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Plan de relance européen validé : "C'est une bonne nouvelle, mais on aurait pu aller beaucoup plus loin", estime l'économiste Mathieu Plane

Selon Mathieu Plane, la particularité de ce plan de relance historique réside dans le fait que les Etats vont recevoir des sommes non pas proportionnelles au montant de leur produit intérieur brut (PIB) mais à leurs besoins.

Article rédigé par franceinfo - Propos recueillis par Louisa Benchabane
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Le bâtiment de la Commission européenne, à Bruxelles (Belgique), le jour de la présentation du plan "NextGenerationEU", le 14 avril 2021. (MARTIN BERTRAND / HANS LUCAS / AFP)

Le plan de relance européen va bientôt devenir une réalité. Les Vingt-Sept ont achevé, lundi 31 mai, le processus de ratification de la décision les autorisant à s'endetter en commun pour surmonter les conséquences économiques de la pandémie. Une étape qui va permettre, dès le mois de juin, à la Commission européenne d'emprunter sur les marchés financiers pour financer 672 milliards d'euros de subventions et de prêts aux pays membres. Des sommes promises dans le cadre du plan de relance "NextGenerationEU" de 750 milliards d'euros décidé en juillet 2020 – il y a près d'un an – après de difficiles négociations.

L'argent levé en commun doit permettre de financer la rénovation thermique de bâtiments, des projets ferroviaires, des bornes de recharge pour véhicules électriques, des réseaux de télécommunications à haut débit ou encore des infrastructures de stockage des données.

Quelles sont les prochaines étapes pour les pays membres ? Quand sera-t-il possible d'observer les effets de ce plan de relance ? Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), répond aux questions de franceinfo.

Franceinfo : Pourquoi la validation de ce plan de relance a-t-elle pris autant de temps ?

Mathieu Plane : C'est sûr que l'argent promis arrive après la bataille, car les Etats membres en auraient eu besoin immédiatement après le début de la crise sanitaire. Mais pour pouvoir verser cet argent, il a fallu que le plan soit accepté à l'unanimité par les pays et les divergences étaient nombreuses.

La particularité de ce plan réside dans le fait que les Etats ne vont pas recevoir des sommes proportionnelles au montant de leur produit intérieur brut (PIB), mais proportionnelles à leurs besoins. Par exemple, l'Espagne va percevoir plus d'argent que l'Allemagne. L'Allemagne a une situation économique qui lui permet très bien de faire ses investissements sans l'Europe, ce qui n'est pas le cas de l'Espagne et de l'Italie, pays pour lesquels il est plus compliqué de contracter une dette. En somme, ce plan de relance est un transfert d'argent des pays du Nord vers les pays du Sud.

Les pays frugaux ont été très réticents à aller plus loin, parce qu'ils versent une large contribution au plan de relance et accusent les pays du Sud de ne pas respecter les normes européennes en termes de dette et de déficit.

De plus, il y a de l'euroscepticisme dans plusieurs pays, ce qui pousse certains à s'opposer à toute solidarité avec les membres les plus en difficulté. Il n'y a pas d'Europe politique sur la question budgétaire, tout est une affaire de consensus. Etonnamment, l'Allemagne, qui est plutôt le pays tenant de l'orthodoxie budgétaire, a été leader dans les négociations.

Que va-t-il se passer, maintenant que le plan de relance est validé ?

La totalité de la somme promise aux Etats de l'UE, soit 750 milliards d'euros, va être débloquée progressivement pour financer les budgets nationaux. Un premier volet va être versé le mois prochain et les financements vont monter en charge progressivement, sur plusieurs années.

Pour pouvoir toucher cet argent, chaque Etat membre de l'UE devait rendre un rapport à la Commission européenne, pour expliquer comment ce budget serait dépensé. Celle-ci devait ensuite le valider. Le dossier de la France contenait pas moins de 800 pages. En contrepartie, chacun reçoit un financement direct, qui vient compléter les budgets nationaux alloués à la relance.

Comment le plan de relance va-t-il se traduire concrètement ?

Pour le moment, on voit les effets du plan de relance français, mais pas celui du plan de relance européen. Car dans l'enveloppe de 100 milliards d'euros que la France a dédiée à la relance économique, l'Union européenne va contribuer à hauteur de 40 milliards d'euros. Les 60 milliards restants sont financés par le budget français.

Le gouvernement a déjà commencé à dépenser cette somme, principalement pour trois mesures : la baisse des impôts de production qui a été décidée dès le début d'année, le soutien à l'activité partielle de longue durée et l'aide à l'embauche des jeunes.

Pour ce qui est de la partie financée par le plan de relance européen, l'exigence est de dépenser cet argent dans la transition climatique et la transition numérique. Cela demande une transformation de l'économie en profondeur. Rénovation thermique des bâtiments, construction d'une filière industrielle dans l'hydrogène... Tout cela va nécessiter du temps, déjà d'un point de vue administratif, car il faut lancer des appels d'offres. Une fois cette étape passée, le déclenchement des travaux va créer de l'emploi et donc de l'activité économique à moyen terme.

Ce plan sera-t-il suffisant pour soutenir les Etats membres ?

Il faut souligner que ce plan est une bonne nouvelle, car il crée une solidarité européenne, mais on aurait pu aller beaucoup plus loin. Si l'on compare le plan de relance de l'Union européenne à celui des Etats-Unis, on voit qu'on n'y consacre que deux points de PIB européen, contre huit points aux Etats-Unis. Pourtant, la taille de l'UE est comparable à celle de ce pays.

Même en Chine, les montants investis dans le secteur de l'énergie sont astronomiques. Nous aussi, on aurait pu aller plus loin pour construire un leadership économique dans ce domaine et garantir la souveraineté énergétique des pays.

Ce plan européen révèle aussi les failles de l'Europe sur le plan fiscal, car on a réussi à avancer l'argent, mais les conditions de financement et de remboursement restent encore vagues. Ce n'est pas un problème pour le moment, mais en toute logique, il faudrait créer une taxation européenne pour le faire.

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