Réforme des retraites : avant la réunion à Matignon, on vous résume les positions défendues par le gouvernement et les syndicats
De l'opposition frontale à la possibilité d'un dialogue. Après avoir ferraillé pendant près de trois mois contre la réforme des retraites, les syndicats ont été conviés à une rencontre avec Elisabeth Borne, mercredi 5 avril, à Matignon. Si l'ordre du jour de cette réunion entre les deux parties n'a pas été précisé, les divergences restent évidemment très fortes alors qu'une nouvelle journée d'action est prévue jeudi 6 avril, huit jours avant la décision du Conseil constitutionnel sur la réforme.
De quoi parleront un gouvernement et des syndicats qui se fuient depuis plusieurs semaines ? Chacune des parties tente de faire valoir ses positions sur le calendrier de la réforme, sur le recul de l'âge légal de départ ou encore sur la manière de sortir de l'impasse dans laquelle se trouve le dialogue social. Franceinfo fait le point sur les terrains d'entente et les divergences de l'exécutif et des partenaires sociaux en vue de cette réunion cruciale.
Le gouvernement écarte la piste d'une médiation, souhaitée par une partie des syndicats
C'est une question de forme qui pourrait ne rien arranger aux dissensions de fond. La CFDT a demandé mardi matin "une médiation" pour "trouver une voie de sortie" à la crise sociale. "Il faut prendre un mois, un mois et demi, pour demander à une, deux, trois personnes de faire de la médiation" entre les parties, a déclaré Laurent Berger sur France Inter.
Dans la foulée, le porte-parole du gouvernement lui a opposé une fin de non-recevoir sur ce point. "Nous saisissons la proposition de Laurent Berger de se parler, mais directement. Nul besoin de médiation", a affirmé Olivier Véran, mardi midi. "On peut se parler directement. Il n'y a pas de médiateur dans la République quand on peut se parler directement", a-t-il insisté.
"C'est une idée assez saugrenue de nommer un médiateur ou de faire une pause alors que la réforme est examinée par le Conseil constitutionnel. Pour l'instant, ça n'a pas de sens."
Un député de la majoritéà franceinfo
Du côté syndical, cette proposition de médiation ne fait pas non plus l'unanimité. A la CGT, sitôt élue secrétaire générale, Sophie Binet a affirmé l'opposition du syndicat à l'hypothèse d'une "médiation" conformément à un "appel" voté jeudi soir au congrès, qui prend ses distances avec la position du sortant Philippe Martinez. Qu'à cela ne tienne, pour Laurent Berger : le leader de la CFDT a de nouveau insisté, mercredi, au micro de franceinfo, sur la nécessité d'une médiation, "le meilleur moyen de sortir de cette crise" selon lui.
Le recul de l'âge légal à 64 ans, ligne rouge pour les deux parties
Le report à 64 ans de l'âge légal de départ à la retraite reste une ligne rouge infranchissable pour les deux camps. D'un côté, les syndicats veulent absolument débattre de cette mesure, qui constitue le cœur de la réforme, lors de la réunion à Matignon. Si Elisabeth Borne refuse de parler des 64 ans, "alors on partira", a prévenu Laurent Berger sur France Inter. Cyril Chabanier, numéro 1 de la CFTC, a quant à lui affirmé sur BFMTV qu'il se rendrait à la réunion avec Elisabeth Borne "à la seule condition qu'on puisse parler des 64 ans", une position similaire à celle défendue par Benoît Teste, numéro un de la FSU.
"S'il y a un non ferme au retrait du départ à 64 ans, ce n'est pas sûr qu'on reste jusqu'à la fin."
Benoît Teste, secrétaire général de la FSUsur franceinfo
En face, le gouvernement est-il prêt à évoquer cette mesure qui cristallise la contestation sociale ? Un certain flou demeure. Cette mesure ne sera pas au menu de la rencontre, ont prévenu mercredi le ministre des Relations avec le Parlement, Franck Riester, et le président du MoDem, François Bayrou. "Les 64 ans sont dans le texte, on ne peut pas changer de ligne à ce point", a mis en garde l'ancien ministre.
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, ainsi que le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, ont au contraire affirmé que "tous les sujets" seraient abordés lors de cette réunion.
Des discussions possibles sur la "mise en place opérationnelle de la loi", selon le gouvernement
Si le gouvernement ne compte pas revenir sur le cœur de sa réforme, des discussions sont encore possibles sur ses modalités de mise en œuvre, avant l'entrée en vigueur du texte prévue en septembre. "La mise en place opérationnelle planifiée de la loi" implique "énormément de points de discussion et d'échanges", a rappelé mardi Olivier Véran à la sortie du Conseil des ministres. "Qui dit loi, dit décrets d'application de la loi. Il y a beaucoup de choses qu'on peut discuter dans la mise en place de ce projet de loi retraites", affirme le porte-parole du gouvernement.
Certaines mesures de la réforme, comme le "CDI seniors", sont d'ailleurs conditionnées à des discussions entre les partenaires sociaux. Le texte adopté par le Parlement subordonne sa mise en place à la signature d'un accord national interprofessionnel entre les syndicats et le patronat, d'ici au 31 août prochain. En l'absence d'accord entre les partenaires sociaux, le "CDI seniors" sera limité à une expérimentation de trois ans, de septembre 2023 à septembre 2026.
Le gouvernement souhaite aborder plus largement la question du travail, les syndicats sont réticents
Pour François Bayrou, "il y a matière à discuter" entre le gouvernement et les représentants syndicaux invités à Matignon. Et pour le gouvernement, ce dialogue ne passe pas seulement par la question des retraites, qui sature l'agenda social de ce début d'année. Car dans les cartons de l'exécutif figure une nouvelle loi sur le travail et sur l'emploi, qu'Olivier Dussopt veut voir débattue au Parlement au moins une fois "d'ici l'été".
Olivier Véran a appelé mardi, à la sortie du Conseil des ministres, à discuter avec les syndicats "au-delà du seul contenu de la réforme des retraites, de ce que nous pouvons faire ensemble pour faire progresser les droits des travailleurs". Il a évoqué la "répartition de la valeur au sein de l'entreprise", "les fins de carrière", "les petits salaires en dessous du smic".
Mais les syndicats sont-ils prêts à aborder d'autres sujets que les retraites lors de cette réunion ? Peu semblent aujourd'hui disposés à accompagner un nouveau chantier législatif. "Nous sommes prêts à dialoguer, mais pas sur des sujets périphériques", a prévenu Benoît Teste sur franceinfo, mercredi. "Si c'est pour parler d'autre chose que des retraites, alors on donne le signal qu'on a tourné la page des retraites, et qu'on a accepté cette loi. Aujourd'hui, ce n'est pas possible", tranche Cyril Chabanier, leader de la CFTC.
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