Crise énergétique : fin du "bouclier tarifaire", promotion des "heures creuses"... On vous résume les propositions du think tank Terra Nova
Le groupe de réflexion social-démocrate préconise notamment de mieux cibler la réduction du prix de l'électricité vers les plus précaires. Il plaide aussi pour faire appliquer des règles existantes mais peu respectées.
Vers une forme de sobriété énergétique ? Après un été marqué par des phénomènes extrêmes attribuables au réchauffement climatique, et alors que la guerre en Ukraine et ses répercussions sur le marché des énergies se poursuivent, la rentrée est placée sous le signe des restrictions énergétiques. Emmanuel Macron a promis de présenter fin septembre un "plan de sobriété", et le débat sur la maîtrise de la consommation est déjà vif, notamment autour de la question des jets privés.
Des organisations ont aussi pris position pour peser sur les décideurs. En mars, l'Agence internationale pour l'énergie listait dix mesures pour diminuer la consommation de pétrole. A son tour, le groupe de réflexion social-démocrate Terra Nova, historiquement proche du Parti socialiste, a publié un rapport, mardi 23 août. Ecrit par Nicolas Goldberg, spécialiste de l'énergie au sein du cabinet de conseil Colombus, il émet 14 propositions pour "combiner au mieux les deux objectifs de protection contre la crise énergétique et de réalisation de nos engagements pour la sauvegarde du climat". Franceinfo résume ces pistes de réflexion.
Des restrictions "symboliques" pour montrer l'exemple
Eteindre la lumière quand on sort d'une pièce, raccourcir sa douche, baisser la climatisation ou le chauffage sont des gestes "utiles, mais insuffisants", prévient d'emblée le rapport de Terra Nova. L'organisation s'inquiète notamment de l'acceptabilité de ces efforts. "Les Français le disent à chaque baromètre (...) : ils sont prêts à changer leurs modes de vie, à condition qu'il y ait un partage équitable des efforts", expliquait à franceinfo le chercheur Mathieu Saujot mi-août. Terra Nova insiste donc sur le besoin de mesures "très visibles" et "symboliques", même si elles ne touchent qu'une "part limitée" de la demande, pour montrer aux citoyens qu'ils ne sont pas les seuls à être mis à contribution.
Le rapport propose ainsi de marquer les jours où la France manque d'électricité en éteignant les écrans publicitaires et l'éclairage des monuments. Il cible également les secteurs du sport et de la culture, moins pour leur consommation que pour leur capacité à montrer l'exemple. Parmi les évolutions suggérées par le think tank figurent la limitation du recours aux groupes électrogènes lors des festivals, l'interdiction d'organiser certains événements la nuit et un renforcement des engagements à privilégier des transports moins polluant pour les sportifs et les spectateurs (promesse faite dans une charte cosignée par la ministre chargée des Sports en 2020).
Les gestes du quotidien sont abordés, mais par le biais de mesures que pourraient prendre l'Etat pour limiter les trajets domicile-travail en voiture : encourager le télétravail, faciliter les repas sur le lieu de travail via les tickets restaurant ou la création de cuisines, ou encore élargir aux vélos à assistance électrique les avantages fiscaux liés aux véhicules de fonction. A plus long terme, Terra Nova appelle aussi à un plan pour développer le transport ferroviaire, une hausse des malus sur le poids des véhicules ou encore une lutte renforcée contre l'obsolescence programmée.
Une application "plus rigoureuse" des règles existantes
Un autre levier permettant de répondre à court terme à cette crise est "la mise en œuvre concrète et plus rigoureuse de décisions déjà prises", estime également Terra Nova. Le think tank appelle ainsi à faire appliquer l'interdiction des terrasses chauffées, entrée dans la loi depuis fin mars, mais que des établissements ont pu ignorer sans être verbalisés, tout comme l'obligation d'éteindre les enseignes commerciales à partir d'une heure du matin.
Terre Nova plaide aussi pour le respect des règles du Code de l'énergie qui restreignent l'utilisation du chauffage et de la climatisation dans les bâtiments. Cette dernière ne doit pas baisser la température en dessous de 26°C, notamment. Le rapport suggère de commencer par montrer l'exemple dans les collectivités et les administrations. En juillet, Emmanuel Macron a d'ailleurs plaidé pour un effort dans ce domaine, ainsi que sur les éclairages commerciaux.
Le rapport appelle enfin à amplifier les efforts contre les rayons réfrigérés ouverts dans les commerces et la perte d'énergie qu'ils représentent, en fixant l'objectif qu'ils soient tous dotés d'une porte à l'avenir.
Des réductions de prix ciblées sur les plus précaires
Comment protéger les Français de la flambée des prix de l'énergie sans encourager des pratiques polluantes ? On sait la question sensible. Dans son rapport, Terra Nova appelle à une évolution du "bouclier tarifaire" du gouvernement, c'est-à-dire la limitation de la hausse des tarifs de l'électricité et du gaz. Non seulement son "addition commence à être salée", estime le think tank, mais il empêche une hausse des prix qui pourrait "nous inciter, particuliers comme professionnels, aux économies d'énergie et aux investissements d'efficacité". L'organisme regrette l'absence de "ciblage social" le limitant aux plus précaires.
Le rapport préconise donc la fin progressive de ce "bouclier tarifaire", conjuguée à un renforcement du chèque énergie, aide réservée aux ménages dont les revenus sont modestes. Le think tank propose de permettre de convertir ce chèque en argent pour faciliter son utilisation.
Terra Nova suggère aussi de créer un tarif différent, plus bas et fixé par l'Etat, pour les premiers kWh d'électricité utilisés. La quantité correspondrait à la consommation de base des ménages les plus pauvres. L'objectif serait d'assurer à chacun l'accès aux "usages essentiels" de l'électricité.
Un encouragement à consommer hors des pics de demande
Terra Nova propose enfin de populariser à nouveau (et généraliser à tous les fournisseurs) des tarifs évolutifs de l'électricité, entre les heures "creuses" et "pleines", mais aussi entre les jours de tension et ceux où l'approvisionnement est plus simple. Une façon, pour le think tank, d'encourager les citoyens et les entreprises à consommer quand les difficultés sont les moins importantes. Le rapport suggère que les ménages choisissant ces tarifs se voient accorder le chèque énergie, quels que soient leurs revenus, au titre des "services qu'ils ont rendus au réseau". Il plaide aussi pour recalculer les "heures creuses", afin qu'elles collent mieux à la réalité des pics de consommation. Aujourd'hui, ces contrats prévoient huit "heures creuses" par jour, dont la répartition peut varier, mais qui doivent tenir sur les plages 12h-17h et 20h-8h.
Pour informer les Français sur les jours où il est le plus utile d'économiser l'énergie, le rapport imagine aussi de se reposer sur une "météo de l'énergie", qui pourrait être intégrée "aux bulletins météos des chaînes d'information". C'est déjà ce que propose le gestionnaire du réseau, RTE, sur son service EcoWatt. Terra Nova estime que le gouvernement devrait communiquer à son sujet, et encourager les entreprises à s'en servir.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.