Comment meurt un parti politique ?
Alors que l'UMP continue de se déchirer, francetv info revient avec des spécialistes sur la manière dont d'autres partis politiques français ont géré leurs crises internes.
CHAOS A L'UMP – L'UMP va-t-elle disparaître ? Alors que les positions des camps Copé et Fillon semblent chaque jour plus irréconciliables, la question paraît de moins en moins farfelue. Benoist Apparu et Lionel Tardy, tous deux députés du premier parti d'opposition, n'ont par exemple pas hésité à ironiser à ce sujet sur Twitter, dimanche 25 novembre.
#UMP #TeamFillon #TeamCope ... pour parodier Jean-Louis Aubert "voilà, c'est fini"
— Lionel TARDY (@DeputeTardy) November 25, 2012
Un nouveau courant pour l' #UMP la droite morte !
— Benoist Apparu (@benoistapparu) November 25, 2012
Avec l'aide de plusieurs spécialistes, francetv info revient sur la manière dont d'autres partis politiques français ont géré leurs crises internes lors de l'histoire récente.
En se scindant en deux, comme le Parti radical ou le FN
Le cas de figure le plus spectaculaire, et qui évoque le plus celui de l'UMP, est le schisme entre deux franges d'un parti qui ne parviennent plus à s'entendre. "Les deux meilleurs exemples de scission claire sont ceux du Parti radical et du Front national", note Richard Ghevontian, professeur de droit constitutionnel à l'université Aix-Marseille et auteur du livre Les grandes dates de la Ve République (Dalloz).
Le premier, centriste, "a fait les frais de la bipolarisation de la vie politique à la fin des années 1960", ajoute Pierre Bréchon, professeur à Sciences Po Grenoble et auteur des Partis politiques français (La Documentation française). Une partie des troupes, qui se retrouve dans le programme commun de la gauche, quitte alors le parti et fonde le Mouvement de la gauche radicale-socialiste, devenu depuis le Parti radical de gauche (PRG). L'autre décide de conserver l'ancienne structure et de se tourner vers la droite. Dirigé aujourd'hui par Jean-Louis Borloo, le Parti radical dit "valoisien" a intégré la nouvelle formation centriste de l'Union des démocrates et indépendants (UDI).
La situation est un peu différente concernant le Front national, dont une partie des militants a suivi Bruno Mégret lors de son départ du parti en 1998 pour créer le Mouvement national républicain (MNR). "Là, la pression n'a pas été extérieure mais interne au parti", analyse Mathias Bernard, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Clermont-Ferrand et auteur du live Histoire politique de la Ve République (Armand Colin). "Il y avait une rivalité très forte entre Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret, qui estimait que son heure était venue. L'affrontement était présenté comme politique, mais il s'agissait d'abord du choc de deux ambitions", continue le professeur pour qui "cette scission, contrairement à celle des radicaux, n'a pas accouché de deux formations à l'influence similaire mais a tourné à l'avantage des 'historiques' du FN".
En faisant peau neuve, comme la LCR, les Verts, ou la SFIO
Afin de trouver un nouvel élan, un parti politique peut également choisir de se faire hara-kiri pour renaître presque à l'identique. "Dans ce cas-là, on change sans vraiment changer", commente Richard Ghevontian. "La Ligue communiste révolutionnaire (LCR) est par exemple devenue le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) après le bon score de son candidat en 2007, et Les Verts se sont transformés en Europe Ecologie-Les Verts (EE-LV) à la faveur des bons résultats lors des européennes des 2009."
"Dans un cas comme dans l'autre, ce changement est dicté par une volonté d'élargissement de la base électorale et politique du parti", complète Mathias Bernard. "Mais ça ne fonctionne pas toujours. L'enthousiasme suscité par la démarche retombe souvent au bout de quelques années." Après avoir récolté 16,28% des voix lors du scrutin européen de 2009, les écologistes, rassemblés derrière la candidature d'Eva Joly, n'ont ainsi rassemblé que 2,31% des suffrages à la dernière élection présidentielle.
"L'opération peut aussi réussir", tempère Mathias Bernard, qui cite l'exemple de la SFIO, devenue Parti socialiste en 1969. "Le parti est mort mais a réussi à rester le noyau dur du PS, tout en changeant d'image dans l'opinion."
En se faisant engloutir par un grand parti, comme l'UDF
En 1978, le président de la République Valéry Giscard d'Estaing profite des élections législatives pour créer l'Union pour la démocratie française (UDF). "Bien qu'élu président, il n'avait pas de force politique très structurée à sa disposition", analyse Pierre Bréchon. "L'UDF se veut donc une fédération de partis pour l'aider à gouverner : on y trouve le Parti républicain, le Centre des démocrates sociaux, ou encore le Parti radical valoisien."
L'UDF se divise par la suite à plusieurs reprises. "Lors des élections régionales de 1998, le parti se déchire alors que des présidents de région sont élus grâce aux voix du FN. François Bayrou condamne, mais pas Alain Madelin, qui s'en va avec son parti Démocratie libérale", ajoute Richard Ghevontian. "Ce phénomène de désintégration se poursuit en 2002, quand de nombreux élus UDF rejoignent l'UMP, et en 2007, quand Bayrou crée le MoDem. Certains retournent alors vers la droite en créant le Nouveau centre."
En se faisant oublier, comme le PSU
Reste enfin le cas des partis politiques qui se délitent petit à petit jusqu'à disparaître. Pour l'illustrer, Pierre Bréchon cite l'exemple du Parti socialiste unifié (PSU). "C'était un petit parti de gauche des années 1960-1970", explique le professeur. "En 1974, de nombreux militants suivent Michel Rocard quand il décide de rejoindre le PS. Le PSU continue d'exister, et présente une candidate, Huguette Bouchardeau, à l'élection présidentielle de 1981. Elle devient ensuite ministre sous Mitterrand, et son parti va disparaître par extinction progressive."
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