Jul, bitcoin, "Star Wars", écriture inclusive... Vous n'y connaissez rien ? Voici sept façons d'avoir de la repartie à Noël
Comment briller dans les dîners de fêtes en famille ? Franceinfo vous fournit quelques éléments d'explications et d'argumentations sur les sujets qui vont fatalement être mis sur la table.
Avouez-le, vous redoutez les fêtes, cet inépuisable vivier à discussions délicates. Quoi de pire que les blagues douteuses de papy Jo, sinon les sarcasmes de votre nièce Jasmine, toujours branchée sur les derniers joujoux high-tech dont personne n'a entendu parler ? Et comment se mettre au diapason pour ne pas paraître dépassé ? Pas de panique : franceinfo a imaginé sept scénarios de conversations sur des sujets actuels, pour avoir de la repartie à Noël.
1Sur Jul, le rappeur marseillais qui bat des records d'écoute
Ce qu'il risque de se passer. Casque sur la tête et moue renfrognée, votre fille Solène, 14 ans, plonge, mutique, la main dans le bol de pistaches. Et la sort derechef pour sourire à son cousin Théo, 12 ans, avant d'entamer un étrange ballet. Mains jointes et paumes tournées vers leurs visages, les deux ados forment deux simulacres de pistolet avec trois doigts. "C'est quoi encore, ce geste débile ?", s'étouffe votre sœur Céline, agrégée de lettres.
Comment riposter. Ça vous revient : c'est le signe de reconnaissance du rappeur marseillais Jul, qui fait fureur parmi les jeunes. "Tu ne sais pas lire ? Ils forment avec leurs mains les lettres J, U et L !". "C'est le seul mot que ce chanteur sait écrire, non ? Ce n'est pas lui, l'analphabète qui pulvérise le record de fautes sur Facebook ?", rétorque votre sœur, plus avertie que vous ne le pensez.
Elle n'a pas tout à fait tort : après avoir été interpellé fin octobre au volant à 160 km/h en ayant consommé du cannabis, le musicien a laissé sur Facebook un message ainsi rédigé : "Je tenez a mescusez". Grâce à Libé, vous mouchez néanmoins votre pimbêche de sœur. "Analphabète ? Le jour où tu vendras autant de chansons avec ton vocabulaire d'agrégée, on en reparlera ! Dès qu'il sort un titre, c'est la folie : sa chaîne YouTube dépasse le milliard de vues ! A Marseille, c'est une idole, et à Paris, il a rempli Bercy début décembre ! Tu connais Tchikita ? 'Si elle me quitte pas, j'la quitte pas /Tchikita, Tchikita'. La rime est moins riche que chez Baudelaire, mais je te garantis que les collégiens la retiennent mieux : 200 millions de vues sur YouTube ! "
Pour avoir le dernier mot. "Et tu sais quoi, Miss-c'était-mieux-avant ? Il va même faire des reprises de Jacques Brel et de Léo Ferré !", pouvez-vous conclure.
2Sur "Star Wars", dont le huitième épisode vient de sortir
Ce qu'il risque de se passer. Enervés et contents, les plus petits viennent juste de voir le huitième volet de la saga Star Wars, Les Derniers Jedi. "Tatie, excuse-nous du retard, lance Timothée, 10 ans, en arrivant. Ça durait deux heures trente-trois, tu te rends compte ! "
Comment riposter. Difficile d'éblouir votre nièce Jasmine, 11 ans, qui joint à la fan attitude son hypermnésie de première de la classe. Ne vous laissez pas démonter : "Dans ce huitième épisode, on arrive à un moment où les héros du début, Han Solo, Yoda ou Dark Vador, sont morts. Tout comme une des actrices du film, que tu ne reverras plus : Carrie Fisher, la mythique princesse Leia ... C'est sa dernière apparition : elle est morte l'an dernier, à 60 ans".
Synthétisez : "Si on devait résumer, cet épisode marque le passage de témoin entre les générations. Rey, l'héritière des Jedi, va affronter Kylo Ren, la principale menace venue du Premier Ordre. Mais c'est un personnage ambigu." Citez Le Temps (que ne connaît sans doute pas votre nièce) : "Entre le côté lumineux et le côté obscur de la Force, elle hésite, ce qui déçoit son maître Luke Skywalker." Vous sentez Jasmine prête à décrocher ? Rebondissez : "Tu sais qu'après le neuvième épisode, qui sort en 2019, Disney prépare une nouvelle trilogie, la quatrième ? On ira la voir ensemble ?"
Pour avoir le dernier mot. Jouez sur la corde people grâce au Telegraph : "Et alors, tu as repéré les princes Harry et William, dans le film ? Tu sais, les héritiers de la couronne britannique ? Mais oui, ils jouent dedans ! Ce sont deux des soldats de l'Empire qui réprimandent Finn et DJ, le nouveau personnage joué par Benicio Del Toro ! Normal que tu ne les aies pas reconnus : sous le casque et l'armure de 'stormtroopers', ils sont impossibles à identifier !"
3Sur le bitcoin, la monnaie virtuelle qui n'est reconnue par aucun Etat
Ce qu'il risque de se passer. "Et le foie gras, tu l'as payé en bitcoins ?" Patatras ! Grand-mère Louise, qui a connu l'ancien franc, s'invite en boursicoteuse dans la conversation. La monnaie virtuelle, a-t-elle lu dans Le Figaro, a fait une entrée fracassante à la bourse de Chicago. Et elle entend bien garnir un peu plus un portefeuille déjà gonflé, confiante que son cours (qui a brutalement chuté) remontera bientôt. "Ça s'achète où ?", lance donc Mamie à un auditoire éberlué.
Comment riposter. Vous refusez d'être ringardisé par votre aïeule ? Répondez qu'elle peut évidemment en acheter "sur des plateformes de change qui convertissent les euros en bitcoins". Précisez au passage que cette monnaie a été créée en 2009 par "Satoshi Nakamoto" : "Un pseudo, ça saute aux yeux !" Ajoutez : "C'est mieux que le Loto : si tu avais misé quelques centimes pour acheter un bitcoin il y a huit ans, tu aurais pu le vendre 14 000 euros et passer Noël aux Seychelles !"
Mais refroidissez aussi les ardeurs de votre ascendante : "Fais gaffe : c'est le premier réseau de paiement géré et garanti uniquement par ses utilisateurs, sans autorité centrale. Tu ferais quoi avec ? Acheter un appartement de luxe à Dubaï ? Méfie-toi : la France voit surtout ça comme un moyen de laver l'argent sale. Tu sais ce qu'en dit le directeur de la cellule anti-blanchiment de Bercy ? Que c'est une bulle spéculative, opaque et criminelle. En tout cas, c'est le plus sûr moyen d'avoir un contrôle fiscal ! Au fait, t'as régularisé ton compte à Singapour ?"
Pour avoir le dernier mot. "Si t'as de l'argent à perdre, il y a mieux encore que le bitcoin : son petit frère, le litecoin. C'est la nouvelle monnaie virtuelle qui explose ! Si si !", lancerez-vous en citant ce que vous avez lu dans Capital.
4Sur le régime flexitarien, qui prône la diminution de la consommation de viande
Ce qu'il risque de se passer. Entre tata Huguette, qui ne jure que par le vegan, et tonton Jérémie, qui se nourrit exclusivement de hamburgers, toute discussion gastronomique flambe comme une allumette. Et voilà Alexandrine, la petite amie de votre cousin Emmanuel, qui jette de l'huile sur le feu : "Non merci, pas de dinde aux marrons ! Ces fêtes virent à la catastrophe pour mon régime flexitarien !"
Comment riposter. Diplomate, vous remballez votre acidité envers la blonde filiforme qui méprise vos efforts culinaires et jouez le jeu : "Oui, c'est toi qui as raison, il faut diminuer la viande. C'est ce que recommande le WWF, non ? Passer de six à quatre repas de viande et de poisson par semaine, ça fait baisser d'un tiers l'empreinte carbone de nos courses, soulignez-vous. Sur le réchauffement climatique, c'est facile d'accuser Trump sans rien faire soi-même ! Promis, l'an prochain à Noël, je vous fais des lentilles corail et un velouté de panais ! Fais pas cette tête, Timothée, ça sera un délice !"
Pour avoir le dernier mot. "En plus, ça te permet d'économiser 20% sur les courses pour financer tes cigarettes. T'as vu que le paquet passe à 10 euros en 2020 ?", glissez-vous à Alexandrine, accro à ses Marlboro.
5Sur #BalanceTonPorc, dans la foulée des révélations sur Harvey Weinstein
Ce qu'il risque de se passer. A chaque Noël, c'est la même histoire. Après trois verres de sauvignon, papy Jo se lâche. "C'est quoi, cette histoire de hachetague 'Balance ton porc' ? Des lettres de dénonciations à la terre entière, c'est ça ? Ah, les nazis auraient adoré ! Féministe, c'est le synonyme de délatrice, non ?", lance-t-il.
Comment riposter : Avant que votre ancêtre n'atomise le point Godwin, tentez la pédagogie : "Calme-toi, papy, on va reprendre par le début. C'est un des plus grands quotidiens américains, le New York Times, qui a déclenché une onde de choc en balançant le premier "porc", comme tu dis : Harvey Weinstein. Des dizaines et des dizaines d'actrices ont accusé de harcèlement sexuel ou de viol ce producteur de cinéma qui faisait la pluie et le beau temps à Hollywood. Mais si, tu connais ses films ! Le Patient anglais, qui a décroché neuf Oscars, c'est lui qui l'a produit ! Et il y a même des Françaises qui l'accusent, comme Léa Seydoux, que tu aimes bien".
Puis vous enchaînez. "Le scandale a débordé jusqu'en Europe, rappelez-vous. Rien qu'en France, en une semaine, il y a eu 335 300 messages reprenant les mots-clés #balancetonporc sur Twitter et sur Facebook ! Les femmes ont dit que le harcèlement sexuel, ça suffisait. Et que ça se passait partout où les hommes avaient le pouvoir : à l'Assemblée, dans les médias, en usine, en entreprise, ou au foyer. Par-tout !"
Pour avoir le dernier mot. Achevez-le par cet ultime argument : "Tu veux la preuve que le message commence à être entendu ? Pour le magazine Time, "La Personnalité de l'année", ce sont elles : les six "briseuses de silence" qui ont fait éclater le scandale Weinstein."
6Sur l'écriture inclusive, qui vise à rendre la langue française plus féministe
Ce qu'il risque de se passer. "Ça n'autorise pas les féministes à faire tout et n'importe quoi", s'énerve votre beau-frère Fabrice en reprenant du maroilles. "C'est quoi, ce délire d'écriture inclusive ? Comment peut-on écrire un adjectif avec un point au milieu [par exemple : grand·e·s] ? Depuis quand un point, ça ne sert plus à finir une phrase ?"
Comment riposter. Respirez un grand coup. Et expliquez-lui que l'écriture inclusive, au-delà du point médian (effectivement très débatogène), englobe tous les moyens de rendre plus paritaire la langue française. Il s'agit de féminiser les fonctions ("la présidente") et les noms de métiers ("une agricultrice"), mais il y a plus subtil. Par exemple la règle de proximité, qui permet d'éviter que le masculin l'emporte sur le féminin dans l'accord des adjectifs. Flattez-le ainsi : "T'inquiète, Fabrice, toi et Céline, vous êtes toujours aussi belles !" Et si celui-ci grince, choqué, que "ce n'est pas français", rétorquez avec un rien de cuistrerie : "Tu te trompes ! Avant le XVIIIe siècle, un adjectif pouvait s'accorder uniquement avec le nom le plus proche". En 2011, trois associations, dont la Ligue de l'enseignement, avaient publié une pétition pour le rappeler.
Pour avoir le dernier mot. C'est le moment d'asséner l'estocade finale, avec cette pirouette : "Et tu sais que ton général de Gaulle, il pratiquait déjà l'écriture inclusive ? Ben oui : il commençait tous ses discours comme ça : Françaises, Français..."
7Sur la circulation à Paris et les mesures antipollution
Ce qu'il risque de se passer. Silencieux jusque-là, votre beau-frère Yanis, qui habite Orléans (Loiret), reprend de la bûche au chocolat avant de parler bagnole. "Alors, comme ça, à Paris, il n'y a plus moyen de circuler ? C'est l'enfer apparemment, les quais de Seine !"
Comment riposter. Nuancez le tableau. "C'est vrai, les voies sur berges sont interdites à la circulation, et pour l'instant, c'est sans impact significatif sur la pollution (selon Airparif). Mais il y a d'autres moyens de circuler : à Paris, on a le métro ! Et autant se préparer, parce que dans les années à venir ça va être une déferlante : la mairie a annoncé que les voitures diesel dans la capitale, c'était terminé en 2024, et les voitures à essence, en 2030 ! De toute façon, ça ne changera pas la vie de la majorité des Parisiens : six sur dix n'ont pas de voiture !"
Et ajoutez : "Après, c'est normal, toutes les grandes capitales d'Europe font pareil. Paris, Copenhague et Berlin ont pris l'engagement d'être neutres en carbone d'ici 2050 !". Glissez enfin : "La pollution de l'air, c'est la troisième cause de mortalité en France après le tabac et l'alcool. Il faut peut-être que tout le monde y mette du sien, non ? C'est quand même normal d'adapter la ville pour la santé de tous, non ?"
Pour avoir le dernier mot. Une comparaison avec la capitale britannique s'impose. "Et les voies sur berges, ce n'est rien par rapport à ce qui se passe à l'étranger. Tu sais combien ça coûte d'aller au centre de Londres ? 13 euros de péage urbain ! Et 12 euros de plus pour les voitures qui ont plus de 10 ans. T'imagines ? Bing : 25 euros d'un coup ! De quoi on se plaint, à Paris ?"
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