Boeing 787 cloués au sol : quelles conséquences pour l'industrie aéronautique ?
A la suite de divers incidents, les Dreamliner sont interdits de vol. Une mesure qui pourrait coûter des millions de dollars au constructeur et aux compagnies.
Un fiasco mondial. Les débuts du Boeing 787, surnommé "Dreamliner", sont en train de devenir un cauchemar pour la firme américaine. Mis sur le marché avec trois ans de retard, il y a un an et demi, ce modèle est temporairement interdit de vol sur toute la planète depuis jeudi 17 janvier, en raison de multiples incidents mettant en cause, notamment, le circuit électrique de l'appareil.
Une enquête visant les batteries au lithium a été ouverte et pourrait prendre plusieurs semaines, selon le fabricant japonais GS Yuasa. Des semaines précieuses pour le constructeur américain, dans un secteur industriel où la sécurité est au cœur des préoccupations. Quelles conséquences vont avoir ces déboires pour le géant de l'aéronautique et ses sous-traitants ? Son principal concurrent, Airbus, peut-il en profiter ? Eléments de réponse.
A court terme : des actions en baisse
La première conséquence économique directe de ces interdictions de vol intervient sur les marchés. Boeing, d'abord, a perdu 3,38% mercredi, à Wall Street. A l'ouverture, jeudi, l'action perdait à nouveau 2%. Egalement sanctionné, le groupe français Thales. L'enquête vise en effet le système d'alimentation électrique assemblé par le groupe d'électronique et de défense. Son titre a reculé à la Bourse de Paris jeudi midi, perdant 0,77%, à 25,81 euros.
"Les difficultés de Boeing ne devraient pas affecter l'ensemble de la chaîne des sous-traitants si l'enquête en cours permet de définir rapidement (...) que seul un défaut technique est à la source des incendies observés sur les batteries", selon un analyste financier. Ce dernier rappelle que parmi les sous-traitants français du Dreamliner, figurent, outre Thales, Dassault Systèmes, Metrologic Group, Zodiac Aerospace, Latécoère et Michelin. "Si l'enquête devait se prolonger, cela créerait des difficultés pour l'ensemble de l'écosystème", prévient-il toutefois.
A moyen terme : de possibles indemnisations pour les compagnies
A l'heure actuelle, une cinquantaine de Boeing 787 sont sur le marché, dont la moitié rien qu'au Japon. Huit compagnies en détiennent. "Si la suspension de l'exploitation du Boeing 787 se prolonge trop, l'impact pourrait s'en ressentir sur nos bénéfices", a averti un responsable de Japan Airlines, sans fournir de données chiffrées. L'autre grande compagnie japonaise, All Nippon Airways, estime quant à elle que ces déboires pourraient lui coûter 1,1 million de dollars par jour (820 000 euros), selon Reuters.
"Il est à peu près certain que les compagnies aériennes concernées dans le monde vont demander un dédommagement, explique à francetv info Renan Choyer, analyste financier spécialisé dans l'industrie aéronautique et blogueur. C'est en effet au constructeur de garantir la tenue de l'avion. Cela dit, le montant d'indemnisations est encore impossible à chiffrer puisqu'il dépendra, entre autres, de la durée d'immobilisation des appareils." Il pourrait être question de plusieurs millions de dollars.
A long terme : une aubaine pour Airbus ?
L'industrie aéronautique civile est un duopole, qui opposent l'américain Boeing et l'européen Airbus. Le malheur de l'un fait-il le bonheur de l'autre ? Jeudi matin, Airbus a affirmé publiquement son soutien à son concurrent. "Je souhaite le meilleur à notre collègue. Un avion est conçu pour voler. (...) Je ne parie pas sur les difficultés d'un concurrent", a affirmé Fabrice Brégier, le patron d'Airbus, lors d'une conférence de presse dans son fief industriel de Toulouse.
Ce qui n'a pas empêché l'européen d'annoncer, le même journée, la livraison de 600 avions en 2013, un record pour la firme. "Indirectement, l'image de marque de Boeing est affectée. Il s'agit du pire lancement d'un avion Boeing depuis des décennies, poursuit Renan Choyer. Or, dans ce secteur, la crédibilité et la fiabilité des appareils sont des éléments cruciaux. De ce point de vue là, Boeing n'a pas eu le succès escompté."
Si l'enquête en cours révèle des défaillances de la part de Boeing, les compagnies ayant commandé des Dreamliner pourront, si elles le souhaitent, casser le contrat et se tourner par exemple vers l'A350, modèle approchant qui entrera en service en 2014. Mais il est encore trop tôt pour faire des pronostics. "Il ne faut pas oublier que les Boeing 787 avaient obtenu le feu vert des agences de sécurité américaines et européennes", conclut l'analyste. L'industrie aéronautique pratique la course de fond. Dans l'affaire des batteries déficientes, elle entame juste une nouvelle étape.
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