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Enquête France 2 Energie : 700 000 logements rénovés par an ? La réalité derrière les chiffres du gouvernement

"Complément d'enquête" a obtenu des données sur lesquelles les autorités ne communiquent jamais. Elles montrent une situation bien différente.
Article rédigé par France 2 - Nolwenn Le Fustec
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des travaux de rénovation d'une résidence à Paris, en septembre 2022. (MAXPPP)

Environ 12 millions de Français qui vivent dans des passoires thermiques ou sont contraints de se priver de chauffage. C'est aussi une urgence écologique, puisque le secteur du bâtiment représente près de la moitié de l'énergie consommée en France. Face à cette situation, l'Etat s'y est engagé : d'ici à 2050, tout le parc de bâtiments devra atteindre la "basse consommation" en moyenne, soit la classe énergétique A ou B. Cet objectif est gravé dans le Code de l'énergie depuis 2015.

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Le chantier s'avère gigantesque : actuellement, les logements classés A ou B ne représentent que 5% du parc. Au total, il reste 35 millions de logements à rénover en 27 ans. Ainsi, le rythme à tenir est de plus d'un million de chantiers chaque année.

Sur 669 890 dossiers, seulement 65 939 rénovations "globales"

Face au retard, Emmanuel Macron a promis en mars 2022 de financer "au moins 700 000 rénovations par an" pendant son second mandat. Aujourd'hui, cet engagement est respecté, selon la ministre de la Transition énergétique. D'après Agnès Pannier-Runacher, invitée sur le plateau de "Complément d'enquête" jeudi 2 mars*, "il y a cinq ans, on faisait 70 000 rénovations par an. Aujourd'hui, on en fait 700 000, c'est une multiplication par dix !"

Nous avons vérifié ce chiffre auprès de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), l'organisme chargé de la rénovation auprès du gouvernement. En 2022, il n'y a pas eu 700 000 logements rénovés, mais "669 890 dossiers payés à travers MaPrimeRenov'". Surtout, sur ces 669 890 dossiers, seules 65 939 rénovations "globales" ont été menées, soit moins de 10%. L'immense majorité concerne seulement des "gestes de travaux", comme un changement de fenêtre ou de chauffage. Or, selon Vincent Legrand, directeur général de l'entreprise de l'économie sociale et solidaire Dorémi et spécialiste de l'efficacité énergétique, "la France ne pourra atteindre l'objectif 2050 qu'en finançant de véritables rénovations globales. C'est-à-dire, selon le Code de la construction, qui atteignent le niveau énergétique A ou B. En traitant à la fois l'isolation de toute l'enveloppe du bâtiment, puis le remplacement de la ventilation et du chauffage".

"Le plus symbolique l'emporte sur le plus efficace"

Alors, combien, parmi les rénovations "globales" avancées par le gouvernement, atteignent véritablement la classe A ou B ? Ce chiffre n'apparaît nulle part dans les communications officielles de l'Anah. Mais après de nombreux échanges, nous avons fini par l'obtenir : "Sur les 65 939 rénovations globales, près de 13 400 logements sont arrivés en classe Bâtiment basse consommation". Autrement dit : près de 80% de ces rénovations "globales" financées par l'Etat n'atteignent pas l'objectif de départ…

En une année, ce ne sont donc pas 700 000 logements mais plutôt 13 400 qui auraient été mis aux normes. A ce rythme, il faudrait plus de 2 600 ans pour que la France s'occupe des 35 millions à rénover.

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Agnès Pannier-Runacher nuance ce chiffre de 13 400 rénovations A ou B, qui correspond selon elle à ceux où "le diagnostic avant / après" a été fait. "Tout le monde ne fait pas le diagnostic, parce que c'est un diagnostic qui est coûteux", précise-t-elle. En effet, seules les rénovations "globales" sont soumises à un diagnostic. Pour les autres, soit 90% des cas, l'Etat ne contrôle pas l'efficacité de l'argent public dépensé. Devant une Commission d'enquête sénatoriale ouverte sur le sujet, l'ancien ministre de la Transition écologique François de Rugy a reconnu le mois dernier qu'en matière de rénovation énergétique, "le plus symbolique l'emporte très largement sur le plus efficace".

* France 2 diffuse un numéro de "Complément d'enquête" intitulé "Rénovation énergétique : des milliards dépensés pour rien", jeudi 2 mars, à 23 heures. 

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