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Reportage "L'atelier ferme, je vais me retrouver dehors" : salariés et élus se mobilisent pour éviter la suppression de 187 postes aux Papeteries de Condat

Le propriétaire du fabricant de papier envisage de fermer une de ses deux lignes de production de son usine au Lardin-Saint-Lazare (Dordogne), 187 emplois sont menacés.
Article rédigé par Lauriane Delanoë
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Les papeteries Condat à Lardin-Saint-Lazare (Dordogne) sont bloquées par les salariés depuis deux semaines. Le propriétaire de l'usine envisage de supprimer près de la moitié des effectifs. Le 10 septembre 2023. (LAURIANE DELANOE / RADIO FRANCE)

Il s'agit de l'un des fleurons industriels français en déclin. Les salariés de la papeterie de Condat, premier employeur privé de Dordogne, bloquent leur usine depuis deux semaines. Ils s'opposent à un plan social, qui prévoit l'arrêt d'une des deux lignes de production du site. Le propriétaire, le groupe Lecta, envisage de supprimer près de la moitié des effectifs : 187 postes menacés sur 380 salariés. Les représentants syndicaux sont reçus dans la matinée du lundi 11 septembre à Bercy par le ministre de l'Industrie Roland Lescure.

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Sur le piquet de grève, les salariés sont bien déterminés à sauver leur emploi. Il y a Laurent, 35 ans d'ancienneté à Condat : "Mon père, mon fils et moi avons travaillé dans l'usine." Il est directement concerné par le plan social : "L'atelier ferme, donc je vais me retrouver dehors. Je pense qu'on va être obligé de bloquer longtemps." Il y a aussi Éric Rebière, l'un des plus anciens et ses "41 ans de poste" : "Quand je suis arrivé, on était 1 200 en 1982." Il souligne l'importance du site pour toute la vallée.

"Ça fait tellement travailler de gens à Condat, tellement d'artisans autour de l'usine, tellement de petits commerçants. Ce sont des petites entreprises, mais ce sont des centaines, des centaines d'emplois."

Éric Rebière, salarié des Papeteries de Condat

à franceinfo

Éric Rebière est l'un des plus anciens salariés sur le site. Il a 59 ans, 41 ans d'ancienneté. Il est passé à presque tous les postes. (LAURIANE DELANOE / RADIO FRANCE)

Il y a encore Mickaël, 39 ans qui travaille ici depuis 21 ans. Il vante le savoir-faire de la ligne 4, celle qui doit être arrêtée. "On est la dernière papeterie à faire du papier couché en France, indique Mickaël, cela concerne les maisons d'édition, le prix Goncourt, tous ces livres-là. Il faut essayer de trouver une solution pour que Condat redevienne entre guillemets 'français'. Après, advienne que pourra." La ligne de production dite "ligne 4" qui fabrique du papier couché et que le groupe veut mettre à l'arrêt, est en réalité déjà arrêtée depuis le 28 février. La production est maintenant réalisée dans les usines de Lecta en Italie et en Espagne. La deuxième ligne, qui doit être maintenue, tourne à petit régime ces derniers mois. Les salariés sont régulièrement placés en activité partielle.

Un groupe qui a bénéficié de diverses aides publiques

L'actuel propriétaire, le groupe international Lecta, assure qu'il est impossible de maintenir cette production : le volume de ventes chute, de près de 40%, quand les coûts de l'énergie et de la pâte à papier s'envolent. Mais le groupe a bénéficié de diverses aides publiques, pour se développer, ces dernières années, et que le délégué CGT Philippe Delord veut rappeler au gouvernement : "Comment peut-on verser 33 millions d'euros et, sur le même site, supprimer 187 postes ?"

Le groupe Lecta a bénéficié en 2020 d'un prêt à taux zéro de 19 millions d'euros de la part de la région Nouvelle-Aquitaine, pour moderniser sa deuxième ligne de production. Celle ligne, appelée "ligne 8" fabrique maintenant du papier pour les étiquettes et autocollants - elle tourne au ralenti. La région demande le remboursement immédiat de cette subvention. Le groupe a aussi reçu une aide de 14 millions d'euros, via l'agence de la transition écologique (Ademe), afin d'installer une chaudière dite de Combustibles solides de récupération (CSR). Cette chaudière doit entrer en service en juin 2024, et doit permettre de réduire les coûts liés à l'énergie. Les syndicats dénoncent le fait que le plan de sauvegarde de l'emploi soit proposé par le propriétaire, Lecta, avant même la mise en service de la chaudière.

"On n'attend qu'une seule chose du gouvernement, c'est qu'il oblige Lecta à redémarrer la machine 4 ou éventuellement que le groupe nous vende."

Philippe Delord, délégué CGT

à franceinfo

Et si le repreneur était l'Etat lui-même ? Voici la proposition d'élus locaux, de droite comme la maire du Lardin-Saint-Lazare où l'usine est installée. Francine Bourra rappelle les engagements du président de la République : "Monsieur Macron, qui dit qu'il veut réindustrialiser le pays, a l'occasion de montrer qu'il agit par le rachat de cette entreprise, expose la maire. Quitte à la racheter tout au début, ce qui nous laisserait le temps de tout mettre en place."

"Il faut qu'on trouve des investisseurs, mais on manque de temps, donc il faut que l'Etat intervienne."

Francine Bourra, maire du Lardin-Saint-Lazare

à franceinfo

Francine Bourra, maire divers droite du Lardin-Saint-Lazare, demande l'intervention de l'Etat avec un rachat temporaire du site des Papeterie de Condat. (LAURIANE DELANOE / RADIO FRANCE)

L'enjeu est de sauver le site dans son ensemble car avec une seule ligne de production, l'usine ne sera pas viable, selon les élus et les syndicats.

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