Vrai ou faux Coût des fournitures, rythme scolaire, cahiers de vacances... On a vérifié six idées reçues avant la rentrée

Article rédigé par Léa Deseille
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8 min
De nombreux préjugés existent autour de la rentrée et de la scolarité. (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO)
A l'occasion de la rentrée des classes, franceinfo s'est intéressé à six idées reçues liées à la scolarité et à l'apprentissage et a démêlé le vrai du faux.

Les vacances sont terminées, les fournitures achetées, les cartables bouclés. Les salles de classe n'attendent plus que leurs élèves, qui font leur rentrée lundi 2 septembre. Près de 12 millions d'écoliers, collégiens et lycéens retrouvent ou découvrent professeurs et camarades de classe. A cette occasion, et avec l'aide d'experts scientifiques, franceinfo a vérifié six idées reçues sur cette période charnière de l'année, sur la scolarité et l'apprentissage.

1 La rentrée scolaire coûte de plus en plus cher : plutôt vrai

Trois cahiers petits carreaux à spirales, deux cahiers à grands carreaux, des stylos à bille de quatre couleurs différentes, un stylo plume... Pour les parents d'élèves, la facture de la longue liste des fournitures scolaires peut vite devenir salée. Une étude de l'association de consommateurs UFC-Que Choisir, parue en juillet, anticipe toutefois une très légère baisse pour la rentrée 2024. Sur un panier de 135 produits, les prix sont 1% moins élevés qu'en juillet 2023.

L'association Familles de France annonce aussi une baisse de 1,27% du coût des fournitures scolaires pour un élève entrant en 6e. Ce léger recul n'efface pas pour autant la hausse constante des prix des fournitures scolaires ces dernières années, visible dans les données de l'Insee, ainsi que la forte inflation de 2023. Le coût des fournitures scolaires avait bondi de 11,3% par rapport à 2022, selon un rapport de la Confédération syndicale des familles.

Pour limiter le coût de la rentrée, beaucoup de familles privilégient quand c'est possible la réutilisation d'anciennes fournitures scolaires ou se tournent vers la seconde main. L'achat de matériel neuf étant parfois inévitable, des aides sont disponibles. L'allocation de rentrée scolaire a été versée sous conditions de ressources par la Caisse d'allocations familiales en août. Pour la rentrée 2024, elle atteint 416,40 euros par écolier de 6 à 10 ans, 439,38 euros pour les enfants de 11 à 14 ans. Pour les plus grands, entre 15 et 18 ans, elle est fixée à 454,60 euros.

2 Les cahiers de vacances sont indispensables pour préparer la rentrée : faux

Chaque été, ces cahiers sont en vente partout. A croire les slogans publicitaires, ils sont la clé de la réussite scolaire. Ces exercices estivaux peuvent, dans certains cas, améliorer les résultats des élèves, selon l'une des rares études sur le sujet menée par l'Institut de recherche sur l'économie de l'éducation en 2001. Si l'on compare les performances scolaires de juin et celles de septembre, les enfants qui terminent leur cahier de vacances obtiennent de meilleurs résultats. Néanmoins, seuls 23,4% des enfants terminent leur cahier. "L'enfant qui a utilisé partiellement un cahier de vacances (ou qui ne l'a pas utilisé) ne progresse pas davantage qu'un élève n'ayant pas travaillé", avance l'étude. Les mathématiques font figure d'exception : une amélioration "notable" reste visible même si l'enfant ne termine pas son cahier de vacances.

L'étude relève cependant plusieurs biais. D'abord, les utilisateurs de cahiers de vacances étaient, au moment de l'enquête, "les filles, les meilleurs élèves, les enfants de cadres, et plus généralement dans les familles qui souhaitent que leurs enfants 'prennent de l'avance'". En outre, "la probabilité d'achever un cahier de vacances n'est pas totalement aléatoire" et "dépend clairement des caractéristiques scolaires et sociales des élèves (...) et augmente aussi avec l'intervention des parents (notamment, l'établissement d'un calendrier de travail, les corrections, la notation)".

Une étude de la Direction de l'évaluation de la prospective et de la performance, parue en 2005, confirme que ce sont bien les élèves qui ont déjà des bons résultats scolaires qui utilisent les cahiers de vacances. Ces carnets ne permettent donc pas de rattraper un retard pris pendant l'année scolaire ou d'acquérir de nouveaux savoirs, mais de confirmer des acquis déjà solides.

3Chaque élève a son "style d'apprentissage" qu'il faut privilégier : faux

Votre enfant retient-il mieux les informations quand il les lit, les entend ou s'il touche un objet en l'apprenant ? Est-il visuel, auditif ou même kinesthésique ? Selon la théorie répandue dite "des styles d'apprentissage", identifier le canal le plus efficace pour enregistrer une information permettrait de maximiser les capacités de mémorisation d'un enfant.

"Cette théorie n'est pas prouvée par la science", balaie d'emblée Christophe Rodo, neuroscientifique et vulgarisateur. Cette idée que chacun aurait un canal sensoriel privilégié pour mémoriser est fausse : "Se limiter à un canal sensoriel est même contreproductif", selon l'auteur du podcast "La Tête dans le cerveau". "Des recherches rigoureuses ont montré que les élèves n'apprennent pas mieux lorsque l'enseignement est adapté au style d'apprentissage qu'ils déclarent préférer", écrivent des chercheurs de l'université de Mons en Belgique, en s'appuyant sur une revue de la littérature scientifique. "L'idée d'adapter son enseignement aux styles d'apprentissage des élèves de sa classe semble donc peu productive."

Pour retenir une information, le cerveau fabrique des liens. "Si on vous transmet une information de plusieurs manières différentes, elle sera forcément mieux ancrée dans votre mémoire", explique Christophe Rodo. Par ailleurs, même en se focalisant sur un canal de transmission, il n'est jamais le seul utilisé. "Lorsque vous lisez, vous avez une voix interne que vous entendez. Lorsque vous écoutez quelque chose, vous visualisez des images dans votre tête", illustre Christophe Rodo. Pour maximiser les capacités mémorielles et d'apprentissage de votre enfant, multiplier les manières d'apprendre est donc la clé.

4 Aujourd'hui les programmes scolaires sont plus simples qu'autrefois : plutôt faux

Cette idée reçue revient chaque année. Les élèves d'aujourd'hui apprendraient des programmes bien plus simples que leurs aïeux. Contacté par franceinfo, Claude Lelièvre, historien de l'éducation, nuance : "Si on compare le contenu des programmes, ils sont plus denses qu'avant."

Les notions enseignées sont aujourd'hui sélectionnées par plusieurs experts du Conseil supérieur des programmes. Ces derniers tranchent dans l'élaboration des programmes scolaires. "La pluralité de leurs connaissances permet de diversifier les apprentissages enseignés", qui ont évolué comme la société, affirme Claude Lelièvre. Les langues vivantes sont désormais plus enseignées que le latin et le grec. En mathématiques, les statistiques sont à présent prédominantes par rapport à l'enseignement des poids et des mesures.

Outre l'augmentation du nombre de notions, les méthodes d'apprentissage ont également évolué et tendent à se complexifier. "Aujourd'hui, les programmes sont plus axés sur la problématisation que sur la récitation", note Claude Lelièvre. Si la réflexion est accentuée, la récitation existe toujours notamment par le biais des poésies.

En résumé, de nouvelles notions sont ajoutées, sans que les anciennes soient supprimées pour autant. Les programmes sont donc plus riches de nos jours, selon le spécialiste. Seulement, face aux contraintes de la réalité, toutes les parties du programme ne sont pas étudiées. Classes surchargées, peu de professeurs... "Les programmes sont trop lourds par rapport au temps disponible", juge Claude Lelièvre.

5 La semaine de quatre jours est meilleure pour les enfants : faux

En 2017, le ministre de l'Education d'alors, Jean-Michel Blanquer, a réintroduit la possibilité pour les communes de revenir à la semaine de quatre jours, au lieu de quatre jours et demi, dans les écoles maternelles et élémentaires. Certains pensent que ce rythme est bénéfique pour les enfants. Interrogé par franceinfo, le chronobiologiste René Clarisse considère au contraire que le rythme de quatre jours d'école par semaine "est le plus mauvais" pour le bien-être de l'enfant. Un rapport sénatorial, chargé de faire le bilan de cette réforme en 2017, relevait le "consensus scientifique sur le caractère préjudiciable de la semaine de quatre jours".

"Il est préférable d'étaler le temps d'apprentissage sur quatre jours et demi."

René Clarisse, chronobiologiste

à franceinfo

Pour le chercheur, les enfants du CE2 au CM2 ont un pic de concentration entre 11 heures et 12 heures, puis un deuxième dans l'après-midi vers 16h30. Les plus jeunes enfants sont, eux, mieux concentrés en début de matinée. "Ajouter une matinée dans la semaine permet donc de mieux rentabiliser ce pic de concentration", estime-t-il.

Enfin, il est préférable, selon lui, d'ouvrir les salles de classe le samedi matin plutôt que le mercredi matin. "Réduire le week-end pour les enfants permet de mieux réguler leurs nuits de sommeil et donc d'avoir un rythme plus stable", assure-t-il. D'après le chercheur, l'intérêt de l'enfant est relégué derrière ceux des parents et de l'économie du pays. "Avec les quatre jours, les enfants font de plus grosses journées, ce qui permet de mieux se caler sur le rythme des parents", conclut-il.

6 Les garçons sont plus forts en mathématiques et les filles en français : vrai, mais à nuancer

Dans le domaine de l'éducation, l'égalité femme-homme n'est toujours pas atteinte. Selon le dernier questionnaire Pisa 2022 publié par la Direction de l'évaluation de la prospective et de la performance, les garçons sont légèrement meilleurs en mathématiques que les filles. "En 2022, les garçons ont un score de 479 et les filles de 469", détaille la note d'information. Cette différence est analogue à celle de la moyenne des pays de l'OCDE et n'a pas évolué depuis 2003. Concernant le français, les garçons ont un score moyen inférieur de 20 points à celui des filles.

Une étude de l'Institut national d'études démographiques a révélé que la différence en mathématiques entre filles et garçons émerge à partir de 6 ou 7 ans. Dans les classes précédentes, l'écart de niveau est "inexistant". "Nous avons même observé des résultats légèrement meilleurs chez les filles", assure le psychologue du développement Jean-Paul Fischer, co-auteur de cette étude, interrogé par franceinfo.

Pourquoi un écart apparaît-il alors ? D'après une autre étude de l'Observatoire des inégalités, l'explication est à chercher dans les facteurs extérieurs. "Il s'explique par les stéréotypes de genre véhiculés à la fois par les parents et les enseignants, selon lesquels les garçons seraient doués pour les mathématiques, contrairement aux filles", résument les auteurs. Ces stéréotypes, ancrés dans la société, imprègnent les enfants et leur parcours scolaire.

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