Baisse de la consommation de vin : "C'est un plan social massif qui est devant nous", s'inquiète le Comité national des vins d'appellations contrôlées
"C'est un plan social massif qui est devant nous", a alerté mercredi 4 janvier sur franceinfo Bernard Farges, président du Comité national des interprofessions des vins à appellation d’origine et à indication géographique (Cniv). La consommation de vin en France a diminué de 70% en 60 ans et continue de baisser d'année en année. Le président du Cniv, Bernard Farges, prévoit une suppression comprise "entre 100 000 et 150 000 emplois d’ici dix ans" dans la filière viticole "si rien ne change".
franceinfo : Quel est l'ampleur de cette baisse de consommation ?
Bernard Farges : C’est une baisse qui est vraiment d'ampleur, qui n'est pas nouvelle mais qui s'est accentuée depuis dix ans, notamment sur les vins rouges en France. Nous la ressentons plus fortement car jusqu'à présent, nous arrivions à compenser une partie de cette baisse par les exportations. À cause de différentes crises commerciales et des relations commerciales qui ont été compliquées avec la Chine. Puis, la mise en place de taxes dites Trump aux États-Unis qui ont diminué les exportations de 25%. Enfin à cause de la pandémie, les exportations qui nous faisaient du bien ont énormément diminué. La baisse de la consommation se poursuit en France et va se poursuivre, de l’ordre d’encore 60% en dix ans, si nous ne faisons rien. Nous voulons tirer la sonnette d'alarme. C'est un plan social massif qui est devant nous dans la filière du vin.
Combien d'emplois pourraient être supprimés selon vous ?
Ce que nous avons vécu depuis plusieurs années, et si rien ne change, nous amène à une perte comprise entre 100 000 et 150 000 emplois d'ici dix ans. Actuellement, la filière compte 550 000 emplois.
Comment expliquer cette forte baisse de la consommation de vin depuis plusieurs décennies en France ?
Lorsque nous faisons des enquêtes, nous voyons que la jeune génération d'adultes se tourne désormais davantage vers la bière que vers le vin. Chez les 25-35 ans, la bière occupe 32% des parts de marché, contre 27% pour le vin. Nous constatons aussi que chaque génération nouvelle consomme moins que la précédente. De plus, la génération des 50-65 ans, c'est-à-dire la génération qui consomme le plus de vin, est passée de 80 bouteilles consommées par an en 2011 à 50 bouteilles dix années plus tard. Ce sont donc des effets massifs.
La jeune génération vous fait donc de plus en plus défaut. Est-ce de votre faute ?
Il y a ce sujet d'adresse de notre part à des consommateurs peu avertis ou pas avertis. Nous avions connu, génération après génération, une forme de transmission à l'intérieur des familles. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Il y a des familles monoparentales, des familles qui ne boivent plus de vin à table. Les jeunes adultes qui n'ont pas eu cette éducation naturelle ne sont pas des clients à qui nous nous sommes suffisamment adressés. Il faut que nous sachions nous adresser à des consommateurs qui ne sont pas avertis. Il faut qu'on fasse les choses différemment. Il faut sans doute s'adresser de manière plus simple à des nouveaux consommateurs qui ne connaissent pas le vin. Il y a enfin la question des modes de vie qui changent. Il y a moins de viandes consommées à table, il y a moins de vrais repas lors du déjeuner, en journée. Tout ça amène moins de consommation de vin. S'il y a moins de consommation de vin, ça veut dire qu'il y a de la production en trop, des vignes en trop et sûrement des emplois en trop. Il faut donc rebondir.
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