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Crise en Italie : les recettes du professeur Monti vont-elles échouer ?

Alors que François Hollande rencontre le chef du gouvernement italien jeudi 14 juin à Rome pour évoquer la relance la croissance européenne, l'Italie est à nouveau la cible des marchés. FTVi vous explique pourquoi.

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Mario Monti, lors de la présentation de son plan de relance à Rome (Italie), le 29 décembre 2011.  (GIAMPIERO SPOSITO / REUTERS)

L'Italie, troisième économie de la zone euro, est-elle la prochaine cible des marchés ? Alors que le président français François Hollande et le chef du gouvernement italien Mario Monti planchent jeudi 14 juin à Rome sur les moyens de relancer la croissance en Europe et d'enrayer la crise de la dette en zone euro, l'Italie est de nouveau menacée directement par les marchés. Comment expliquer ce phénomène ? Eléments de réponse.

• Pourquoi l'Italie est dans la tourmente ?

Le problème numéro un de Rome, c'est la gigantesque dette publique. Elle représente plus de 1 900 milliards d'euros, soit environ 120% de son PIB. Seule la Grèce affiche un ratio d'endettement plus élevé. Pour rembourser cette dette colossale, l'Italie doit emprunter. Mais le taux d'intérêt dépend de la santé économique du pays et en particulier du niveau de sa dette. Moins les investisseurs ont confiance en la capacité de l'Italie à rembourser sa dette, plus les taux d'intérêts grimpent.

C'est ce qui s'est produit mercredi 13 juin : certes, le pays a pu lever 6,5 milliards d'euros sur un an, mais à un taux d'intérêt en forte hausse, à 3,97% contre 2,34% lors de la dernière opération similaire le 11 mai. Le spread, c'est-à-dire la différence entre le taux des obligations italiennes et les obligations allemandes, a franchi le cap des 490 points, écart constaté du temps où Silvio Berlusconi était aux affaires, note Libération (article abonnés). Et rebelote jeudi matin, le Trésor italien a emprunté 3 milliards d'euros de titres à trois ans à un taux de 5,30% contre 3,91% le 14 mai. Sur ses emprunts à long terme, les taux ont franchi la barre symbolique des 6%. 

C'est ce mécanisme qui a asphyxié l'Espagne. Madrid a eu le plus grand mal à emprunter à des taux raisonnables et donc à soutenir son secteur bancaire, plombé par la crise de l'immobilier. Les Espagnols se sont retrouvés, de fait, exclus des marchés. C'est pour cette raison que Madrid a été contraint d'accepter, samedi 9 juin, une aide européenne destinée à recapitaliser les banques espagnoles à hauteur de 100 milliards d'euros.

• Quelles sont les solutions apportées par Monti ?

L'ex-commissaire européen et professeur d'économie prend la succession de Silvio Berlusconi, acculé, en novembre 2011. Son projet économique pour l'Italie : une sévère cure d'austérité destinée à économiser 30 milliards d'euros. Des mesures qui s'ajoutent aux deux plans de rigueur de 60 milliards d'euros adoptés en juillet et en septembre 2011. Mario Monti s'attaque à la réforme des retraites en durcissant les régimes. La cure d'austérité comprend aussi des coupes dans les dépenses publiques, une augmentation de la taxation de l'immobilier, de nouvelles taxes (sur les carburants, les produits de luxe, les actifs financiers détenus à l'étranger...), de nouveaux impôts et un renforcement de la lutte contre l'évasion fiscale.

Taxis, pharmacies, transports publics locaux, distributeurs d'essence, gaz, professions libérales, assurances, banques... un vaste plan de libéralisation de l'économie est également adopté et de nombreux secteurs sont davantage ouverts à la concurrence. Une réforme du marché du travail a été votée pour en assouplir les règles. Mario Monti accompagne aussi ces mesures de dispositifs de relance de l'économie. Résultat : l'Italie a ramené son déficit public à 3,9 % du PIB en 2011, contre à 4,6 % enregistré fin 2010, grâce à ses plans de rigueur. Le budget italien est en excédent primaire (c'est-à-dire sans compter le remboursement des intérêts de la dette publique).

• Pourquoi ça ne suffit pas ? 

La crise de la dette en Europe couplée aux trois plans d'austérité adoptés en moins de six mois en 2011 ont une conséquence : la panne de la croissance. L'Italie est entrée en récession au quatrième trimestre 2011 avec un repli de son PIB de 0,7% après un recul de 0,2% au troisième trimestre. Et 2012 confirme la récession : au premier trimestre, le PIB a diminué de 0,8%. Soit un repli de 1,4% du PIB sur un an, selon les chiffres de l'institut italien de la statistique, Istat. 

Les secteurs les plus affectés sont la construction (-3,2%), l'industrie (-1,6%) et les services (-1%), détaille Le Figaro. Et c'est toute l'activité économique italienne qui est ralentie. La consommation recule de 0,6% au premier trimestre par rapport au trimestre précédent, les Italiens se serrant la ceinture sous l'effet des hausses d'impôts et d'un chômage record qui dépasse la barre des 10%. Effet domino : sur la même période, les investissements reculent de 3,6%, les importations chutent de 3,6%, les exportations diminuent de leur côté de 0,6%. Malgré tout, cette politique d'austérité pourrait encore se renforcer. Les ménages italiens font chuter la demande, alimentant le chômage et la baisse de la consommation.Un cercle vicieux qui entraînerait un manque à gagner fiscal et donc un nouveau train de mesures d'austérité. 

Pour sortir tous ces indicateurs du rouge, le président du Conseil italien plaide pour des mesures en faveur de la croissance au sein de l'Union européenne. "Une condition importante pour endiguer la contagion [de la crise de la dette] est de travailler à un volet croissance pour l'UE avant le Conseil européen des 28 et 29 juin", a estimé Mario Monti, le 8 juin. 

• Pourquoi l'Italie n'est pas dans le cas de la Grèce, ni de l'Espagne ?

Après la Grèce et l'Espagne, le risque d'un effet domino sur l'Italie n'est pas encore d'actualité. Même si le pays est la cible des marchés, Mario Monti a balayé mardi soir, à Berlin, toute idée de plan d'aide "même à l'avenir"  et il a assuré que son pays "n'était pas fragile", en vantant ses mérites. Le chef du gouvernement italien a fait valoir que l'endettement des ménages italiens était faible et que le pays disposait d'un solide tissu de petites et moyennes entreprises.

Le déficit public de la péninsule, largement inférieur à la moyenne européenne, devrait reculer à 1,7% cette année et le pays s'approcher de l'équilibre budgétaire en 2013 tandis que les banques sont pour la plupart "stables", a-t-il encore souligné devant les députés mercredi. Pour sa part, le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, semblait en tout cas convaincu. Chargé de prononcer l'éloge de Mario Monti à Berlin, il a jugé qu'il était "le bon dirigeant, au bon endroit, au bon moment"Wolfgang Schäuble a par ailleurs assuré que l'Italie connaîtrait une reprise économique l'an prochain, à condition qu'elle ne dévie pas de sa politique de rigueurs et de réformes.

Autre point rassurant pour Rome : les banques italiennes ne sont pas plombées par une bulle immobilière, à la différence de l'Espagne. Mais les "conditions semblent (...) réunies pour que le feu prenne, tôt ou tard" en Italie, écrit La Tribune.fr. Depuis 2010, les marchés testent les Etats de la zone euro un par un, la contagion n'est donc pas à écarter.

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