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Grève aux urgences : comment Agnès Buzyn tente une nouvelle fois de sortir de la crise

Alors qu'un mouvement social touche les services d'urgences depuis bientôt six mois, la ministre de la Santé doit annoncer lundi de nouvelles mesures pour soulager des personnels hospitaliers au bord de la rupture. 

Article rédigé par franceinfo
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La ministre de la Santé Agnès Buzyn, le 2 septembre 2019, à Poitiers. (JEAN MICHEL NOSSANT / SIPA)

Bis repetita. Pour la troisième fois en six mois, Agnès Buzyn doit annoncer, lundi 9 septembre, un plan pour tenter de sortir de la crise des urgences. Selon le collectif Inter-Urgences, 249 sites étaient encore en grève vendredi – tout en continuant d'assurer les soins. La première série de mesures annoncées par le gouvernement en juin, puis la nouvelle salve d'engagements pris la semaine dernière, n'ont pas empêché le mouvement de s'étendre. 

"La prime Buzyn [de 100 euros par mois] a eu l'effet inverse de celui escompté : elle a montré que c'était possible" de faire des efforts financiers, explique Hugo Huon, le président du collectif Inter-Urgences. Désormais, les grévistes espèrent des changements d'ampleur pour sortir de l'impasse.

Dans un exercice d'équilibre entre maîtrise budgétaire et volonté de répondre aux revendications des soignants, la ministre de la Santé doit présenter lundi après-midi un nouveau "plan d'actions" avec l'espoir d'apaiser un mouvement social qui dure depuis de longues semaines.

Un véritable effort financier 

Ni la prime mensuelle de 100 euros net versée depuis juillet aux infirmiers et aides-soignants, ni les 15 millions d'euros débloqués pour recruter des renforts estivaux n'ont apaisé la colère de ces dernières semaines. "Nier la réalité ne la fera pas disparaître : l'hôpital public est sous-doté, sous-financé (3,6% du PIB contre 4% ailleurs en Europe). Il faut investir ou fermer !" alerte un collectif de médecins hospitaliers lundi dans Libération. Cette fois, la ministre de la Santé a promis sur franceinfo qu'il y aurait "un budget dédié pour régler la crise des urgences".

Je vais mettre de l'argent dans des solutions pérennes, restructurantes, qui vont régler le problème des urgences sur le long terme.

Agnès Buzyn

sur franceinfo

Le gouvernement souhaite donc marquer les esprits. Selon Les Echos, le budget prévu par le gouvernement devrait dépasser 600 millions d'euros sur trois ans. Pour se faire une idée, la France consacre 200 milliards d'euros à ses dépenses de santé chaque année, dont environ 70 milliards d'euros pour l'hôpital.

Mais Christophe Prudhomme, porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France, réclame sur franceinfo encore plus de moyens : "Nous demandons une augmentation exceptionnelle de 5% [pour le budget de l'hôpital] qui peut être obtenue immédiatement en supprimant un impôt qui est prélevé sur l'hôpital qui s'appelle la taxe sur les salaires. Cela représente 4 milliards d'euros. C'est incontournable."

Selon Frédéric Valletoux, le président de la Fédération hospitalière de France, au-delà du budget, il faut mettre tous les acteurs de la santé autour d'une table pour trouver des solutions. "Cela fait 10 ans, explique-t-il sur franceinfo, que l'hôpital fait des économies sans que le système autour ne soit réformé, et pour moi, la crise des urgences, ce n'est pas la crise de l'hôpital, mais la crise du système de santé." Il propose donc de trouver des solutions en associant notamment les médecins libéraux.

Une réponse aux revendications des grévistes

Depuis le début du mouvement, les grévistes ne cessent de dénoncer des urgences surchargées et demandent plus de postes et plus de lits. Ils n'ont ainsi pas été convaincus par certaines mesures annoncées la semaine dernière par Agnès Buzyn, comme le recours à la vidéo-assistance entre les Ehpad et le Samu ou la possibilité pour les personnels paramédicaux des urgences de réaliser certains gestes médicaux en échange d'une prime. "Elle ne comprend pas que nous, ce que l'on veut, c'est d'avoir du personnel en plus, et non pas des tâches en plus", a ainsi réagi sur franceinfo Manuella, infirmière à Nantes (Loire-Atlantique).

Selon Le Journal du dimanche, la ministre de la Santé aurait entendu en partie ce mécontentement et pourrait répondre aux revendications avec des "mesures chocs", comme "des réouvertures de lits", une "réforme de la tarification" et un "numéro de téléphone unique" pour les secours médicaux. Reste à savoir quel sera ce numéro et l'hebdomadaire indique que la bataille est engagée en coulisses entre les pompiers et les médecins libéraux pour le choix de ce numéro.

Concernant la réforme de la tarification, le gouvernement se dirige vers la fin du paiement à l'acte ou T2A, dans lequel chaque acte médical donne droit à une dotation précise pour l'hôpital. Ce système a souvent été pointé du doigt car il entraînait une multiplication des actes inutiles, une non prise en compte de la qualité des soins et incitait des hôpitaux déjà surchargés à accueillir toujours plus de patients. Pour remplacer la T2A, plusieurs pistes sont envisagées comme celle d'un mode de rémunération au forfait en fonction du temps passé sur un soin, selon Le Journal du dimanche.

Une volonté de réinstaurer le dialogue

Face à la crainte de voir le mouvement de grève s'étendre à l'ensemble des services de santé, le gouvernement ne sous-estime pas le problème et cherche à se montrer à l'écoute. Dans ce souci du dialogue, Agnès Buzyn recevra les syndicats et les représentants des personnels et dirigeants hospitaliers lundi après-midi, pour leur annoncer en avant-première le contenu de son nouveau plan.

Christophe Prudhomme reconnaît un "changement de ton" de la ministre : "Pour la première fois, Madame Buzyn reconnaît qu'il faut arrêter de fermer des lits." Mais le porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France invite à poursuivre la discussion plus largement. "Il faut une table ronde et dans les territoires, avec les syndicats, les personnels, les associations de patients, les élus locaux pour savoir comment aujourd'hui on maintient des hôpitaux de proximité avec des services d'urgences ouverts 24 heures sur 24."

Il faut un vrai débat avec la population et non avec des pseudo-spécialistes qui nous racontent des conneries depuis des années.

Christophe Prudhomme

à franceinfo

"Il y a des solutions qui peuvent exister. Mais il faut mettre tout le monde autour de la table, ce que pour l'instant Agnès Buzyn a du mal à faire", confirme sur franceinfo Frédéric Valletoux. Pour le gouvernement, l'enjeu est de taille. Sans connaître les nouvelles mesures du gouvernement, la CGT a déjà appelé à une journée d'actions mercredi. De son côté, le collectif Inter-Urgences à l'origine de la grève tiendra son "assemblée générale nationale" mardi à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Des rendez-vous qui permettront à la ministre de la Santé de voir si son plan permet d'envisager une sortie de crise.

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