: Témoignages Réforme des retraites : "Qui va vouloir de nous ? On est fracassés !", s'inquiètent les égoutiers de Paris
C'est une profession méconnue : celle des égoutiers. Ce sont ceux qui descendent sous terre pour entretenir et réparer le réseau d'égouts. Ils travaillent dans des conditions très difficiles et bénéficient d'un régime spécial. Mais comme tout le monde, ils sont concernés par la réforme et vont devoir travailler deux ans de plus. En France, les égoutiers sont environ 800. La capitale en compte 280.
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À Paris, la journée de travail de Sébastien Vigée démarre à 6h50. Il descend plusieurs mètres sous terre, dans un labyrinthe de 2 600 kilomètres qui composent le réseau des égouts parisien. Chaque jour, l'égoutier de 45 ans passe plusieurs heures dans des conditions insalubres. "On est dans l'eau, dans le caca, on trouve des rats, on trouve des insectes, des blattes. On trouve les flottants : ce sont des lingettes, des excréments", précise-t-il.
"Vous avez parfois des nappes d'huile, de white spirit… Vous avez des odeurs chimiques. Tout ça, on le respire, ce n'est pas facile."
Sébastien Vigée, égoutier de Parisà franceinfo
Une espérance de vie réduite
C'est pour cela que Sébastien bénéficie d'un régime spécial, qui lui permet de partir dix ans avant l'âge légal de départ à la retraite. Une condition est à respecter : il faut atteindre 22 ans de service dans les égouts. Mais avec la réforme, Sébastien en aura fait 23 quand il aura l'âge de partir. Une année supplémentaire, ça lui semble difficile. "On est rincés ! On est souvent courbés, on n'a pas de place. On porte, quand on démonte un vérin, ce sont des choses qui pèsent plus de 100 kilos", détaille-t-il.
Les égoutiers sont aussi exposés à des substances toxiques : de l'hydrogène sulfuré ou de l'amiante par exemple. Frédéric Aubisse est membre de la CGT qui représente les égoutiers de Paris au comité d'entreprise. Il travaille dans le secteur depuis 24 ans. "On respire quand même du gaz, des hydrocarbures. Des saloperies au quotidien. C'est ça qui fait que notre espérance de vie est réduite", note le syndicaliste.
"Il y en a qui sont décédés pendant leurs fonctions peu de temps avant leur retraite, il y en a qui sont décédés peu de temps après."
Frédéric Aubisse, membre de la CGT au comité d'entrepriseà franceinfo
Une étude de l'INRS, basée sur les égoutiers parisiens qui travaillaient entre 1970 et 1999, démontre qu'il y a une surmortalité de 56% dans la profession par rapport aux ouvriers de Seine-Saint-Denis. Malgré tout, changer de métier n'est pas une option. "Qui va vouloir d'eux ?, s'interroge Sébastien. Ce sont des gars qui vont être cassés, qui sont fracassés, qui ont connu de l'égout toute leur vie. Ils pourront plus bouger", prévient l'égoutier.
Avec sa réforme, le gouvernement entend pourtant faciliter les reconversions pour les métiers pénibles ou risqués. Il prévoit aussi d'insister sur la prévention avec des visites médicales.
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