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Les cryptomonnaies au cœur des activités de blanchiment et de criminalité du renseignement financier

Selon un rapport de Tracfin que franceinfo a pu consulter en avant-première, la cellule de renseignement de Bercy dresse "l’état de la menace" lié au financement des activités criminelles et du blanchiment d'argent sale.
Article rédigé par Pierre de Cossette
Radio France
Publié Mis à jour
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Logo Tracfin, service de renseignement placé sous l'autorité du Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. (Tracfin)

Dans un rapport qui doit être rendu public mardi 10 octobre et que franceinfo a pu consulter, Tracfin, la cellule de renseignement de Bercy, dresse "l’état de la menace", et met en avant le rôle des cryptomonnaies, à la fois pour financer des activités criminelles et pour blanchir l’argent sale. De manière imagée, Guillaume Valette-Valla, le directeur de Tracfin, résume à franceinfo la bascule qui s’est opérée ces dernières années : "Il y a 34 ans, pour lutter contre le blanchiment de capitaux, c'était à la frontière : le douanier demandait l'ouverture d'un sac et qui découvrait des Francs... Depuis quatre ou cinq ans, il y a l'émergence de la crypto"

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Ce rapport du service de renseignement de Bercy peu connu du grand public - il est pourtant l’alter-ego de la DGSI ou la DGSE au ministère de l'Économie - liste une trentaine de cas-types de circuits de blanchiments de capitaux observés par les agents de Tracfin, qui ont donné lieu après analyses et recherches à 3.000 notes, dont plus de 500 transmises à la justice. Si les circuits "traditionnels" de blanchiment, via des achats immobiliers, par exemple, sont toujours présents, les cryptoactifs s’imposent peu à peu, notamment pour blanchir les fonds extorqués après des cyber-attaques via des rançongiciels. Le rapport prend l’exemple d’une rançon de trois millions d’euros exigée par les "attaquants" auprès de l’entreprise ciblée, sous forme de bitcoins.

Sur un schéma assez détaillé, figure la mécanique : il y est question de "peeling chain", technique qui vise à diviser la rançon en petites sommes et les transférer vers des intermédiaires. En bout de chaîne, une partie des fonds est reconvertie en devises "classiques", et l’autre sert, toujours sous forme de cryptomonnaies, afin "d’acquérir des services utiles au réseau criminel", comme des fausses pièces d’identité, précise le rapport.

"Follow the money"


Car les cryptomonnaies sont une fin et un moyen : on les trouve dans le domaine de la lutte contre le trafic de vidéos pédopornographiques. "Évidemment, aujourd'hui, on ne va pas donner son code de carte bleue quand on veut voir ce type de crime en direct", analyse Guillaume Valette-Valla. Tout comme "on ne va pas envoyer un chèque avec son nom pour aider un terroriste qui est sur zone dans le nord de la Syrie", ajoute le patron de Tracfin. En octobre 2022, un Français de 42 ans avait été mis en examen pour "association de malfaiteurs terroriste", soupçonné de s'être rendu en Syrie et de financement du terrorisme à base de cryptomonnaies.

Depuis 1990 et sa création, les agents de Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin) essaient de suivre les cheminements de l’argent. "On voyage comme l'argent voyage à chaque seconde à travers la planète, de façon dématérialisée et instantanée, explique Guillaume Valette-Valla. En anglais, on dit 'follow the money' : en suivant l’argent, on suit le criminel ou le terroriste".

170.000 "déclarations de soupçons"


À Tracfin, une enquête ne part pas forcément de flux financiers colossaux. Le directeur de la cellule de renseignement prend l’exemple de la pédocriminalité : "Regarder un viol en direct en Asie du Sud-Est depuis la France, c'est quelques dizaines d'euros", constate-t-il. "Nous avons développé des outils en interne d'intelligence artificielle pour être capable de détecter les signaux faibles qui nous permettent, à partir de petites transactions, de faire les liens que le criminel va vouloir opacifier."

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En 2022, Tracfin a été destinataire de 170.000 "déclarations de soupçons", de la part de banques, d’études de notaires, d’administrations ou de ses alter-ego à l’étranger. Il peut s’agir d’un agent immobilier ou un employé au guichet d'une banque qui va avoir un doute sur l'opération qu’il va faire, parce qu'il ne va pas très bien comprendre l'objet de cette opération, l'identité de celui qui l'a fait, le bénéficiaire de cette opération. "On peut partir d'une suspicion d'un abus de faiblesse sur une personne âgée qui voit son compte liquidé par l'infirmière qui travaille à son domicile, détaille Guillaume Valette-Valla. Et aboutir à un dossier d'une personne qui participe au financement d'un réseau terroriste".

Des agents sous identité protégée

La cellule, qui compte aujourd’hui près de 250 agents, cultive le secret : pas d’organigramme accessible, des collaborateurs dont l’identité est protégée : "Leur métier est dangereux, les informations qu'ils connaissent sont des informations très sensibles et donc ils doivent être protégés dans l'exercice de leur mission", explique Guillaume Valette-Valla.

Les agents de Tracfin, une fois destinataires de signalements, ont accès à de très nombreuses données pour confirmer ou infirmer les suspicions ; ils ont aussi droit à certaines techniques de renseignements, dont des écoutes.

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