Drones, exosquelettes, télémédecine... A quoi pourrait ressembler l'armée française dans dix ans ?
A l'occasion du défilé du 14-Juillet, franceinfo s'est penché sur les innovations qui pourraient intégrer les rangs des forces françaises dans les années à venir.
Le défilé sur les Champs-Elysées, vendredi 14 juillet à Paris, sera l'occasion pour l'armée française de montrer au public - et aux invités du président français Emmanuel Macron - ses meilleures technologies et ses unités les plus emblématiques. Engagées sur plusieurs théâtres d'opérations, au Sahel, en Irak ou en Syrie, les armées tricolores veillent en permanence au maintien d'un haut niveau technologique.
Elles tentent également d'anticiper les changements technologiques. Cinq, dix ou quinze ans avant la fin de la durée de vie du matériel, la Défense nationale lance de nouveaux programmes. Alors les industriels de l'armement aussi anticipent. Drones, télémédecine, big data... Franceinfo détaille ces innovations qui pourraient changer les armées françaises dans les dix prochaines années.
Les drones : bientôt des appareils armés ?
A la pointe des innovations dans le domaine de la défense, les drones satellites pourraient équiper l'armée française dans moins de dix ans, assure un industriel contacté par franceinfo. La décision de l'armée française n'est pas encore prise, mais le groupe Airbus Defence développe tout de même le projet Zephyr. Muni d'ailes de 16 mètres de long chacune, cet avion solaire peut voler jusqu'à une altitude de 21 km, soit le double d'un avion de ligne.
Ces engins sans pilote ont l'avantage de pouvoir rester plusieurs jours dans les airs. Avec deux semaines d'autonomie, le Zephyr détient ainsi le record de la distance parcourue par un avion sans chargement de carburant. Il est capable de se déplacer à vitesse basse et d'effectuer des cercles pour surveiller une même zone. Idéal pour remplacer les coûteux satellites de surveillance, primordiaux lors des opérations militaires pour repérer les ennemis, au moment où le gouvernement cherche à réduire les dépenses de l'armée. Sans oublier que le Zephyr a l'avantage, par rapport au satellite, de pouvoir revenir sur terre.
Actuellement, l'armée française, contrairement aux Etats-Unis, ne possède pas de drones armés. Ses quatre drones européo-israéliens de classe Harfang et ses six appareils américains Reaper sont destinés à l'observation. Mais, même si elle n'a toujours pas pris sa décision, l'armée se prépare à les équiper de missiles, comme le montrait en 2016 notre enquête.
En attendant, une nouvelle génération de drones, développée par les Européens (Airbus Defence and Space, Dassault Aviation et Finmeccanica), devrait se rapprocher des capacités des drones américains. La phase de lancement de ces drones de "moyenne altitude et de longue endurance" (Male) est prévue pour 2020.
Autre innovation dans ce domaine, l'intégration aux sous-marins modernes de drones aériens, terrestres et sous-marins. Développés par le groupe français Naval Group, ces trois types d'appareils n'ont pas été commandés par l'armée française pour équiper les six nouveaux sous-marins de nouvelle génération Barracuda. Ils pourraient faire figure de précurseurs pour les prochains engins militaires.
"Ces drones étendent les capacités des sous-marins", explique le groupe naval. Destinés au recueil de l'information, ces drones peuvent être envoyés depuis le sous-marin jusqu'à la cible. "L’innovation réside dans le fait d’assurer une intégration en temps réel (...) de toutes les données collectées", ajoute l'entreprise.
Le big data : l'analyse des données en direct et en simultané
Un des principaux enjeux aujourd'hui est de réussir à "analyser la masse de renseignements qui parvient aux militaires", explique le colonel Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale. Les renseignements militaires proviennent des militaires eux-mêmes, mais aussi de sources externes, principalement d'internet. "Les effectifs n'augmentent pas aussi vite que les masses de données à traiter", détaille à franceinfo Michel Goutaudier, délégué général de l'Intelligence Campus, un centre de recherche inauguré en mars 2017 par Jean-Yves Le Drian.
Situé à Creil (Oise), ce campus rassemble des établissements de formation, des entreprises et des chercheurs de l'armée, afin de faire de la recherche sur le traitement de ces données. L'objectif : faire fonctionner une intelligence artificielle capable de rassembler des données provenant de sources différentes, de les analyser, puis de les visualiser sur des supports accessibles pour les utilisateurs (militaires ou civils). Submergés par les centaines d'heures de vidéos diffusées sur internet chaque minute dans le monde, les militaires passent aujourd'hui à côté d'une grande partie du flux d'information.
"En France, dans l'armée, l'objectif demeure que l'homme reste dans la boucle", rassure Michel Goutaudier. Car la tentation serait grande de laisser une intelligence artificielle désigner l'ennemi toute seule. Le spécialiste ne peut toutefois affirmer que cette technologie sera prête dans dix ans.
La télémédecine : des dispositifs connectés pour surveiller les soldats
Les services de santé des armées investissent aussi dans la recherche. L'un de leurs objectifs est de développer les capteurs connectés d'ici à dix ans. "La protection des soldats est primordiale pour l'armée, explique le colonel Jérôme Pellistrandi. On peut imaginer que ces dispositifs connectés permettront de suivre l'état de fatigue du soldat en temps réel."
Pour les blessés, sur des théâtres d'opérations qui peuvent être parfois désertiques, il est difficile d'avoir un accès aux soins rapides, surtout quand il s'agit d'une opération chirurgicale lourde. "L'armée développe la télémédecine", explique le colonel.
Dans le nord du Mali, dans le désert, on peut imaginer que l'opération puisse être réalisée par un robot, avec une équipe sur place et un chirurgien à Paris.
Colonel Jérôme Pellistrandià franceinfo
Mais l'un des casse-tête à résoudre est que les robots ne doivent pas s'arrêter à cause d'une mauvaise connexion internet. "Les communications doivent être assurées, pourquoi pas grâce à un drone", avance Jérôme Pellistrandi.
La cyberdéfense : de nouvelles unités de protection
"L'espace cyber (...) est devenu un enjeu de souveraineté pour la France", déclarait l'ancien ministre de la Défense et actuel ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, à France 2, en janvier. L'attaque de la chaîne de télévision TV5 Monde, en avril 2015, revendiquée par le groupe Etat islamique, avait marqué les esprits. La diffusion des programmes avait été arrêtée et des messages favorables à l'EI avaient été postés sur les comptes des réseaux sociaux de l'entreprise. La cyberdéfense avait été érigée en priorité nationale par le livre blanc sur la Défense, publié en 2013.
En mai 2017, le secrétaire d'Etat chargé du Numérique, Mounir Mahjoubi, a appelé à "construire la quatrième armée", après une cyberattaque massive qui a fait plus de 200 000 victimes.
En 2016, l’armée a ainsi lancé une unité mobile capable d’intervenir en urgence dans une opération extérieure, la 807e compagnie de transmissions, rappelle Le Monde. Cette unité a participé en mars 2017 à un exercice de cyberattaque, la quatrième du genre, avec des réservistes. Leur nombre devrait atteindre 4 400 d'ici à 2019. Ils s'ajouteront aux 2 000 personnes travaillant sous les ordres de l'état-major cyber, dont les effectifs atteindront quant à eux 3 000 personnes en 2019, note Le Monde.
Les exosquelettes : des dispositifs pour porter des charges lourdes
"Terminator ou pas Terminator ?" C'est le dilemme auquel devra faire face l'armée, affirme Jérôme Pellistrandi. Confrontées à des conflits violents, les armées du monde entier travaillent au développement d'exosquelettes. Mais, avec le progrès technique, les autorités pourraient être tentées de remplacer purement et simplement les soldats par des robots. Une hypothèse que réfute le colonel. "La technologie ne se substituera pas aux soldats, elle viendra en complément, assure-t-il. Mais une réflexion collective sur les aspects éthiques, juridiques et économiques est déjà engagée pour dessiner le visage de l'armée du futur." De quoi rejoindre la fiction ?
Développé depuis 2009 par la PME française RB3D, l'exosquelette Hercule permet d'ores et déjà aux soldats, mais aussi aux civils, d'être "assistés dans la manipulation des charges lourdes", comme le précise le ministère des Armées. La machine se place autour du soldat et le suit à la trace, explique France 2.
Dans quelques années, les exosquelettes pourraient également protéger les soldats des balles. L'armée américaine développe déjà, en partenariat avec des universités, une armure légère pour ses soldats d'élite. Elle devrait équiper les forces spéciales américaines dès août 2018, explique CNN (en anglais). Munie de nombreux dispositifs informatiques, l'armure serait capable de scruter la santé du soldat en temps réel, ainsi que l'environnement dans lequel il évolue.
Pour le moment, l'armée française ne dispose pas d'un programme de développement d'une telle ampleur, mais rien n'exclut que ces "Iron Man" finissent par intéresser les forces tricolores dans un futur plus lointain.
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