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"Il n’y a rien de mal là-dedans" : sur l'île de Man, les "Paradise Papers" ne choquent pas grand monde

C'est dans ce paradis fiscal que le pilote Lewis Hamilton a monté une combine pour échapper à la TVA sur son luxueux jet. Mais sur l'île, personne ne trouve à redire à ces pratiques.

Article rédigé par Jérôme Jadot, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le port de Douglas, sur l'île de Man (ROLF RICHARDSON / ROBERT HARDING HERITAGE)

L’île de Man, qui dépend de la couronne britannique, est un petit paradis fiscal aux marges de l’Europe, entre l’Irlande et l’Angleterre. C'est ici que le pilote de F1 Lewis Hamilton a mis en place un mécanisme pour bénéficier d’un remboursement de TVA sur l’achat de son jet. Mais sur place, on ne voit pas où est le problème. Dans la petite capitale, Douglas, aux jolies maisons victoriennes, la chasse à l’impôt se pratique essentiellement dans deux rues. S’y concentrent agences bancaires, compagnies d’assurance et cabinets d’avocats, dont celui d’Appleby, d’où proviennent les fuites des "Paradise Papers", et qui a aidé Lewis Hamilton à faire son montage financier.

Pas forcément moral, mais légal

On y est peu enclin à répondre aux questions. Dans tout le quartier, hommes en costumes et femmes en tailleurs fuient le micro, sauf cet expert-comptable pour qui il n’y a pas d’affaire. "Je préfèrerais vivre dans un monde très moral, dit-il, mais pour moi, quelqu’un qui agit en totale conformité avec la loi, en en tirant profit, là où il peut, il n’y a rien de mal là-dedans." La loi, selon lui, est ici plutôt bien faite. Avec un impôt standard sur les bénéfices à 0 %, 27 000 sociétés sont enregistrées sur l’île, c'est-à-dire une pour trois habitants.

Les jeux en ligne ont notamment la cote, tout comme les jets privés, depuis une dizaine d’années. Posé au pied des collines verdoyantes au bout de l’aéroport, un "Jet-center" les accueille. Salons luxueux, immenses hangars, il n’héberge toutefois ce jour-là qu’un seul petit avion sur les 1 000 inscrits. En effet, ce n’est pas parce qu’ils sont enregistrés ici qu’ils doivent être basés sur place. Une fois que leurs propriétaires sont dispensés de TVA, ces avions vont faire leur vie ailleurs.

Jeux en ligne et jets privés

Il n’empêche qu’enregistrer ces appareils sur l’île génère de l’activité. Pour Jim, chauffeur de taxi, en train de charger des bagages à l’aéroport, c’est très bien ainsi : "S’ils devaient payer la TVA ici, ils iraient où ils ne doivent pas la payer. Là, au moins, notre gouvernement gagne un petit quelque chose sur ces jets. S’ils allaient ailleurs, on n’aurait rien du tout."

Tant pis si Lewis Hamilton utilise aussi son jet à des fins personnelles – ce qui ne donne pas lieu, en principe, à un remboursement de TVA. James, consultant dans le secteur gazier, admet une éventuelle "zone grise", mais il relativise : "Pour un joueur de football, un acteur, un pilote de Formule 1, c’est dur de séparer sa vie professionnelle de sa vie privée."

Je crois qu’il faut s’occuper de problèmes plus importants, comme l’argent des trafics d’armes ou de drogue.

James, consultant dans le secteur gazier

à franceinfo

James préfèrerait donc qu’on regarde ailleurs : il bénéficie de l’impôt à taux zéro sur les bénéfices de sa société et d’un impôt sur le revenu qu’il estime raisonnable. Pour beaucoup d’habitants, cette taxation basse compense des prix élevés liés à l’insularité. "Nous vivons dans un monde concurrentiel, souligne Murray Mc Clay, retraité de 80 ans. Les pays où les impôts sont élevés, comme la France ou le Royaume-Uni, n’aiment pas les pays où les prélèvements sont bas. Mais c’est leur problème."

Un problème que le gouvernement autonome de l’île de Man semble toutefois prendre au sérieux (lien en anglais). Il a lancé une évaluation des pratiques liées aux importations de jet, tout en assurant que l’île n’avait rien à voir avec un paradis fiscal.

Les "Paradise Papers" vus de l'île de Man - Jérôme Jadot

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