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Pour l'Espagne, un plan d'aide sur mesure

Samedi, l'Espagne est devenu le quatrième pays de la zone euro à recevoir une assistance internationale après la Grèce, l'Irlande et le Portugal. Le plan d'aide à Madrid diffère cependant des cas précédents par sa portée, sa nature et ses modalités.

Article rédigé par Marion Solletty
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy a donné une conférence de presse dimanche 10 juin pour s'expliquer sur le plan d'aide européen dont va bénéficier son pays. (DANI POZO / AFP)

Madrid a finalement dû se résoudre à l'inévitable. Samedi 9 juin, le gouvernement espagnol a accepté un plan d'aide européen pour sauver ses banques, mises en péril par l'éclatement de la bulle immobilière. L'Espagne devient ainsi le quatrième pays de la zone euro à recevoir une assistance internationale après la Grèce, l'Irlande et le Portugal.

Pourtant, Mariano Rajoy l'assure, "ça n'a rien à voir avec ce qui a été fait dans d'autres pays". Loin d'un véritable "sauvetage", il s'agirait de la simple "ouverture d'une ligne de crédit" européenne pour le secteur financier espagnol. Pour le Premier ministre espagnol, qui répète depuis des mois qu'il n'aura pas besoin d'un plan de sauvetage, la différence est d'importance. Heureusement pour l'Espagne et pour l'Europe, il n'a pas tout à fait tort : ce plan d'aide diffère sensiblement des précédents.

• Une aide ciblée sur le secteur bancaire

Sur sa portée, d'abord. Contrairement à la Grèce, dont les ennuis résultent en partie d'une mauvaise gestion des finances publiques, les difficultés actuelles de l'Espagne découlent avant tout de la situation de son secteur bancaire - jusqu'à il y a peu, le pays était l'un des moins endettés de la zone euro. 

Après l'éclatement de la bulle immobilière, les banques de la péninsule se sont retrouvées avec près de 184 milliards d'actifs immobiliers (immeubles, terrains et ouvrages laissés en échange de crédits impayés) dont la valeur a chuté. C'est pour couvrir les pertes liées à ces actifs que les banques espagnoles ont cruellement besoin d'argent frais. Un scenario similaire était à l'œuvre en Irlande, mais 50 milliards sur les 85 milliards débloqués pour Dublin étaient tout de même destinés à couvrir les besoins budgétaires de l'Etat.

L'Espagne, elle, va recevoir une aide exclusivement ciblée sur son secteur bancaire. "Cet appui financier sera dirigé vers le Frob [fonds public espagnol d'aide au secteur], et le Frob injectera cet argent dans les banques qui le demandent", a expliqué le ministre des Finances espagnol. L'argent sera prêté avec un taux de 3 à 4%, bien en dessous des 6 à 7% auxquels est soumise l'Espagne sur les marchés.

• Un plan préventif plutôt qu'un sauvetage in extremis

En débloquant dès maintenant des fonds pour l'Espagne, les dirigeants européens tirent les leçons des épisodes précédents. Les tergiversations ayant précédé le deuxième plan d'aide à la Grèce, à l'été 2011, avaient eu des effets désastreux sur les marchés, attisant les inquiétudes sur l'avenir du pays.

Cette fois, non seulement l'aide intervient en amont, pour couvrir des pertes futures, mais elle prévoit des marges de manœuvre conséquentes. Le prêt européen pourra atteindre 100 milliards d'euros (son montant exact dépendra des besoins mis en avant par un audit complet sur la santé des banques, dont les résultats sont attendus entre fin juin et fin juillet), là où le FMI (communiqué en anglais) a estimé à 40 milliards leurs besoins actuels en termes de recapitalisation.

"On souhaitait donner le chiffre le plus élevé, au moins le double des recommandations du FMI, afin de clore ce chapitre une fois pour toutes", a expliqué un négociateur interrogé par Les Echos (article payant). 

Leur célérité à agir s'explique aussi par la différence d'échelle avec les cas précédents. Les dirigeants européens savent qu'ils n'ont pas le droit à l'erreur : l'Espagne, quatrième économie de la zone euro, est too big to fail (trop importante pour faire faillite). Un véritable sauvetage (avec restructuration de la dette de l'Etat et injection d'argent frais dans ses caisse), s'il était rendu nécessaire, risquerait tout simplement d'être au-dessus des moyens de la zone euro.

Enfin, les dirigeants européens voulaient clarifier la situation espagnole avant le 17 juin, date des législatives en Grèce, qui pourraient ouvrir une nouvelle période de grave incertitude sur l'avenir du pays et donc de la zone euro...

• Des fonds 100% européens

Autre nouveauté : l'Europe lave désormais son linge sale en famille. Contrairement aux plans précédents, où le FMI avait été mis à contribution, les fonds devraient cette fois venir exclusivement des caisses européennes. Le prêt sera consenti soit par le Fonds européen de stabilité financière (FESF), soit par le nouveau Mécanisme européen de stabilité (MES), qui entrera en vigueur en juillet.

L'aide demandée ne portant que sur le secteur bancaire, l'Espagne n'aura pas à ouvrir ses comptes publics à la "troïka" (constituée des représentants de la Commission européenne, de la BCE et du FMI), dont les humiliantes visites sont très mal vécues par les Grecs, les Portuguais et les Irlandais.

• Des conditions moins dures à supporter

C'est le point sur lequel les autorités espagnoles ont le plus insisté. Pas de mesures d'austérité supplémentaires exigées, pas de responsables européens penchés en permanence sur les comptes de l'Etat : Madrid conserve toute sa souveraineté en termes de politique économique.

Ce qui ne veut pas dire que l'aide apportée l'est sans conditions : si les modalités exactes restent à définir, des émissaires se rendront bien en Espagne pour contrôler la bonne mise en œuvre de la restructuration du secteur bancaire. 

Enfin, Mariano Rajoy a beau mettre en avant le fait qu'aucun effort d'austérité supplémentaire n'est exigé, cet emprunt a tout de même un coût. Si l'Espagne sollicite la totalité de la somme, cela se traduira par une augmentation de 10 points de son ratio dette-PIB, qui devrait déjà friser les 80% fin 2012. Augmentant encore ses coûts d'emprunt sur les marchés, vers lesquels l'Etat doit toujours se tourner pour ses autres besoins de financement...

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