Rachat d'Alstom : comment General Electric tente de séduire les Français
Le groupe américain, en concurrence avec le tandem Siemens-Mitsubishi, déploie une redoutable campagne de communication pour s'assurer la victoire. Décryptage.
Le groupe General Electric veut racheter les activités énergie d'Alstom, et il le fait savoir. L'entreprise américaine déploie depuis plusieurs semaines un important dispositif pour séduire le public et le gouvernement français. La concurrence avec le tandem Mitsubishi-Siemens est rude, chacun ayant dû améliorer son offre, à la demande de l'exécutif. Voici comment General Electric tente de remporter la partie en se plaçant sur le terrain de la conquête de l'opinion.
Une campagne de pub XXL
Si General Electric (GE) rachetait cette portion d'Alstom, l'entreprise réaliserait la plus grosse acquisition de son histoire. La direction dépense donc des millions pour préparer le terrain, à travers une campagne de publicité de grande ampleur. Le 30 mai, note L'usine nouvelle, GE s'est offert une pleine page dans plusieurs grands quotidiens, sous le slogan "Construisons ensemble le futur". L'entreprise a aussi diffusé des publicités, à la radio et à la télévision, vantant son attractivité et ses relations privilégiées avec la France. L'une d'entre elles a même eu le privilège d'être calée juste avant un match des Bleus, un des créneaux les plus chers du paysage audiovisuel français.
Pour toucher le plus de public possible, GE a aussi réorienté sa communication sur les réseaux sociaux, avec des publicités sur Facebook, des tweets ciblant l'activité du groupe en France et des vidéos promotionnelles sur YouTube, comme ce spot consacré à l'une des employées françaises de GE. Au passage, la voix off nous apprend comment on prononce "GE" quand on est un familier de la boîte : "djii".
"General Electric est un nom connu, mais beaucoup de Français ne savent pas ce qu’il y a derrière, justifie un cadre du conglomérat, cité par Le Monde (article payant). Le dossier Alstom étant sur la place publique, il nous a semblé important de rappeler que nous sommes un groupe très implanté en France, où nous employons plus de 10 000 personnes." Le quotidien précise que cette campagne "a été entièrement pilotée depuis les Etats-Unis (...) par l’agence new-yorkaise BBDO, une filiale de l’Américain Omnicom qui travaille depuis 1920 avec GE".
Une lettre de soutien d'industriels français
General Electric ne se prive pas non plus de l'appui de la société civile. Dans une lettre à François Hollande, adressée par le président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) du Territoire de Belfort, fief de GE en France, les industriels de l'énergie se disent favorables au rapprochement entre Alstom et GE.
La CCI et les Chambres de métiers et de l'artisanat se sont, elles aussi, offert une demi-page dans Les Echos, rappelle La Tribune.fr. Cette demi-page, titrée "l'appel des 100 PME pour l'emploi", leur permettait d'afficher leur soutien au projet de GE.
Le lobbying de Clara Gaymard
Autre atout de GE, la présidente de sa filiale française, Clara Gaymard. La chef d'entreprise est intervenue régulièrement dans les médias (RTL, France Info, i-Télé...) pour défendre le projet initié outre-Atlantique. Son profil de "poisson-pilote" correspond bien à la tâche qui lui est assignée, explique Le Monde (article payant). "Après avoir vanté les atouts de la France aux Américains, elle doit 'vendre' GE comme une entreprise française, note Jean-François Cirelli, vice-président de GDF Suez. Et elle le fait jusqu'au bout."
Le patron d'un grand groupe français, cité par le journal, renchérit : "C'est une très bonne lobbyiste." Ainsi, lorsque François Hollande a annulé son rendez-vous fin avril avec Jeffrey Immelt, président de GE, Clara Gaymard a été chargée de "mettre de l'huile dans les rouages" et d'assurer la bonne continuation du processus de rachat.
Une offre améliorée ciblée "Made in France"
Sur le fond aussi, GE a quelque peu dû rendre son offre plus franco-compatible. Face à l'offre concurrente de Siemens et Mitsubishi, présentée en début de semaine, le géant américain a dû améliorer sa proposition. Il prévoit dorénavant de former avec Alstom "une alliance mondiale dans le nucléaire et française pour les turbines à vapeur en France" afin de garantir que la technologie utilisée dans les centrales nucléaires "reste française".
Le conglomérat propose en outre de créer deux coentreprises en France dans les activités liées aux réseaux d'électricité et aux énergies renouvelables. Elles seraient détenues à parité avec Alstom. Le patron de GE, Jeffrey Immelt, assure que le rachat d'une partie d'Alstom "créera de la croissance dans les régions françaises", comme il l'indiquait sur France 2, fin avril. "Je viens avec l'esprit d'un investisseur à long terme", dit-il.
Ces garanties seront-elles jugées suffisantes par le gouvernement ? Manuel Valls a rappelé que les deux offres seraient évaluées à l'aune de trois critères : la préservation des intérêts stratégiques de la France, le maintien des centres de décision du groupe en France et la défense de l'emploi. En définitive, ce sera à Alstom de trancher entre GE et le tandem Siemens et Mitsubishi. La date limite est fixée au lundi 23 juin.
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