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Témoignages "Je suis cassé, j'aimerais qu'on prenne en compte l'usure" : dans cette menuiserie, le report de l'âge légal de départ à la retraite inquiète les seniors

Article rédigé par Sarah Lemoine
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un atelier d'une menuiserie en Centre-Val de Loire.  (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Le premier cycle de concertations sur la réforme des retraites commence ce mardi au ministère du Travail. La question de l'emploi des seniors et de l'usure professionnelle seront sur la table. 

Allonger la durée de travail et de cotisations, voilà une question qui préoccupe les salariés de Lachaumette Chaput, menuiserie située dans le Val-de-Marne. La moyenne d'âge y est de 49 ans, avec des métiers physiques, sur les chantiers ou dans un atelier. L'emploi des seniors et la prévention de l'usure professionnelle feront l'objet du premier cycle de discussion de la concertation sur la réforme des retraites, qui commencent mardi 11 octobre au ministère du travail. 

>> Réforme des retraites : le gouvernement envisage un cumul salaire et indemnisation pour favoriser l'emploi des seniors

Jean-Luc Paillard, 57 ans, travaille dans l'atelier. Il est aux portes de la retraite et doit normalement partir à l'âge de 62 ans. "Je ne me suis jamais arrêté dans ma carrière. Je fais partie des gens qui ont été élevés comme ça : le boulot d'abord, le reste après", explique-t-il. Alors, il a "du mal à accepter" la perspective d'allonger sa durée de travail : "Je me dis que je vais arriver au bout, et on va m'en remettre encore. J'aimerais bien qu'on prenne en compte l'usure avec les années, le fait qu'on a fait une carrière totale."

"Je suis cassé, j'ai le dos qui est cassé, comme les collègues."

Jean-Luc Paillard

à franceinfo

Dans cette entreprise, les ouvriers partent généralement entre 60 et 62 ans, grâce au dispositif sur les carrières longues. Le patron Cédric Lachaumette, aussi, est réservé sur la possibilité de repousser cet âge légal à 65 ans. "Spontanément, je dis que certains ouvriers auront du mal à aller jusqu'à cet âge-là. En fin de carrière, on est quand même usé quand on fait des travaux pénibles, même s'ils sont intéressants. Je pense que les années complémentaires vont être de trop", justifie-t-il. 

Les reconversions sont difficiles

Pour aménager les fins de carrière, l'une des pistes évoquée par le ministre du Travail Olivier Dussopt est la retraite progressive. L'idée est que le salarié réduit son temps de travail, et touche une fraction de sa future pension. "Il faut quand même avant tout pouvoir se vendre", tempère le patron, qui voit plusieurs obstacles à ce dispositif. "Si on prévoit cinq ou six personnes sur un chantier et qu'il y en a deux qui ne viennent que la moitié du temps, comment on fait pour s'organiser ?À l'heure où on a du mal à recruter, ça me paraît compliqué", explicite Cédric Lachaumette. 

Une autre piste évoquée par le ministre est de prévoir une visite médicale pour les salariés à mi-carrière, pour leur permettre de se reconvertir dans un métier moins pénible. Mais là encore, cette idée se heurte au principe de réalité selon Cédric Lachaumette : "Menuisier-agenceur, c'est un métier artistique qui demande une formation qui est longue. Je vois mal quelqu'un qui a passé dix ans à connaître son métier, à évoluer, d'un seul coup changer radicalement de métier. Repartir à zéro à 45 ans, ça me paraît compliqué". Toutes ces pistes seront discutées pendant un mois de concertation au ministère du Travail. 

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