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"Gilets jaunes" et militaires : "On est dans une ambiguïté politiquement très dangereuse", estime le général Desportes

Le général Vincent Desportes, ancien directeur de l’École de guerre, a réagi sur franceinfo à la mobilisation des militaires de Sentinelle pour les manifestations des "gilets jaunes". 

Article rédigé par franceinfo - Édité par Thomas Pontillon
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un militaire de Sentinelle (Illustration).  (JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP)

Pour sécuriser les manifestations des "gilets jaunes" prévues samedi 23 mars le gouvernement a mobilisé les militaires de l'opération Sentinelle. Un choix pas toujours compris et apprécié. "Là, on est dans une ambiguïté, dans un mélange des genres, qui est politiquement très dangereux sociétalement", a expliqué sur franceinfo le général Vincent Desportes, ancien directeur de l’École de guerre, professeur associé à Sciences Po et enseignant en stratégie à HEC.

franceinfo : Comprenez-vous les tensions autour de l'armée lors de ces manifestations ?

Vincent Desportes : Bien sûr, elles sont normales. Si le nouveau dispositif ne change rien alors il ne fallait pas l'annoncer et s'il change quelque chose et bien il y a une prise de risque politique et humaine tout à fait dangereuse. Pour l'instant, les propos sont de dire que jamais les manifestants ne viendront au contact avec les militaires. J'en accepte l'augure mais nous savons que les plans ne se déroulent jamais comme prévu, c'est la règle de ce genre d'exercice. Jusqu'à présent les forces de sécurité n'ont pas montré qu'elles étaient parfaitement capables de maîtriser les foules de manifestants. Si les casseurs viennent au contact des militaires, il y a un risque grave de sang versé. Les militaires seront en charge de missions de protection de personnes et de biens et pour répondre ils n'ont que deux armes, leurs poings et leurs armes d'assaut. Ils seront placés dans une situation extrêmement difficile et il faut éviter que cela se produise.

Les militaires de l'opération Sentinelle que l'on croise toute l'année dans les rues sont-ils préparés à faire face à des manifestants ?

Il y a deux choses. D'une part, ils ne sont pas préparés du tout. Le maintien de l'ordre est un métier auquel on prépare les CRS, les gendarmes mobiles, longuement. Ça n'est pas le métier des militaires pas plus qu'on envoie les gendarmes faire la guerre au Mali ou en Syrie. Chacun son métier et ce sont des métiers complètement différents. La deuxième chose, c'est qu'ils ne sont pas équipés du tout pour ce métier-là, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas avoir de réponses graduées. La IVe République a inventé les CRS pour répondre à ce cas de figure.

Est-ce qu'il y a un précédent de la présence de l'armée dans ce genre de situation ?

Bien sûr, nous avons un précédent. La dernière fois où les militaires ont été utilisés pour faire du maintien de l'ordre c'était en Algérie, il y a plus de 50 ans. Comme vous le savez le sang a coulé, énormément coulé. Vous devez savoir que quand les militaires conduisent leurs opérations Sentinelle ils le font avec cette possibilité de tuer et ils ont tué quand il fallait le faire. Chacun se souvient de l'incident d'Orly. Là, on est dans une ambiguïté, dans un mélange des genres, qui est politiquement très dangereux sociétalement.

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