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Fourrage à bas coût, "Bon Coin" du fumier... Comment les agriculteurs s'entraident pour faire face à la sécheresse

Pour soutenir le monde agricole, durement frappé la sécheresse cet été, le gouvernement va demander le versement anticipé d'une partie des aides européennes. En attendant, les agriculteurs s'organisent.

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Un champ frappé par la sécheresse à L'Etoile (Jura), le 22 juillet 2019. (MAXPPP)

"L'état d'esprit général est totalement défaitiste : on a l'impression que le sort s'acharne sur nous." Contacté mardi 23 juillet par franceinfo, Florent Point ne masque pas son inquiétude face à la sécheresse historique à laquelle est confronté le monde agricole depuis plusieurs semaines. Selon Météo France, 2019 est la septième année la plus sèche depuis 1958. Une situation alarmante qui a poussé les autorités à restreindre la consommation d'eau dans 73 départements. "La pluviométrie de 2019 est déjà deux fois moins importante qu'une année classique, et on avait déjà eu un gros déficit de pluie l'an passé", s'alarme cet agriculteur de 27 ans, installé à Verneuil (Nièvre).

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Pour Florent Point, qui élève des vaches charolaises et cultive des céréales, le manque d'eau entraîne surtout une inquiétude concernant les réserves de fourrage, nécessaire à la bonne alimentation de ses bêtes. "Les stocks ont été totalement consommés l'hiver dernier. On sait déjà que tout le monde n'aura pas de quoi tenir tout l'hiver. On attend la pluie, mais rien ne s'annonce...", s'alarme l'éleveur. Mais comme lui, certains agriculteurs ont décidé de s'entraider pour faire face à la sécheresse.

Un "Bon Coin" paysan en septembre dans la Nièvre

Afin de "favoriser les échanges inter-filières", Florent Point se penche, avec la section locale du syndicat des Jeunes agriculteurs, sur la création d'un site internet qui permettrait aux professionnels du secteur "de s'échanger, en fonction de leurs besoins, des matières premières comme de la paille, du fumier ou du fourrage, à un tarif préférentiel". Ce "Bon Coin" paysan devrait voir le jour début septembre. "On y trouvera une calculatrice qui permettra de convertir la valeur des matières premières entre elles, ainsi qu'en euros". Le jeune homme espère que cette démarche favorisera les contacts entre les agriculteurs de différentes filières et permettra, à terme, de pérenniser ce type de transaction.

Sébastien Prouteau ne souhaite pas autre chose. Céréalier à Maillé (Indre-et-Loire), où l'on passait, mardi 23 juillet, la barre des "43 jours consécutifs sans pluie", le président de la section départementale de la FNSEA vante l'esprit de partage de ses confrères. "Jusqu'à présent, notre département a toujours eu l'esprit de solidarité en organisant un marché intérieur : en cas de difficultés, les céréaliers laissaient à disposition des éleveurs leurs excédents de fourrage et de paille en contrepartie d'une petite compensation financière", explique l'agriculteur de 44 ans.

Fourrage à prix d'ami

Mais, à la différence des années précédentes, Sébastien Prouteau et ses collègues céréaliers ont cette fois été sollicités dès le mois de mai par des agriculteurs du département voisin du Maine-et-Loire, "qui craignaient que le fourrage finisse par manquer". Afin de faire face à cette hausse de la demande sans pénaliser les éleveurs locaux, la branche départementale de son syndicat a sollicité des céréaliers qui préféraient jusqu'à présent pulvériser leur paille après les moissons pour favoriser la repousse de leurs cultures. Objectif : ravitailler les éleveurs du Maine-et-Loire en fourrage pour les bêtes.  

Nous avons réussi à augmenter l'offre de paille pour éviter la spéculation. L'acheteur prend ensuite à sa charge le pressage de la paille et son transport.

Sébastien Prouteau, céréalier à Maillé

à franceinfo

L'agriculteur estime ainsi que ses voisins du Maine-et-Loire peuvent ainsi acheter en général une tonne de paille pour 75 euros. "C'est un prix cohérent, qui permet au vendeur de racheter des engrais minéraux pour compenser la perte du broyage de paille sur ses champs et à l'acheteur de subvenir à ses besoins", détaille le céréalier. "Ce n'est pas avec cela qu'on gagne de l'argent, mais il y a la satisfaction personnelle d'avoir contribué à la solidarité entre les départements. Ça fait plaisir, même si le monde agricole est toujours un peu discret sur ses sentiments !"

"Nous ne voulons pas donner de faux espoirs"

Un système analogue est en train d'être mis en place en Haute-Vienne, indique à franceinfo Emilie Pons. "Nous sommes un département de polyculture et d'élevage, particulièrement de bovins allaitants. Dans ces conditions, la sécheresse est un vrai sujet de préoccupation, qui se greffe aux problématiques économiques que nous avons déjà", raconte la présidente de la Coordination rurale et vice-présidente de la Chambre d'agriculture dans le département, également éleveuse d'ovins. 

Pour venir en aide aux éleveurs de son département et éviter une flambée des prix du fourrage "comme l'an dernier", Emilie Pons a pris contact avec la Chambre d'agriculture du Lot-et-Garonne, où la Coordination rurale est également bien implantée. "Nous avions déjà de bons rapports, et nous avons décidé qu'il fallait les mettre à profit pour aider les éleveurs du département", justifie l'exploitante de 38 ans. Les céréaliers du Lot-et-Garonne ont ainsi été invités à offrir gracieusement leur paille non broyée aux éleveurs de Haute-Vienne, qui prennent en charge le transport et la mise en bottes.

Nous sommes en train de recenser les stocks et nous allons cibler les exploitations en difficulté pour les redistribuer, car on ne pourra malheureusement pas en avoir pour tout le monde !

Emilie Pons, éleveuse d'ovins en Haute-Vienne

à franceinfo

Ces échanges à prix coûtant entre les deux départements débuteront en août. "L'information circule déjà sur Facebook, mais nous préférons attendre avant de communiquer au sujet de ceux qui pourront en profiter, afin de ne pas donner de faux espoirs", conclut l'éleveuse.

Des doutes sur les aides annoncées

La plupart des agriculteurs contactés par franceinfo affichent en tout cas leur scepticisme face aux mesures annoncées par le gouvernement pour venir en aide aux exploitants. Le ministre de l'Agriculture Didier Guillaume a ainsi annoncé qu'il allait demander à l'Union européenne d'attribuer 70% de ses aides aux agriculteurs à la mi-octobre au lieu des 50% habituels, ce qui représente "un milliard d'euros d'avance de trésorerie supplémentaire".

"La trésorerie, ce n'est pas à la mi-octobre que nous en avons besoin, c'est dès maintenant !", soupire Sébastien Prouteau, qui déplore également que l'autorisation de fauchage des jachères pour subvenir au besoin des animaux ne soit pas davantage étendu. "On attend de voir comment tout cela va évoluer", annonce avec philosophie Emilie Pons. "En fonction des conditions météo et de l'état des stocks fourragers, il faudra peut-être réclamer le statut de calamité agricole, qui est le seul à donner droit à une aide spécifique dans ces situations"

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