: Témoignage Enregistrement de policiers de la Brav-M : "Ils n'ont rien à faire dans les forces de l'ordre", s'insurge l'une des manifestantes interpellées
Menaces, racisme, intimidations, et même coups… Les 23 minutes d'audio de l'enregistrement, que nous avons authentifié, jettent une lumière crue sur les méthodes et le langage des policiers de la Brigades de répression de l'action violente motorisées (Brav-M). Cet enregistrement sonore, que franceinfo s'est procuré, a été tourné discrètement par un manifestant avec son téléphone portable lundi 20 mars.
Cet homme a été arrêté au cœur de Paris alors qu'il participait à un rassemblement contre la réforme des retraites et le recours du gouvernement au 49.3. Au moment de l'audio, les forces de l'ordre interpellent sept manifestants qui verront pour la plupart leur dossier classé sans suite.
Ces sept jeunes, filles et garçons le plus souvent, ne se connaissaient pas les uns les autres. Ils sont assis au sol, dos au mur, rue des Minimes, dans le centre de la capitale. Nous sommes peu après minuit, la plupart sont menottés et on entend de longues minutes de commentaires inappropriés, sexistes, d'intimidations et de menaces. Les policiers s'en prennent surtout au seul garçon noir du groupe : "C'est toi qui pleurait tout à l'heure ? Tu sais que tu as une sacrée tête à claques quand même. Tout à l'heure, on est arrivés, t'as bandé vers l'intérieur gros ! T'avais plus de bite !"
"T'en reveux peut-être une pour te remettre la mâchoire droite ?"
Dans un passage plus difficilement audible, un collègue de ce premier policier poursuit : "Je peux te dire qu'on en a cassé des coudes et des gueules, mais toi, je t'aurais bien pété les jambes." On entend ensuite des gifles données au jeune garçon : "Ah, tu commences à bégayer, t'en reveux peut-être une pour te remettre la mâchoire droite ?, déclare un policier. T'inquiètes, ta petite tête, on l'a déjà en photo, t'as juste à te repointer dans la rue aux prochaines manifs […] Et t'inquiète pas que la prochaine fois qu'on vient, tu ne monteras pas dans le car pour aller au commissariat, tu vas monter dans un autre truc qu'on appelle ambulance pour aller à l'hôpital. J'espère que demain t'es déféré. Tu vas prendre quoi ? Six mois et une OQTF."
Une "OQTF" pour obligation de quitter le territoire. Le jeune Tchadien avait sur lui son titre de séjour. C'est après la fin de leur garde à vue dans différents commissariats que grâce aux réseaux sociaux certains des sept jeunes interpellés se sont retrouvés.
"Un florilège d'insultes gratuites et de menaces"
Salomé, étudiante en sciences sociales de 22 ans, apprenant qu'un de ses compagnons d'infortune a enregistré la scène, décide de diffuser l'audio. "Ils sont une vingtaine à moto et ils me tombent dessus, raconte-t-elle à peine remise de son arrestation. Ils me balayent, je tombe sur le dos. Quand j'étais au sol, j'ai reçu un 'Connasse, connasse'. J'ai dit : 'Comment ?' Il m'a dit 'Ta gueule' et ils me font m'aligner avec six autres personnes. C'était vraiment un florilège d'insultes gratuites et de menaces. Des menaces physiques en disant qu'on pouvait être contents en fait, parce qu'un autre soir, ils nous auraient pété les genoux."
"C'est ça qui est inquiétant, c'est ce qu'il n'y a pas de limites. Il n'y a pas d'encadrement de la violence, qu'elle soit verbale ou physique. "
Saloméà franceinfo
"C'est aussi un esprit de corps, parce qu'en fait, on les entend tous rigoler assez grassement à leurs propres blagues. Quand je prends du recul, je me dis que c'est de la folie, ils n'ont rien à faire dans les forces de l'ordre", poursuit Salomé qui va déposer sa plainte ce samedi matin. Elle voudrait que cette expérience et cet enregistrement fassent réagir en haut lieu.
Vendredi 24 mars, sur France 5, dans l'émission C à vous, le préfet de police de Paris Laurent Nuñez livrait une première réaction : "Ces propos sont inacceptables, je suis comme tout le monde très choqué. Nous sommes extrêmement rigoureux sur l'application des règles déontologiques, souligne Laurent Nuñez. Nous soutenons les policiers. Ce qu'ils font en ce moment, c'est remarquable, surtout quand on voit la violence qu'ils ont à subir. Et ils font face, et ils tiennent le coup. Mais nous exigeons en contrepartie une déontologie qui soit irréprochable."
Il s'agit de la douzième enquête judiciaire confiée en une semaine à l'IGPN, la police des polices, après des plaintes de manifestants pour violences.
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