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De l'Islande à la Société générale, l'onde de choc des "Panama Papers"

De la Société générale en France à David Cameron en Angleterre, ces documents confidentiels sur les sociétés offshore ont mis beaucoup de monde dans l'embarras.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 11min
Des manifestants demandent la démission du Premier ministre islandais, lundi 4 avril à Reykjavik, après sa mise en cause dans l'enquête sur les "Panama Papers". (MAXPPP)

Dimanche 3 avril, le Consortium international des journalistes d'investigation levait le voile sur les "Panama Papers", un fichier contenant plus de 11 millions de documents sur le cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca, et mine d'informations sur le business des sociétés offshore. Cinq jours plus tard, le scandale a secoué les gouvernements et embarrassé nombre de responsables et d'entreprises. Francetv info fait le point sur l'onde de choc de ces révélations et sur leurs conséquences.

Les Islandais obtiennent la tête de leur Premier ministre

Avant les "Panama Papers", Sigmundur David Gunnlaugsson était le jeune Premier ministre de l'Islande, à l'ascension rapide, élu en grande partie pour ses déclarations enflammées contre la finance. Une image qui vole en éclats quand les Islandais apprennent avec stupeur qu'il a placé, avec sa femme, des millions de dollars dans une société offshore aux îles Vierges britanniques. Embarrassé par les questions d'une équipe de télévision suédoise sur le sujet, il se lève et quitte la salle, dans une séquence surréaliste.

Lundi, entre 8 000 et 22 000 manifestants (soit 6,7% de la population totale de l'île) se rassemblent devant le Parlement, et le monde découvre cette coutume islandaise de lancer du fromage blanc pour manifester son mécontentement. Sur la défensive, Sigmundur David Gunnlaugsson se met en retrait de son poste, devenant le premier chef de gouvernement victime des "Panama Papers", et pour l'instant le seul. Un nouveau Premier ministre est investi et des élections législatives anticipées sont annoncées à l'automne, mais le scandale continue : les ministres des Finances et de l'Intérieur, également pris dans le scandale, restent en poste, et les manifestants réclament une dissolution immédiate. Quant à Gunnlaugsson, il entend redevenir député et conserver la présidence de son parti.

Le président argentin est visé par une enquête

Il avait été élu, en novembre dernier, sur la promesse de convaincre les Argentins de rapatrier leurs capitaux placés à l'étranger : Mauricio Macri, président de l'Argentine, est dans le viseur de la justice. Dans les documents de Mossack Fonseca, son nom apparaît lié à deux sociétés offshore, propriétés de son père. Il a notamment été désigné – "ponctuellement", dit-il – comme le dirigeant de l'une d'elles, basée aux Bahamas.

Des manifestants demandent la destitution du président argentin Mauricio Macri, cité dans l'enquête sur les "Panama Papers", devant le siège de l'exécutif à Buenos Aires, le 7 avril 2016. (JUAN MABROMATA / AFP)

Jeudi, un procureur ouvre une enquête pour éclaircir ses liens avec ces deux entreprises. Mauricio Macri assure qu'il n'a jamais été actionnaire de ces structures et n'était donc pas tenu de les déclarer au fisc argentin. Il promet de transmettre les documents nécessaires à la justice. Ce qui n'empêche pas un député de l'opposition de déposer une plainte contre lui pour évasion fiscale.

David Cameron est dans l'embarras

Si le Premier ministre britannique n'apparaît pas dans les "Panama Papers", on y trouve le nom de son père, Ian Cameron, mort en 2010. Pendant trente ans, celui-ci a dirigé un fonds domicilié aux Bahamas, lui permettant de ne pas payer d'impôts sur les bénéfices. Lundi, Downing Street estime que l'affaire est "une question privée". Puis David Cameron assure, mardi, qu'il ne possède pas d'actions dans ce fonds. Mercredi, sa porte-parole affirme qu'il n'y a pas non plus de fonds offshore pouvant lui bénéficier dans le futur.

David Cameron lors d'une séance de questions, le 5 avril 2016 à Birmingham (Royaume-Uni), durant laquelle il a affirmé ne pas détenir d'actions dans le fond offshore de son père. (REUTERS)

Ce n'est que jeudi que David Cameron finit par avouer qu'il détient des parts dans ce fonds, vendues juste avant qu'il ne devienne Premier ministre, pour environ 37 000 euros, soit 19 000 euros de bénéfices. Une somme sur laquelle il assure avoir payé des impôts au Royaume-Uni. Il a aussi reçu environ 370 000 euros d'héritage de son père. Cet argent provenait-il en partie de ce fonds caché au fisc ? "Je ne peux évidemment pas connaître la source de chaque livre sterling, et papa n'est plus là pour que je lui pose la question", reconnaît le Premier ministre. Celui-ci espère sans doute clore la polémique par cet aveu, mais certains de ses adversaires travaillistes s'empressent de demander sa démission et de dénoncer son hypocrisie au sujet de l'évasion fiscale.

La Fifa une fois de plus éclaboussée par des scandales

Elu il y a un mois, le nouveau président de la Fifa, Gianni Infantino, est déjà cité dans une affaire. Mercredi, la justice perquisitionne le siège de l'UEFA, dont il est un ancien dirigeant, au sujet d'un contrat signé en 2006 avec une société offshore, sur lequel son nom apparaît en tant que directeur des services juridiques. L'accord portait sur la vente des droits de la Ligue des champions, entre 2006 et 2009, pour le marché équatorien. Mais Gianni Infantino n'a pas signé ce document, et il assure n'avoir eu connaissance d'aucune activité illégale de la part de ce partenaire. "Je suis consterné et n'accepterai pas que mon intégrité soit mise en doute par certains médias", réplique-t-il. Mais en termes d'image, le mal est fait.

Plus gênant pour la Fifa : les "Panama Papers" entraînent la démission d'un membre… de son comité d'éthique. L'Uruguayen Oscar Damiani et son cabinet d'avocats auraient travaillé pour de nombreuses sociétés offshore, dont certaines sont liées à plusieurs personnages inquiétés par la justice dans le cadre du scandale de corruption de la Fifa. Oscar Damiani, désormais la cible d'un enquête de son ancien employeur, dément ces révélations.

Le Panama va redevenir un paradis fiscal pour la France

Pays de la firme Mossack Fonseca, le Panama est sous pression, même si la majorité des sociétés offshore citées dans les "Panama Papers" n'y sont pas domiciliées. Le pays, retiré en 2011 de la liste noire des pays "non-coopératifs" avec le fisc français, va y être réinscrit, a annoncé Michel Sapin, mardi. Ce changement doit intervenir "dans quelques jours", explique le ministre du Budget, Christian Eckert, qui affirmait à "Cash Investigation", avant le scandale, que cette décision était déjà prévue.

Mais le Panama pourrait changer de position sous la pression, et sa vice-présidente dit avoir entamé des discussions avec l'OCDE pour mettre en place un meilleur échange des informations fiscales avec les pays membres. La justice panaméenne a aussi ouvert une enquête sur les révélations des "Panama Papers".

En France et ailleurs, on questionne les banques

L'Autorité de contrôle prudentiel, chargée de la régulation des banques en France, a demandé des informations complémentaires à celles-ci sur "leurs activités dans les pays considérés comme des paradis fiscaux", à la lumière des "Panama Papers". Au Royaume-Uni, le gendarme des banques leur a demandé de lui détailler leurs liens avec le cabinet Mossack Fonseca. Des enquêtes judiciaires ont également été ouvertes dans de nombreux pays, dont la France.

La Société générale est accusée d'avoir menti

Selon Le Monde, la banque française est dans le top 5 de celles qui ont ouvert le plus de sociétés offshore avec la collaboration de Mossack Fonseca : 979 entre 1977 et 2015. Une activité "totalement transparente", se défend la direction. Problème : comme le montre "Cash Investigation", le patron de la Société générale, Frédéric Oudéa, affirmait en 2012 que la banque avait "fermé ses implantations" dans les paradis fiscaux. Le tout dans une audition devant une commission d'enquête du Sénat, où le dirigeant avait fait serment de dire "toute la vérité". S'il a menti, il s'expose à de lourdes peines.

Le patron de la Société Générale, Frédéric Oudéa, au siège de la banque à La Défense (Hauts-de-Seine), le 11 février 2016. (ERIC PIERMONT / AFP)

Si la Société générale a bien fermé de nombreuses structures avant et depuis cette audition, près d'une centaine restent actives, selon les documents consultés par Le Monde. "Les structures auxquelles il est fait référence dans les médias ne sont pas détenues par la Société générale mais par des clients", se défend la banque. Le groupe communiste au Sénat annonce tout de même son intention de saisir le bureau du Sénat pour que Frédéric Oudéa soit poursuivi pour faux témoignage.

La banque riposte en justice, en annonçant des plaintes en diffamation, non pas contre Le Monde ou les sénateurs, mais contre Jean-Luc Mélenchon, qui a qualifié ses dirigeants de "menteurs", ainsi que son ancien trader Jérôme Kerviel et l'avocat de celui-ci, David Koubbi. Jérôme Kerviel a en effet adressé quelques tweets moqueurs à la banque au sujet des "Panama Papers".

Plusieurs affaires françaises sont relancées

De nombreux protagonistes de l'affaire Guérini apparaissent dans les "Panama Papers", qui détaillent des montages financiers dont les enquêteurs soupçonnaient déjà l'existence. La justice travaille depuis 2009 sur cette affaire qui mêle marchés truqués, blanchiment d'argent, trafic d'influence et détournement de fonds publics, et implique l'ex-président socialiste du conseil général des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini.

Les documents de Mossack Fonseca confirment également que le bras droit du couple Balkany a enregistré la société propriétaire d'un riad de Marrakech dont la justice pense qu'il appartient en réalité au maire de Levallois. Ils dévoilent également que c'est Mossack Fonseca qui a créé le compte caché de Jérôme Cahuzac, avant de mettre fin à sa collaboration avec la société-écran Cerman Group quand elle a compris qu'un ministre français, "personnalité politiquement exposée", était son bénéficiaire réel.

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