"Notre asso est à terre" : le désarroi des associations face à la baisse des contrats aidés
Ces emplois, financés aux trois-quarts par l'Etat, vont passer de 459 000 à 310 000 dès 2017, a annoncé le gouvernement à la fin août. Une décision qui a des conséquences dramatiques pour de nombreuses associations, contactées par franceinfo.
Les associations tirent la sonnette d'alarme. A la fin août, le gouvernement a annoncé une baisse du nombre de contrats aidés : ces emplois, financés aux trois-quarts par l'Etat, passent de 459 000 en 2016 à 293 000 dès 2017. "Coûteux" et "pas efficaces dans la lutte contre le chômage", s'est justifiée la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, mi-août, face à l'Assemblée. "Environ 70% des contrats ont déjà été attribués dans les quatre premiers mois de 2017", complète le Premier ministre Edouard Philippe.
Dans les écoles, les centres aérés, les clubs sportifs, cette décision ne passe pas. Mais elle a surtout des conséquences dramatiques pour les associations, qui, pour certaines, se retrouvent menacées de disparition.
"Nous ne pourrons pas assurer plus de la moitié de nos activités"
Pour certains, la fin des contrats aidés a des conséquences immédiates. Le Planning familial 87, basé à Limoges (Haute-Vienne), comptait une seule salariée. "Mon contrat devait être renouvelé pour un an supplémentaire à compter du 1er septembre, ce qui n'a finalement pas pu être possible", se désole Angel, qui milite avec l'association pour l’accès à l’IVG et contre les violences conjugales. "J'ai le malheur d’avoir un contrat expiré au 31 août", grince-t-elle.
L’association doit pourtant continuer à tourner. "On a modifié les activités, détaille la jeune femme de 27 ans. A la rentrée 2016, on a fait sept journées de prévention à l’université de Limoges. Cette année, on n'en fera aucune. Les tables rondes ont été annulées. Nous savons déjà que nous ne pourrons pas assurer plus de la moitié de nos activités." Dans l'immédiat, le Planning familial a trouvé une solution provisoire avec un CDD de trois mois, à dix heures par semaine.
Je me retrouve à devoir gérer mes activités, qui avaient déjà du mal à tenir en vingt heures par semaine, en seulement dix heures. Je passe d'une paye de 640 euros par mois à la moitié.
Angel, ex-employée du Planning familial 87à franceinfo
Sur les 12 fédérations départementales du Planning familial de la Nouvelle-Aquitaine, cinq se retrouvent dans des situations similaires.
Pour d’autres, les effets se feront sentir à court terme. L'association Osceale, qui fait de l'accompagnement scolaire à Courcelles-lès-Lens (Pas-de-Calais), a dû renoncer à renouveler quatre postes depuis juillet. "Un cinquième contrat prend fin en septembre. Un sixième, en octobre. Et quatre autres, en décembre, recense pour franceinfo la présidente Aïcha Bourdji. Nous prévoyions de recruter quatre animateurs en septembre, chose qui se révèle impossible aujourd'hui."
Nous n'aurons plus que trois animateurs en octobre, au lieu des neuf prévus. Fin décembre, je me retrouverai seule salariée. A très court terme, c'est la vie de l'association qui est en jeu.
Aïcha Bourdji, de l'association Oscealeà franceinfo
Charles Lucas, jeune retraité, préside une structure multiculturelle intercommunale près d’Arras (Pas-de-Calais). "L’asso n’est pas encore touchée, mais dans trois mois c’est fini, puisque les contrats se terminent en novembre", s’alarme celui qui la dirige depuis vingt-cinq ans. Les garderies, l’encadrement des cantines et du centre de loisirs sont directement menacés. "On a emmené 450 enfants à Disneyland Paris cette année. Mais on ne sera plus suffisamment nombreux pour les encadrer", déplore-t-il. Si neuf salariés sont en CDI, une trentaine d'emplois aidés pourraient prendre le chemin de Pôle emploi. "Notre asso est à terre", se désole-t-il.
"Cette rupture brutale ne nous permet pas de rebondir"
Cette baisse des emplois aidés est d'autant plus problématique que l'annonce a été "brutale", selon les associations contactées par franceinfo. Ce qui laisse à ces dernières peu de temps pour s’organiser. L'association Les Chemins buissonniers, basée à Rieumes (Haute-Garonne) et qui œuvre pour rapprocher de la culture scientifique des personnes en situation de handicap, devait embaucher l'un de ses contrats aidés pour deux ans. "Notre prévisionnel permettait de rendre viable cette projection, explique Philippe Réveillon, le coordinateur. Mais il fallait pour cela que son contrat soit renouvelé en septembre." Ce qui n’a pas été fait. "Cette rupture brutale sans préavis ne nous permet pas de rebondir."
Au Planning familial, Angel a appris la nouvelle par SMS. "J’étais en vacances, on avait lancé les procédures de renouvellement dès la mi-juin, se souvient-elle. La présidente m’a dit : 'Il y a un souci’. Pôle emploi lui avait envoyé un e-mail le 7 août pour lui expliquer." La décision définitive tombe le 11 août : le contrat d'Angel ne sera pas renouvelé. Ce qui lui a laissé une vingtaine de jours pour se retourner. "Autant dire, mission impossible", regrette-t-elle. Charles Lucas a, lui, appris la nouvelle "à la télé, le 9 août". Depuis, il a "mis une alerte Google" pour ne manquer aucune info sur le sujet. Mais il est "assez pessimiste pour le futur. C’est dramatique pour les bénévoles qui voient leurs projets s’effondrer. On a un rôle de formation à la citoyenneté, qui va disparaître."
"Remettre le pied à l'étrier"
Et c'est bien là l'un des points sensibles de la baisse des contrats aidés. "Ces emplois ont deux avantages pour des personnes qui ont des difficultés à trouver un emploi, liste Philippe Réveillon. Se faire un réseau et obtenir des compétences qu'elles peuvent valoriser dans leurs recherches ultérieures. Cette décision est un coup porté aux possibilités, pour les personnes, de remettre le pied à l'étrier."
Même double constat pour Fabien Verfaillie, président du Groupe Associatif Estuaire, qui sensibilise des Vendéens à la biodiversité. "L'emploi aidé permet de se faire une expérience valorisable et d'obtenir une recommandation auprès d'autres éventuels employeurs." Une impression confirmée par Laurent Thévenon, directeur d'un Centre permanent d'initiatives pour l'environnement dans le Puy-de-Dôme.
J'ai toujours considéré les emplois aidés comme des tremplins pour la pérennisation de nouvelles actions. Ainsi, sur huit animatrices en CDI actuellement chez nous, six ont commencé en contrat aidé ou en emploi d'avenir !
Laurent Thévenon, directeur d'associationà franceinfo
Une analyse que ne partagent pas les opposants au dispositif, qui pointent plutôt un possible effet d'aubaine : ce serait un moyen pour des structures d'employer des travailleurs à moindre coût. Tristan, qui travaille dans une association sportive à Châteaubriant (Loire-Atlantique), réfute l'argument : "Les emplois aidés sont une compensation pour les associations qui remplissent grandement les missions de service public que l'Etat a abandonnées depuis longtemps", précise-t-il.
Angel, en attente au Planning familial 87, tempère : "C'est vrai que ces emplois aidés ne sont pas parfaits. C'est précaire financièrement, mais c'est toujours mieux que rien, résume celle qui a navigué entre études, emploi d'avenir et chômage. Ça a été une chance pour me former. J’ai appris beaucoup de choses aussi parce que mon formateur a pris son rôle au sérieux." Et maintenant ? "Je resterai bénévole quoi qu’il arrive. Je suis en colère et je n'ai pas l’intention de me laisser faire."
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