Grève des urgences : "Augmenter les effectifs est une obligation immédiate", réclame un syndicat d'urgentistes
Le mouvement dans les hôpitaux dure depuis cinq mois. Plus de 200 services d'urgences en France sont en grève mi-août.
"Augmenter les effectifs des urgences est une obligation immédiate", a estimé sur franceinfo vendredi 16 août Christian Prudhomme, porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), alors que les grèves dans les hôpitaux se multiplient depuis cinq mois. Selon le collectif Inter-urgences, 220 services d'urgences sont désormais mobilisés pour réclamer plus de moyens face à une fréquentation en constante augmentation.
franceinfo : Comment expliquer la durée exceptionnelle de cette crise des urgences ?
Christian Prudhomme : En 2002, un professeur de médecine était ministre de la Santé, Jean-François Mattei. En tee-shirt Lacoste, il ne voyait pas qu'il y avait des morts aux urgences. Nous avions dit à l'époque que si on ne mettait pas en place un système substitutif à l'obligation de la garde des médecins de ville, le nombre des passages aux urgences allait exploser. Il y en avait à l'époque 12 millions. En 2019, on va terminer l'année à quasiment 23 millions de passages. Il faut qu'on soit écoutés.
Quelles que soient les mesures de réorganisation qui seront prises, nous avons besoin immédiatement de moyens pour rattraper le retard. Les passages ont augmenté sans que les locaux et les effectifs ne suivent. Augmenter les effectifs est donc une obligation immédiate. Surtout, une charge de travail pourrait être ôtée aux urgences immédiatement : les hospitalisations sur brancard. Il faut qu'on ait des lits pour hospitaliser les patients. Ne plus avoir des patients sur des brancards à gérer aux urgences, cela soulagerait beaucoup le personnel.
Ne faut-il pas plus de locaux pour mettre en place une telle mesure ?
Les locaux existent. Ce qui manque, c'est le personnel. On a fermé 100 000 lits en vingt ans, mais les locaux sont toujours là. En revanche, on n'a pas le personnel. Quand j'étais plus jeune, pendant l'été, on pouvait aller en renfort à Bastia, Nice, sur la côte basque... Aujourd'hui, le nombre de lits ouverts dépend du personnel présent. Comme le personnel doit partir en vacances, on ferme donc des lits pendant l'été, alors qu'il faudrait dans certains endroits - en particulier dans les zones touristiques - augmenter le nombre de lits.
Par exemple, à Sisteron (Alpes-de-Haute-Provence), les urgences ferment à 20 heures cet été, alors que c'est une zone touristique. En cas de problème, il faut aller à Gap ou à Digne-les-Bains, soit à 40 ou 50 kilomètres. L'hôpital d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) est en rupture de paiement. Il ne peut plus payer ses fournisseurs et est sous le coup d'une menace de non-livraison des médicaments. La question des moyens est incontournable pour la ministre.
La ministre de la Santé a justement mis des moyens sur la table, avec notamment une prime de 100 euros pour les personnels des urgences. Comment jugez-vous ces mesures ?
C'est une aumône. La prime n'était pas la première revendication, c'était les effectifs. Il n'y a que 15 millions d'euros consacrés aux effectifs, ce qui représente un demi-poste dans chacun des 524 services d'urgence. C'est l'ensemble de l'hôpital qui est malade. Quand on veut des lits, il faut du personnel dans d'autres services que les urgences.
Nous demandons un plan d'urgence de 4 milliards d'euros. On peut les trouver tout de suite en supprimant la taxe sur les salaires, un impôt injuste compris dans la loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). C'est aux parlementaires de prendre leurs responsabilités, en discutant cette loi dans les semaines qui viennent. S'ils ne nous donnent pas cette enveloppe, ils vont avoir quelques soucis à se faire en termes de colère des personnels de santé. Nous ne serons pas seuls. Notre meilleur soutien est la population qui se rend bien compte que la ministre se fiche de nous. Ce qui manque aujourd'hui, ce sont des femmes et des hommes pour les accueillir dans de bonnes conditions de sécurité.
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