Dépakine : la condamnation de l'Etat est "une grande victoire symbolique", réagit l'avocat d'une association de victimes
Selon Charles Joseph-Oudin, avocat de l’Association des parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anticonvulsivant, entre 15 000 et 30 000 familles ont souffert des mauvais effets du médicament commercialisé par Sanofi.
La condamnation de l'Etat dans l'affaire de la Dépakine est "une grande victoire symbolique pour les victimes", a réagi jeudi 2 juillet sur franceinfo maître Charles Joseph-Oudin, avocat de l’Association des parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anticonvulsivant (Apesac). La justice a reconnu jeudi pour la première fois la responsabilité de l'Etat et l'a condamné à indemniser trois familles dont les enfants sont lourdement handicapés après avoir été exposés in utero à cet antiépileptique.
Cette décision judiciaire aura "des conséquences sur l'indemnisation des victimes", se félicite Charles Joseph-Oudin qui souligne que si "la responsabilité de l'Etat est engagée pour les malformations physiques", il n'en est pas de même des troubles neuro développementaux. "Nous ferons appel de cette décision", affirme l'avocat qui appelle "Sanofi pour un peu plus de raison" et à "s'asseoir à une table des discussions".
franceinfo : Cette décision judiciaire, c'est une victoire importante ?
Charles Joseph-Oudin : C'est une grande victoire pour les victimes de voir la responsabilité de l'Etat retenue. Le tribunal administratif retient que l'Etat est en charge de la police sanitaire et que l'Etat a manqué à ses obligations pour faute.
La faute est caractérisée par l'absence d'information sur les risques dans la notice. C'est un point important, symbolique pour les victimes, mais qui aura, à n'en pas douter, des conséquences sur leur indemnisation.
Charles Joseph-Oudin, avocat de l'association de victimes de la Dépakineà franceinfo
On est bien là sur un problème de défaut d'information. Toutes ces femmes, tous ces couples qui ont décidé d'avoir des projets d'enfants n'ont pas été informés des risques liés à l'exposition in utero à la Dépakine, avec comme conséquence directe, des enfants qui naissent avec des malformations physiques, avec des troubles neuro développementaux extrêmement graves
La justice estime que les risques de malformations étaient suffisamment documentés pour que les autorités alertent les familles. Mais ce n'est pas forcément le cas pour les troubles de développement qui ont pu pousser à des difficultés pour apprendre à marcher à des cas d'autisme également.
Effectivement. On sait que depuis 1982, 1981, les dates peuvent varier un peu, la responsabilité de l'Etat est engagée pour les malformations physiques. S'agissant des troubles neuro développementaux, qui sont les plus graves et les plus importants, nous avons en possession des rapports d'expertise. Et la loi même, en décembre 2019, a posé que la responsabilité existait depuis 1984 au minimum. Très étonnamment, le tribunal administratif de Montreuil n'a pas suivi notre argumentation et retient une date très postérieure, peut-être 2004. La décision n'est pas très claire. Sur ce point, nous allons faire appel. C'est évidemment contraire aux données qui sont en notre possession. La responsabilité est engagée depuis le début des années 80. Cette décision, qui concerne la faute de l'Etat et depuis quand elle existe, est sans incidence sur les procédures, notamment ouvertes à l'Oniam (Office national d'indemnisation des accidents médicaux) en indemnisation, où la responsabilité de l'Etat a d'ores et déjà été actée depuis 1984. C'est important que les familles ne s'inquiètent pas. Les enfants seront indemnisés et nous ferons appel de cette décision.
Combien de familles sont concernées par les conséquences de la prise de la Dépakine?
C'est très difficile de savoir exactement combien d'enfants, de jeunes adultes, sont impactés par la Dépakine. Les estimations sont entre 15 000 et 30 000. On sait qu'aujourd'hui, le laboratoire Sanofi affronte pas loin de 1 000 procédures à l'Oniam, une quarantaine de procédures judiciaires, des plaintes qui sont ouvertes au Pôle santé publique pour blessures et homicides.
La véritable difficulté, c'est l'attitude du laboratoire Sanofi, qui refuse délibérément et obstinément d'indemniser les victimes.
maître Charles Joseph-Oudinà franceinfo
Et nous souhaitons que ces décisions, qui posent la responsabilité de l'Etat, conduisent le laboratoire à infléchir cette position, à s'asseoir à la table des discussions et qu'on trouve une solution pour prendre en charge et pour indemniser ses victimes.
Le fait de reconnaître, même si c'est dans une moindre mesure, la responsabilité de Sanofi et de médecins prescripteurs, qu'est-ce que cela implique?
Vous dites dans une moindre mesure. On a des dossiers où la responsabilité de Sanofi, c'est 50%. C'est beaucoup. Il y a une part de l'Etat, il y a une part des médecins, il y a une grosse part du laboratoire. Aujourd'hui, la pression judiciaire sur les laboratoires s'accentue et en creux, son refus obstiné d'indemniser les victimes n'en devient que plus insupportable et nous conduit à lancer, avec Marine Martin, la lanceuse d'alerte de la Dépakine, cet appel à Sanofi pour un peu plus de raison, un peu plus de considération à l'égard des victimes. Il faut s'asseoir à une table des discussions pour prendre en charge et indemniser les victimes.
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