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Peugeot Citroën : les sept erreurs qui ont conduit à la perte astronomique

Le premier constructeur automobile français vient d'annoncer 5 milliards d'euros de pertes pour 2012. En cause : la crise en Europe, mais aussi de mauvaises décisions stratégiques.

Article rédigé par Marion Solletty
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Philippe Varin, président du directoire de PSA Peugeot Citroën, lors de la présentation des résultats 2012 du groupe, le 13 février 2013 à Paris. (CHARLES PLATIAU / REUTERS)

Pour PSA Peugeot Citroën, c'est la descente aux enfers. Le groupe a annoncé, mercredi 13 février, une perte record de 5 milliards d'euros pour 2012. L'annonce ne fait que mettre un chiffre sur des difficultés connues de tous : le premier constructeur automobile français est sous le feu des projecteurs depuis qu'il a annoncé la suppression de plus de 11 000 postes sur trois ans dans l'Hexagone.

Si le chiffre catastrophique annoncé mercredi s'explique en partie par des ajustements comptables, la crise que traverse PSA est sévère. Le groupe pâtit d'une conjoncture difficile, mais aussi d'erreurs stratégiques qui ont trop tardé à être corrigées. Les marchés ne s'y trompent pas : en un an, le cours de l'action Peugeot a été divisé par plus de deux. Francetv info liste les sept maux dont souffre le constructeur.

1 Une trop grande dépendance au marché européen

C'est la première raison invoquée par Philippe Varin, président du directoire de PSA, pour expliquer les pertes de son groupe. "La détérioration de l'environnement dans le secteur automobile en Europe" a particulièrement touché PSA, qui accuse un recul de 14,8% de ses ventes sur le Vieux Continent.

Le groupe est d'autant plus affecté qu'il est plus euro-dépendant que ses concurrents. PSA réalise 61% de ses ventes en Europe : à titre de comparaison, cette proportion est de 50% pour Renault et 40% pour Volkswagen. Un handicap certain alors que les immatriculations de voitures neuves en Europe ont atteint leur plus bas niveau depuis dix-sept ans.

2 Des difficultés à s'implanter dans les pays émergents

Sa deuxième difficulté est liée à la première : comme le soulignait le rapport Sartorius, rendu en septembre 2012 à Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, "la direction de PSA semble avoir manqué d’ambition dans l'internationalisation du groupe". En particulier dans les marchés émergents à forte croissance.

Là où Renault s'est montré très offensif, notamment grâce aux modèles low cost de sa filiale Dacia, PSA est à la traîne. Le Brésil est ainsi le deuxième marché de la marque au losange, là où PSA admet lui-même n'avoir pas su pleinement profiter de ce marché.

Chaîne de montage à l'usine de PSA Peugeot Citroën à Porto Real (Brésil), sur laquelle le groupe veut s'appuyer pour se développer sur le marché brésilien. (ANTONIO SCORZA / AFP)

3 Des positionnements marketing incertains

PSA souffre en partie d'un positionnement de marque jugé inadéquat par certains. Le constructeur a tenté de monter en gamme, mais se heurte sur ce segment à la concurrence des Allemands.

"Le groupe se trouve pris en tenaille entre les autres constructeurs généralistes qui produisent des voitures à bas coût en Europe de l'Est [à l'instar de Renault] et les constructeurs allemands 'premium', qui attaquent le milieu de gamme", résume le rapport Sartorius. Philippe Varin a d'ailleurs annoncé, mercredi, une réflexion sur les deux marques du groupe, Peugeot et Citroën, avec la volonté de "différencier leurs territoires clients".

4 Un groupe trop petit

Dans sa volonté de se développer à l'international, PSA pâtit également d'un paramètre difficile à corriger en quelques mois : sa taille relativement modeste. Avec 2,8 millions de véhicules vendus dans le monde, le groupe n'est "que" le 8e constructeur automobile à l'échelle mondiale.

Et dans le secteur automobile, la taille compte. Au moment de conclure son alliance avec Chrysler, Sergio Marchionne, le patron de Fiat, expliquait qu'il fallait "une taille critique de 6 millions de véhicules pour être capable de poursuivre [ses] activités de façon rentable".

5 Une politique de partenariats défaillante

Pour atteindre ce seuil, les constructeurs se sont lancés ces dernières années dans des stratégies d'alliance donnant naissance à des poids lourds mondiaux. L'alliance Renault-Nissan, passée en 1999 et qui écoule aujourd'hui plus de 8 millions de véhicules, fut à ce titre précurseur.

PSA est bien conscient de cette lacune, et le renforcement des partenariats faisait d'ailleurs partie des missions assignées à Philippe Varin lorsqu'il a été engagé à la tête du groupe, en 2009. Un grand pas a été franchi grâce à l'alliance nouée début 2012 avec l'Americain General Motors, mais celle-ci mettra du temps à porter ses fruits.

6 Des coûts de productions trop élevés

PSA Peugeot Citroën produit trop cher. Outre des moyens de production concentrés en Europe de l'Ouest, alors que son concurrent Renault a délocalisé à l'Est, un manque d'optimisation des méthodes de conception et de production sont aussi en cause.

"C'est le vrai problème", affirme un spécialiste interrogé par Le Figaro."Les véhicules reviennent trop cher car PSA n'a pas lancé de politique de fabrication par modules, comme le fait Volkswagen." Une méthode qui consiste à maximiser le nombre de pièces standardisées entre les différents modèles, permettant des économies d'échelle importantes.

PSA espère combler en partie ces lacunes grâce aux synergies développées avec General Motors.

7Une gouvernance compliquée

Pour certains, la famille Peugeot, toujours actionnaire à 25% du groupe, porte en partie la responsabilité du retard. Réticente à diluer l'actionnariat du groupe et donc son contrôle sur ce dernier, elle aurait freiné les alliances avec échange de participations en capital, qui sont aussi les plus solides, explique notamment L'Expansion.

Le fort contrôle de la famille actionnaire est une des caractéristiques du groupe. Gage de stabilité, elle peut aussi se révéler problématique. Selon un article de Libération paru en octobre 2012, et qui avait provoqué un démenti formel des principaux intéressés, des dissensions fortes seraient ainsi apparues entre ses différents membres au sujet de Philippe Varin, portant atteinte à la légitimité du dirigeant.

Dans la tempête, ils ont pourtant toujours pris soin d'afficher l'unité derrière la direction du groupe, comme lors de la passe d'armes avec Arnaud Montebourg, en juillet. Et Thierry Peugeot vient d'assurer de son soutien Philippe Varin devant les cadres du groupe, selon Les Echos.

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