Réforme des retraites : comment la droite et le gouvernement se tendent la main, avant l'examen du texte au Sénat
Réforme des retraites, round 2. Après l'examen houleux et sans vote à l'Assemblée nationale, c'est le Sénat qui examine, à partir du mardi 28 février en commission, puis dès le 2 mars en séance publique, le projet de loi du gouvernement. Les débats à la chambre haute s'annoncent plus apaisés et surtout beaucoup plus favorables au gouvernement, puisque la droite y est majoritaire, tandis que le Rassemblement national et La France insoumise ne comptent aucun sénateur.
Une telle configuration pousse l'exécutif à multiplier les mains tendues envers les sénateurs Les Républicains (LR). "Je souhaite que le Sénat puisse enrichir" le texte "avec ce qui lui paraît utile", a ainsi déclaré Emmanuel Macron, samedi, lors de sa visite au Salon de l'agriculture. Franceinfo vous résume les demandes des sénateurs LR et la réponse du gouvernement.
L'exécutif affiche sa confiance avant l'examen du texte au Sénat
Au Sénat, le gouvernement n'est a priori pas en position favorable, contrairement à l'Assemblée où le camp présidentiel possède une majorité relative. Pourtant, la configuration politique de la chambre haute semble plus favorable à l'exécutif. Au Sénat, point d'Insoumis ou d'élus du RN, mais une majorité qui penche clairement à droite. Or les sénateurs votent depuis plusieurs années un amendement au projet de loi de finances de la Sécurité sociale qui prévoit justement de relever l'âge de départ à la retraite à 64 ans, proposition qui figure au cœur du projet de loi de l'exécutif.
"Je fais le constat que les [sénateurs] Les Républicains ont déjà voté (...) des dispositions qui ressemblent bigrement à ce que nous proposons aujourd'hui" dans le cadre de la réforme des retraites, a ainsi déclaré Olivier Véran, jeudi, sur France Inter. "La base d'un accord est sur la table", a assuré le porte-parole du gouvernement.
Mais les sénateurs LR ont des "exigences"
"Nous souhaitons la voter, après l'avoir modifiée." Voilà le message de Bruno Retailleau, le patron des sénateurs LR, dans une interview au Parisien (article pour les abonnés) publiée samedi. Pour suivre le gouvernement, le parlementaire vendéen émet deux "exigences". La première consiste à maîtriser le coût des mesures : "C'est d'abord une réforme budgétaire, qui a pour but d'assurer la pérennité du régime par répartition (...) Il ne faut pas creuser les déficits, mais parvenir à les combler."
Par ailleurs, Bruno Retailleau estime que la réforme "doit s’attaquer à la racine du mal : au déséquilibre démographique et donc à la situation des mères de famille", elles qui "consolident le régime par répartition en participant au renouvellement des générations". Pour ce faire, l'ex-candidat à la présidence LR propose au gouvernement deux options, "soit une surcote de 5% pour les mères de famille qui auraient atteint à la fois une carrière complète et l'âge légal, soit un départ anticipé à 63 ans. L'idée serait de laisser aux femmes le choix entre ces deux options".
Les mères de famille risquent en effet de ne pas être gagnantes avec le projet de l'exécutif. "Cette réforme a principalement pour but de faire des économies au moyen du décalage de l'âge de départ, tout en n'améliorant que faiblement le système, expliquait l'économiste Michaël Zemmour à franceinfo. Dans cette logique, les femmes avec des enfants seront davantage touchées que les hommes."
En outre, LR entend également aborder le sujet des régimes spéciaux. "Nous voulons accélérer la convergence des régimes spéciaux sur le régime général dès 2025, alors que le gouvernement n'a inscrit dans le texte aucune date pour cet alignement", précise Bruno Retailleau. François-Xavier Bellamy, vice-président de LR, propose ainsi de supprimer la "clause du grand-père", qui permet à ceux embauchés avant la réforme de bénéficier encore d'un régime spécial. "C'est une injustice absolue, a-t-il dénoncé dimanche sur France Inter. C'est budgétaire, mais c'est aussi une question de justice. Le contribuable ne doit pas éponger des régimes de retraite structurellement déficitaires."
Bruno Retailleau veut enfin des "mesures concrètes pour favoriser l'emploi des seniors", et cite l'instauration d'"un contrat de fin de carrière qui serait exonéré de cotisations familiales". Il prendrait la forme d'un "CDI pour les salariés d'au moins 60 ans, auxquels l'employeur donnerait une mission jusqu'à sa retraite à taux plein".
Le gouvernement se dit favorable aux requêtes de LR
Face à ces demandes, le gouvernement adopte un ton conciliant. "Nous sommes d'accord et ouverts", a ainsi répondu Olivier Dussopt dimanche sur BFMTV, interrogé sur les propositions de LR concernant les femmes. Le ministre du Travail a convenu qu'"avoir des âges de départ différenciés entre les femmes et les hommes, ce n'est pas très juste". Le gouvernement envisage par exemple de "se dire qu'à partir d'un certain âge, si vous n'avez pas atteint l'âge d'ouverture des droits (...) mais que votre carrière est déjà complète, les trimestres" supplémentaires "donnent lieu à une surcote", sans en préciser le taux, mais à l'unisson de LR.
"Pourquoi pas", a aussi répondu le ministre du Travail concernant les régimes spéciaux. "Il faut voir comment est proposée la disposition et comment on l'articule", précise-t-il, ajoutant de ne pas avoir de "réserve".
La position est validée par Emmanuel Macron lui-même. "J'ai vu [que] le Sénat voulait faire avancer les choses sur la politique familiale et les droits des femmes. Je pense que le gouvernement abordera [ce débat] avec de l'ouverture et de la volonté d'engager pour bâtir une majorité derrière ce texte", a-t-il assuré samedi, en marge du Salon de l'agriculture.
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