Faillite de la Silicon Valley Bank : pourquoi le secteur bancaire français ne craint pas d'effet domino
"Calmez-vous, calmez-vous et regardez la réalité !" Ce sont les mots lancés lundi 13 mars par Bruno Le Maire aux investisseurs. Le ministre de l'Economie et des Finances, interrogé à Bruxelles sur la chute des actions bancaires européennes, a tenté de rassurer après la faillite de la banque américaine Silicon Valley Bank (SVB).
>> Quatre questions sur la faillite de la Silicon Valley Bank
Depuis que la SVB a été fermée, vendredi 10 mars, par les autorités américaines, les banques sont malmenées en Bourse. Les actions de BNP Paribas et celles de la Société générale ont plongé de plus de 6% lundi, celles du Crédit agricole a baissé de 3%. Alors pour rassurer les investisseurs, les déclarations rassurantes se multiplient.
"Je ne vois pas de risque de contagion, donc il n'y pas d'alerte spécifique", a poursuivi Bruno Le Maire sur franceinfo. Les banques françaises "ne sont pas exposées", a également affirmé une porte-parole de la Banque de France lundi. Pour finir, la Fédération bancaire française (FBF) a indiqué qu'elle "souscrivait" aux déclarations de la Banque de France et de Bercy.
Franceinfo vous explique pourquoi la faillite de la Silicon Valley Bank n'inquiète pas le secteur bancaire français.
Parce que les autorités ont rapidement réagi
Priorité, éteindre le feu. Tout le week-end, les autorités américaines ont multiplié les annonces et les mesures d'urgence. Elles ont assuré aux clients de la Silicon Valley Bank qu'ils pourraient retirer l'intégralité de leur argent, alors que les dépôts n'étaient garantis qu'à hauteur de 250 000 dollars.
Le premier objectif était d'éviter une vague de panique sur les marchés. Car le risque d'un "bank run", c'est-à-dire de retraits en masse aux effets potentiellement dévastateurs, planait. Pour anticiper et rassurer, la Fed – la banque centrale américaine – s'est même engagée à prêter les fonds nécessaires à d'autres banques qui en auraient besoin pour honorer les demandes de retraits de leurs clients.
Les Américains peuvent "avoir confiance" dans leur système bancaire, a assuré lundi le président américain Joe Biden, qui a promis de faire tout ce qui est nécessaire pour qu'il reste "solide". "Nous apprécions et prenons note de l'initiative prise par les autorités américaines pour éviter une contagion aux États-Unis", a commenté Paolo Gentiloni, le commissaire européen aux affaires économiques.
Parce que la SVB était une banque spécialisée
Une banque spécialisée, pour des impacts limités ? Selon Eric Delannoy, spécialiste du secteur bancaire, la Silicon Valley Bank n'est pas une banque systémique qui risquerait d'entraîner tout le secteur dans sa chute. "Il ne peut pas y avoir de contagion", estime-t-il sur franceinfo, car la SVB est une "banque régionale (...) très limitée dans son spectre d'intervention". Les établissements bancaires français ont "des secteurs d'activité très diversifiés", a expliqué Bruno Le Maire, à la différence de la Silicon Valley Bank.
En effet, la Silicon Valley Bank s'était spécialisée dans le financement des start-up, même si elle était devenue la 16e banque américaine par la taille de ses actifs. D'après Eric Delannoy, cette spécialisation dans la tech limite l'impact de sa faillite.
"On est très loin de 2008 où toutes les banques étaient concernées pour des problèmes en lien avec le marché immobilier, relayés par Lehman Brothers, une banque cinq fois plus importante et qui était le banquier mondial."
Eric Delannoy, spécialiste du secteur bancairesur franceinfo
Son analyse est partagée par d'autres spécialistes. Les problèmes rencontrés par la banque "sont très spécifiques" et ne sont pas de nature "à affecter l'ensemble du secteur bancaire, encore moins les grandes banques", abonde Ken Leon, analyste pour le cabinet CFRA, au micro de BFMTV.
Parce que les banques françaises se portent bien
Le risque, c'est que la faillite de la Silicon Valley Bank engendre un mouvement de panique. Les clients des banques perdraient alors confiance et risqueraient de tous vouloir retirer leur argent en même temps. Face à ce risque, le secteur bancaire français a au moins un avantage. Il dispose de beaucoup de liquidités, c'est-à-dire de sommes disponibles immédiatement. "Nous avons un système bancaire qui est solide" et "un ratio de liquidités qui est élevé", a martelé Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie et des Finances. Le secteur bancaire se porte bien, avec "des records de bénéfices" et suffisamment de ressources pour faire face, confirme Eric Delannoy.
Ces spécificités ne protègent pas pour autant les banques européennes – et françaises – du rehaussement des taux d'intérêts. "L'exposition face au changement des décisions des banques centrales reste effectivement la même aux Etats-Unis qu'en France", explique Yamina Tadjeddine, professeure de sciences économiques à l'université de Lorraine, à franceinfo. La remontée des taux d'intérêt, qui tire à la baisse la valeur des obligations d'Etat détenues par les banques, est "le point de départ" de la faillite de la SVB, selon elle. Pour résumer, de part et d'autre de l'Atlantique, si une banque est forcée de vendre ces obligations au mauvais moment, elle pourrait perdre beaucoup d'argent.
Parce que les règles sont plus strictes qu'en 2008
Depuis la crise économique mondiale de 2008, les réglementations des banques et les leviers d'action des banques centrales ont évolué. Une des conseillères économiques de la Maison Blanche, Cecilia Rouse, a souligné que le secteur était "fondamentalement différent de ce qu'il était il y a dix ans". "Il ne faut pas oublier ce que les banques centrales, entre la crise des subprimes et aujourd'hui, sont devenues, les instruments d'action assez massifs qu'elles ont développés, leur coordination... On n'est plus dans le monde de 2008", a assuré l'économiste Frédéric Farah sur BFMTV.
D'autant que le secteur bancaire est plus réglementé en Europe, notamment avec l'application de ratios, pour les banques européennes, entre les activités financières et bancaires. "A ce titre-là, on peut dire que les banques européennes sont un peu plus protégées", explique Yamina Tadjeddine. Aux Etats-Unis, "on avait une réglementation allégée mise en place sous la présidence Trump", souligne la professeure d'économie.
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