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Crise à l'hôpital : pourquoi le "plan d'urgence" présenté par le gouvernement déçoit les soignants

Le gouvernement a annoncé mercredi une série de mesures jugées pour la plupart insuffisantes par les personnels hospitaliers.

Article rédigé par franceinfo
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Des infirmiers et médecins manifestent à Paris, le 27 septembre 2019.  (VIKTOR POISSON / HANS LUCAS / AFP)

"Finalement, il n'y a pas de réponse aux revendications telles qu'on les porte depuis neuf mois. Même si on reconnaît qu'il y a de véritables efforts de la part du gouvernement". Orianne Plumet, infirmière et membre du collectif Inter-urgences, ne cache pas sa déception après les annonces faites, mercredi 20 novembre, dans le cadre du "plan d'urgence" destiné à apaiser la crise de l'hôpital public. Ni les primes prévues pour renforcer l'attractivité des métiers d'infirmiers et aides-soignants, ni le financement supplémentaire de 1,5 milliard d'euros sur trois ans ne sont parvenus à convaincre les organisations syndicales et les collectifs de personnels hospitaliers.

Face à des mesures qu'il juge "extrêmement décevantes", Justin Breysse, président de l'Isni, le principal syndicat d'internes, a appelé mercredi à une grève "dure" et "illimitée" des internes dans les hôpitaux à partir du 10 décembre. L'association des médecins urgentistes de France (CGT Santé) et le syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI CFE-CGC) ont, de leur côté, appelé tous les salariés de l'hôpital public à se mobiliser "massivement" le 5 décembre, jour de grève contre la réforme des retraites.

Franceinfo vous explique pourquoi les annonces du gouvernement ne parviennent pas à convaincre. 

Parce que les revalorisations salariales sont très en deçà des attentes 

Ce qui a été annoncé. A partir du 1er janvier 2020, une prime annuelle de 800 euros net sera attribuée de manière "pérenne" à 40 000 soignants de Paris et de la petite couronne qui gagnent moins de 1 900 euros ainsi qu'une prime de 100 euros par mois pour les personnels s'occupant des personnes âgées. Les personnels paramédicaux pourront également bénéficier d'une prime de 300 euros par an, soit 25 euros par mois, selon des modalités laissées à l'appréciation de la direction des hôpitaux.

Ce qui était attendu. L'augmentation du point d'indice est l'une des principales revendications des infirmiers et aides-soignants. Ils réclamaient une hausse de l'ordre de 300 euros par mois pour pouvoir recréer de l'attractivité au sein de l'hôpital public. Selon l'OCDE, leur salaire était inférieur au salaire moyen français en 2015 et parmi les plus bas des pays membres de l'UE. De manière générale, le salaire net moyen de la fonction publique hospitalière (FPH) n'a que peu progressé ces dernières années, une fois l'inflation déduite. D'après l'Insee, le salaire moyen dans la FPH n'a augmenté que de 0,3% (inflation prise en compte) en 2017, contre 1,1% dans la fonction publique territoriale et la fonction publique d'Etat.

Les syndicats affichent donc leur déception après les annonces du gouvernement. D'abord parce que la prime n'est attribuée qu'aux soignants exerçant en Ile-de-France. "J'ai un salaire gelé depuis plusieurs années, 1 640 euros (...) Pourquoi à Paris et en Ile-de-France et nous non ?", déplore Carine Linza, aide-soignante au CHU de Nice, sur France 3. "Donc 800 euros de prime pour des infirmiers ou infirmières du public, d'IDF. Et les autres ? On pue ?", s'interroge sur Twitter un internaute se présentant comme "infirmier en hospitalisation à domicile".

La prime de 25 euros mensuels pour les paramédicaux fait également beaucoup réagir. "Le gouvernement a le sentiment d'avoir fait des annonces colossales, mais ces sommes apparaissent dérisoires pour les soignants mobilisés. Passer de 1 600 à 1 625 euros par mois, ça ne change rien du tout à la fin de la journée", estime le sociologue Pierre-André Juven, coauteur de La Casse du siècle. A à propos des réformes de l'hôpital public, dans Le Monde

Surtout, "les primes ce n'est pas pérenne et cela ne compte pas dans la retraite", estime Antoine Pelissolo, représentant du collectif Inter-hôpitaux. "Nos salaires ne sont faits que de primes. [...] Donc on va avoir des retraites de miséreux, on ne veut plus de primes", s'agace Nathalie, aide-soignante au CHU de Bordeaux, sur RTL. Quant à Olivier Falorni, député divers gauche de la 1re circonscription de Charente-Maritime, il redoute sur franceinfo un "effet d'aubaine : on prend la prime et après on s'en va au bout de deux ou trois ans"

Parce qu'il n'y a pas d'arrêt des fermetures de lits

Ce qui a été annoncé. Le gouvernement n'a pas fait de propositions directes sur cette thématique. Interrogé à ce sujet sur France Inter, Edouard Philippe a toutefois indiqué jeudi que les mesures annoncées permettraient d'ancrer l'hôpital dans un cercle vertueux, permettant notamment l'ouverture de nouveaux lits : "Nous voulons redonner des marges de manœuvre. C'est pour ça que nous donnons des moyens, que nous reprenons la dette. Et c'est grâce à cela qu'on va pouvoir recruter, recréer des lits quand c'est nécessaire"

Ce qui était attendu. Des lits sont supprimés chaque année dans les hôpitaux. En une vingtaine d'années, 100 000 lits ont ainsi été supprimés, au grand dam des urgentistes, qui dénoncent le manque de place pour hospitaliser leurs patients. "La France a une population qui augmente et vieillit, il faut donc des soins ! Nous demandons l'arrêt de la fermeture des lits et la réouverture des lits là où c'est nécessaire", revendique le docteur Renaud Péquignot, président du syndicat Avenir hospitalier, à franceinfo. A Paris, pas moins de neuf cents lits – sur un total de 20 000 – sont actuellement fermés, faute d'effectifs suffisants pour assurer les soins.

Parce qu'il n'y a pas de hausse des effectifs

Ce qui a été annoncé. Le gouvernement n'a évoqué aucune ouverture de poste mais assure vouloir mettre fin au "mercenariat" en cours dans certaines spécialités, comme l'anesthésie-réanimation. Pour ce faire, Agnès Buzyn veut revaloriser la fonction de management, donner plus de libertés aux professionnels dans leur organisation du quotidien, alléger les charges administratives inutiles et soumettre les modalités de recrutement à un choc de simplification. 

Olivier Véran, médecin et député LREM de l'Isère, assure que la reprise d'un tiers de la dette des hôpitaux va permettre un gain de 6 millions d'euros en plus pour l'hôpital. Soit, entre autres, de possibles embauches supplémentaires. "Vous imaginez bien qu'avec 6 millions, vous êtes capable d'investir, de construire, de moderniser, de recruter, de conserver des équipes de talent (...)", a-t-il souligné sur franceinfo.

Ce qui était attendu. Les soignants réclamaient "la création de 10 000 postes – infirmiers et aides-soignants – sur 550 hôpitaux en France", indiquait en juin un infirmier, membre du collectif Inter-urgences, au Parisien. Tous dénoncent une surcharge de travail qui est devenue la norme. Le nombre de patients pris en charge aux urgences est passé de dix millions en 1996 à vingt-et-un millions en 2016. Un record sans doute dépassé depuis, selon les données de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). "On a doublé notre activité, mais on n'a pas doublé nos moyens", observe Tarak Mokni, responsable du Samu à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques). 

Parce que les tarifs hospitaliers n'augmenteront pas suffisamment

Ce qui a été annoncé. Le gouvernement s'engage à ce que les tarifs hospitaliers augmentent d'au moins 0,2% chaque année d'ici à la fin du quinquennat. L'Ondam (Objectif national de dépenses de l'assurance-maladie), qui fixe le budget des hôpitaux, sera ainsi relevé de 2,3 à 2,45% dans le cadre du budget de la Sécu pour 2020, en cours d'examen au Parlement. L'Ondam hospitalier passera donc de 2,1% à 2,4%. "Nous mettons en plus un milliard et demi d'argent frais sur la table sur trois ans, ce qui va permettre d'augmenter les tarifs, ce que l'hôpital facture à l'assurance-maladie", a indiqué Agnès Buzyn. 

En plus de cette rallonge, quelque 150 millions d'euros seront fléchés chaque année vers l'investissement courant (achat de petits matériels, travaux de rénovation légère). Les hôpitaux bénéficieront par ailleurs d'un "programme massif de reprise de dettes de 10 milliards d'euros sur trois ans", via "une loi (qui) sera présentée au premier semestre 2020", selon le Premier ministre, Edouard Philippe.

Ce qui était attendu. L'Ondam fait partie des sujets qui cristallisent les inquiétudes. Et l'augmentation proposée par le gouvernement ne satisfait pas les syndicats, qui réclamaient une hausse de 4,5 à 5% de l'Ondam. "La proposition de 2,1% correspond à un milliard d'économies à faire sur les hôpitaux l‘an prochain (...) Et un milliard d'économies, ce fera forcément, au point où on en est, sur des dépenses de personnels. Cela veut dire moins de personnels actifs dans les services et des personnels moins bien payés qu'ils devraient l'être", regrette Antoine Pelissolo, représentant du collectif Inter-hôpitaux.

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