Projet de loi sur les énergies renouvelables : on vous explique pourquoi le texte divise les députés
Emmanuel Macron avait fixé le cap à la rentrée de septembre. La France doit aller "deux fois plus vite" sur le déploiement des projets renouvelables, avait jugé le chef de l'Etat. A l'heure où la crise énergétique engendre des craintes de coupures d'électricité cet hiver en France, le gouvernement veut avancer rapidement. Le projet de loi sur les énergies renouvelables, qui arrive à l'Assemblée nationale lundi 5 décembre, doit donner les outils administratifs pour favoriser, entre autres, le développement de l'éolien et du solaire sur le territoire.
Mais, s'il a été adopté au Sénat le 5 novembre par la majorité de droite et du centre, le texte aura plus de difficultés à convaincre à l'Assemblée, où le camp présidentiel ne dispose pas de la majorité absolue. Voici les principaux points de blocage, à gauche comme à droite.
LR veut un droit de veto pour les maires sur les éoliennes
Les sénateurs LR ont voté le texte, mais les députés LR, eux, s'apprêtent à le rejeter en grande partie. Parmi les désaccords se trouve la latitude donnée au conseil municipal pour s'opposer à un projet éolien. Les députés LR avaient déposé un amendement pour garantir un droit de veto aux maires, mais, au Sénat, le gouvernement est parvenu à en faire un dispositif plus général, précise Public Sénat. Au lieu d'obtenir un droit de veto, les municipalités pourront définir les zones géographiques sur lesquelles elles autorisent l'installation d'éoliennes. Ce dispositif, auquel le gouvernement ne veut pas renoncer, ne convainc toutefois pas le chef de file des LR à l'Assemblée, Olivier Marleix.
"Ce que ce texte va surtout relancer, c'est l'éolienne allemande et le panneau photovoltaïque chinois", a-t-il déclaré dans Le JDD, dénonçant "des kilomètres de paysages défigurés par les éoliennes" en Allemagne. En l'état, le député n'appelle donc pas à voter le texte, qui "part assez mal", selon lui. "Voir les LR de l'Assemblée aller à l'encontre des LR du Sénat, c'est toujours surprenant", grince le rapporteur Renaissance Pierre Cazeneuve auprès de l'AFP.
Autre point de blocage avec l'exécutif : la distance d'installation d'éoliennes en mer, que LR voudrait exclure à moins de 40 km des côtes. Même si le Sénat a abandonné cette disposition, le groupe LR veut la réintroduire dans le texte. Enfin, Olivier Marleix est opposé à l'installation de toitures en panneaux photovoltaïques au-dessus des parkings de plus de 80 places et défend d'autres sources d'énergie, comme l'hydrogène vert ou la géothermie, délaissées selon lui par l'exécutif.
De son côté, le RN est aussi opposé au texte. Auprès de l'AFP, le député Pierre Meurin qualifie ainsi les éoliennes d'"énergies intermittentes qui nous rendent dépendants de la météo en plus d'être dépendants d'autres pays".
Au sein de la Nupes, écologistes et socialistes posent leurs conditions
Pour faire face à l'opposition de la droite, le gouvernement se tourne davantage vers les élus de la Nupes, qui en profitent pour poser leurs conditions. "C'est la première fois qu'il y a une vraie discussion, et pas seulement une mise en scène de discussions", a déclaré la présidente du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain, au Monde. "Le gouvernement n'a pas le choix, il est obligé de faire avec nous s'il veut que sa loi soit adoptée", avance encore le député écologiste Charles Fournier auprès de Mediapart.
Les discussions semblent aussi avancer avec le Parti socialiste. "Nous sommes prêts à voter ce texte", assure Boris Vallaud, le président du groupe PS à l'Assemblée, dans le HuffPost, avec deux prérequis : "réguler le déploiement des panneaux solaires sur les terres agricoles" et "la répartition de la valeur" des projets renouvelables sur les territoires.
Le gouvernement assure prendre en compte les exigences des députés écologistes et socialistes. La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a assuré dans Le JDD les rejoindre dans leur volonté d'utiliser "au maximum les zones déjà artificialisées pour installer des EnR [énergies renouvelables] : toitures, parkings, le long des voies ferroviaires et fluviales..." "Et nous travaillons à la mise en place d'un médiateur des EnR, proposé par les écologistes", a encore fait valoir la ministre.
Mais, au sein de la Nupes, les communistes sont opposés à ce texte et dénoncent, à l'instar du sénateur Fabien Gay sur Public Sénat, une mainmise du secteur privé sur le marché de l'énergie. Le groupe LFI fustige également un projet "qui vise en premier lieu à faciliter les affaires des promoteurs privés". L'exécutif espère obtenir a minima l'abstention de la part de LFI pour pouvoir faire passer le texte, selon un élu de la majorité qui a suivi le parcours de la loi.
La possible réintroduction de l'article 4 crispe les oppositions
Un article a focalisé l'attention contre le projet, à gauche comme à droite et à l'extrême droite : l'article 4. Il prévoit une reconnaissance de "raison impérative d'intérêt public majeur" pour les projets renouvelables. Cette disposition limite la possibilité de recours juridiques et inquiète les élus de tous bords. Elle a d'ailleurs été supprimée lorsque le texte a été examiné en commission développement durable.
Selon Le Monde, le gouvernement va présenter une réécriture de cet article. "Les écologistes et LFI sont là face à leur propre paradoxe : ils veulent 100% d'EnR, mais ils ne veulent pas toujours se donner les moyens d'aller vers cet objectif", dénonce le rapporteur du texte et député Renaissance, Pierre Cazeneuve, dans Le Monde. Plusieurs personnalités regrettent aussi que le groupe écologiste se soit prononcé contre cet article, dans une tribune publiée par Libération. "Les énergies renouvelables sont bien 'd'intérêt public majeur'", affirment-elles.
L'exécutif affiche malgré tout sa confiance. Lors de l'examen en commission, "nous avons repris des propositions des députés, en particulier de gauche et de LIOT (Liberté, Indépendants, Outre-mer et Territoires)", a fait valoir Agnès Pannier-Runacher dans Le JDD. "Toutes les conditions sont réunies pour qu'ils votent ce texte", a-t-elle plaidé. L'exécutif, qui ne dispose que d'une majorité relative au Palais Bourbon, invoque l'expérience du "compromis" trouvé au Sénat, où le texte a été largement adopté avec l'appui de la droite. "J'ai confiance dans la représentation nationale et je vois qu'un accord assez large a été trouvé au Sénat. Donc, je suis confiant", a assuré Emmanuel Macron samedi au Parisien.
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