Faut-il vraiment s'accrocher à Florange?
ArcelorMittal va fermer les deux hauts-fourneaux du site mosellan. L'Etat a soixante jours pour trouver un repreneur. Mais cela vaut-il vraiment le coup?
ECONOMIE - Arcelor a décidé d'éteindre les hauts-fourneaux de Florange. Malgré la volonté affichée des gouvernements successifs, un pilier de la sidérurgie française s’effondre et risque d’emporter plus de 600 emplois dans sa chute, selon les syndicats. ArcelorMittal a toutefois donné son accord à la recherche d'un repreneur du site mosellan sous soixante jours, comme le demandait Arnaud Montebourg… tout en assurant que la poursuite de l'exploitation ne serait "pas rentable".
Dans une tribune publiée par Libération (article abonnés) lundi 1er octobre, le sénateur EE-LV Jean-Vincent Placé semble condamner ce qu’il considère comme une "industrie du passé", qu'il faudrait laisser tomber au profit des énergies renouvelables, notamment. Alors, faut-il vraiment s’accrocher à cette branche de l’industrie française ? FTVi pèse le pour et le contre.
Des débouchés traditionnels qui s'amenuisent
Il est vrai que l’acier européen traverse une grave crise. D'après le rapport de Pascal Faure, remis au gouvernement le 27 juillet, la consommation est aujourd’hui inférieure d'un quart à ce qu’elle était chaque année de 2003 à 2008.
La production est elle aussi en berne : l’an dernier, elle s'élevait à 177,4 millions de tonnes dans l'Union européenne, soit 16% de moins qu'en 2007, d'après les statistiques de la World Steel Association (en anglais). La tendance s’est poursuivie en 2012, avec un recul de 4,6% par rapport à la même période en 2011.
Cette chute est l’une des conséquences de la crise des principaux secteurs consommateurs d’acier : la construction et l’automobile. A lui seul, le secteur automobile représente 17% des débouchés de la sidérurgie. Or PSA va fermer son site d’Aulnay-sous-Bois et les ventes de véhicules neufs fondent à un rythme régulier. En France, les immatriculations de voitures françaises (PSA Citroën et Renault) ont encore chuté de 18,3% en un an, selon le Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA). L'Allemand Volkswagen accuse quant à lui une baisse de 17,4% et l'Italien Fiat recule de 27,9%. Ce qui force les constructeurs à ralentir leur production et donc leur consommation d’acier.
Une situation géographique qui perd de son attrait
Avant la crise de l'automobile, l'implantation du site de Florange était idéale. Comme l’expliquait en avril l’hebdomadaire L’Usine nouvelle, elle lui permettait “de desservir en flux tendus une clientèle très dense dans un rayon de 400 kilomètres" et de devenir "fournisseur, entre autres, des usines allemandes de BMW et de Mercedes et de celles de PSA à Sochaux et à Mulhouse".
Aujourd'hui, la crise rend "l'implantation en Lorraine moins pertinente qu’en bord de mer, comme à Fos et Dunkerque", dans les Bouches-du-Rhône et le Nord, analyse pour FTVi Jean-Luc Gaffard, directeur de la recherche sur l’innovation et la concurrence à l’OFCE. Etre situé sur le littoral facilite en effet les exportations.
L'acier, essentiel pour exporter
Or la France a besoin d'exporter "pour réduire son déficit commercial", explique Jean-Luc Gaffard. Voitures, emballages alimentaires, matériel médical… "Plus de 80% de nos exportations sont des produits manufacturés, et viennent donc indirectement de l’acier", ajoute-t-il. Selon lui, il est donc "stupide de condamner tout un secteur".
Sans compter que le transport de l'acier est très coûteux, en raison de son poids. "L'importer de Chine ou du Japon n’aurait pas de sens", affirme le chercheur. Un choix impossible aussi sur le plan politique. Comment Arnaud Montebourg pourrait-il justifier l’abandon de toute une filière au profit de l’Asie, par exemple, qui a produit près des deux tiers de l’acier mondial en 2011 (principalement en Chine, Corée du Sud et au Japon) ?
Une industrie de pointe sur laquelle il faut miser
ArcelorMittal n'a d'ailleurs pas du tout l'intention d'abandonner totalement Florange. Henri Blaffart, vice-président d'ArcelorMittal Europe, affirme que le groupe va continuer à investir "de manière significative" à Florange, dont il veut faire "un centre d'excellence" pour des aciers à haute valeur ajoutée. "Nous ne produisons plus l’acier d'il y a quarante ans, mais un matériau de pointe, plus cher", précise Jean-Luc Gaffard, qui estime que la France et l’Europe ont intérêt à miser sur cette plus-value.
Reste qu’il sera difficile de trouver un repreneur dans le délai de soixante jours accordé par ArcelorMittal. Comme le souligne Challenges, tous les concurrents du numéro un mondial de l’acier subissent la même crise et les hauts-fourneaux de Florange sont "en fin de vie", en plus de se trouver "au beau milieu d’installations estampillées ArcelorMittal".
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