Maginot pouvait sauver notre pays".
Détaillant les exemples de la filière du jean, du bois, ou les "atouts" du secteur aéronautique français, François Bayrou a défendu son "produire en France", mais aussi son "fort bon sens, enraciné, paysan tant qu’on voudra". A des sympathisants qui ont du mal à chauffer l’ambiance, l’autoproclamé "chef de la seule majorité stable pour le pays, la majorité centrale" a promis que "ses forces ne seraient pas mesurées" dans les huit prochains jours. Puis ses soutiens ont supplié chacun d’aller convaincre "autour de lui, tous les amis indécis", se donnant "une semaine pour convaincre les 40% de Français pas décidés".
• Arthaud au Zénith de Paris : opération révolution
Devant un Zénith comble de près de 4 000 personnes et force drapeaux rouges de Lutte ouvrière, Nathalie Arthaud a prononcé un discours de près d’un heure et quart, très applaudi. Fidèle à elle-même, celle qui ne veut pas être présidente mais cherche surtout à populariser la lutte contre "le capitalisme" a fustigé la droite et la gauche. Et d’appeler à "montrer le rejet du locataire de l’Elysée" tout en critiquant la tranche d’impôt supplémentaire proposé par François Hollande : "Les 75%, ce n'est pas ça qui fera baisser les impôts des travailleurs". Elle a également fustigé Jean-Luc Mélenchon qui "a réussi à reprendre la fonction que le Parti communiste a rempli pendant si longtemps : celle de ramasse-voix pour le Parti socialiste".
Pour la nouvelle Arlette Laguiller, qui se félicite que "le courant communiste révolutionnaire n'[ait] jamais disparu malgré la pression du stalinisme" , la "classe capitaliste a transformé la planète entière en casino" et "n'a pas envie de se soigner". "A bas l'impérialisme français !", dit-elle quant à la politique extérieure menée par l'Hexagone. "C'est leur CAC 40 ou c'est nos emplois, c'est leur sinécure, ou c'est nos retraites (...) C'est eux, ou c'est nous", s’est-elle enflammée avant de préciser : "Voter pour ma candidature, c'est affirmer que l'on n'est pas dupes devant ces alternances électorales."
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