Pouvoir d'achat : pourquoi les prix continuent d'augmenter alors que le niveau de l'inflation diminue ?
C'est une première en sept mois : l'inflation du panier de courses franceinfo, en partenariat avec France Bleu et l'institut NielsenIQ, a ralenti entre avril et mai, passant de 17,6% entre avril 2022 et avril 2023 à 16,8% entre mai 2022 et mai 2023. Pour autant, les prix ont eux bien continué à progresser : le total de nos 37 produits du quotidien a augmenté de 1,50 euros en un mois, et culmine aujourd'hui à près de 110 euros.
Cet apparent paradoxe s'explique pourtant assez simplement. L'inflation mesure la hausse des prix sur un an. Donc une inflation positive signifie que les prix grimpent. Et avec une inflation à 16,8%, ils augmentent même très vite. En douze mois, le prix de notre panier de courses a ainsi bondi de 16 euros. Mais cette hausse est moins forte que sur la période allant d'avril 2022 et à avril 2023. C'est un peu comme quand vous roulez à 130 km/h sur l'autoroute, et que vous réduisez votre vitesse à 110km/h : vous avez décéléré, mais vous continuez à avancer. C'est ce qu'il se passe dans les supermarchés : les prix progressent, mais moins rapidement qu'en début d'année.
Parce que les cours des matières premières ont baissé
Cette baisse est due à deux éléments distincts. D'abord, les matières premières sont revenues sur les marchés internationaux à des niveaux plus proches de ceux d'avant la crise inflationniste - exception faite du sucre notamment - et donc les produits premiers prix et de marques distributeurs voient leur inflation nettement ralentir. Les prix de ces produits avaient été les premiers à exploser lorsque les cours des matières premières s'étaient affolés avec le début de la guerre en Ukraine, ils sont aussi les premiers à diminuer. Cela est dû aux négociations permanentes sur ces produits, tout au long de l'année, à l'inverse des produits de grandes marques qui se négocient normalement une seule fois en début d'année. Le gouvernement presse les industriels à les rouvrir afin d'intégrer dans les prix du deuxième semestre la baisse des matières premières, et donc des coûts de production.
Parce que les prix étaient déjà hauts il y a un an
Ensuite, il y a derrière cette baisse un effet mathématique. Entre avril et mai 2022, beaucoup de produits avaient déjà fortement augmenté, avant de se stabiliser sur un plateau très haut. C'est le cas des pâtes ou de la farine. L'inflation étant mesurée sur un an, celle de mai (entre mai 2022 et 2023 donc) se base sur un mois avec des prix déjà hauts, contrairement à avril où la base de prix d'avril 2022 était moins élevée. En clair, l'inflation de mai s'amoindrit, car c'est une hausse sur des prix déjà élevés. Mais si l'on regarde à 18 mois ou à deux ans, l'inflation reste toujours aussi forte. Sur les prochains mois, ce ciseau mathématique va se poursuivre et se renforcer, au fur et à mesure que les prix de 2022 deviendront la base de calcul de l'inflation sur un an.
Parce que certains prix commencent très doucement à baisser
"Ce qu'il faut retenir, c'est que les prix montent moins vite que ces derniers mois", souligne toutefois Emmanuel Cannes, expert prix et inflation chez NielsenIQ. Et certains des produits de notre panier de courses franceinfo voient même leur prix très légèrement reculer, de quelques petits centimes. Ce sont principalement des produits premiers prix ou de marques distributeurs. Pour que la tendance s'inverse réellement, et que l'on ressente de vraies baisses de prix à la caisse, il faut de nouvelles négociations entre les industriels et les distributeurs. Mais les professionnels de l'agroalimentaire traînent des pieds malgré les menaces répétées de Bruno Le Maire. Sur franceinfo, le PDG de Système U Dominique Schelcher les enjoignait à passer "de la bonne volonté dans les médias à la réalité dans les discussions".
Pour autant, on ne reviendra pas aux prix d'avant-crise, "cela ne paraît pas possible", affirme NielsenIQ. Ce sont dix ans de baisse des prix qui ont été effacés en 18 mois, rappelle l'institut. "Même si certaines matières premières ont baissé, elles n'ont pas retrouvé leur niveau d'avant. Et puis il y a eu des hausses de salaire qui se répercutent sur les coûts de production", argumente Emmanuel Cannes. Mais en cas de réouverture des négociations et si un nouvel accord est trouvé, alors des baisses importantes pourraient être constatées en rayon à partir de la rentrée.
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