: Vrai ou faux Taxation des milliardaires, âge de départ, pénibilité... On a vérifié sept affirmations de partisans et d'opposants à la réforme des retraites
La réforme des retraites est-elle indispensable, comme l'affirme le gouvernement ? Pourrait-on, comme le suggère l'opposition, se passer d'un recul de l'âge de départ en taxant les milliardaires ou en augmentant les cotisations ? Alors que les députés ont commencé à examiner le projet de loi en commission à l'Assemblée nationale, avant l'arrivée du texte dans l'hémicycle lundi 6 février, l'exécutif et l'opposition martèlent leurs arguments contraires. Les premiers soutiennent la nécessité de la réforme, les seconds soulignent qu'il existe des alternatives.
Pour y voir plus clair, franceinfo a déchiffré sept affirmations autour de la réforme des retraites.
1 40% des Français pourront-ils partir avant 64 ans ? C'est vrai, mais leur départ sera quand même retardé de deux ans
L'argument est avancé par l'exécutif pour défendre la soutenabilité de la réforme. "Quatre Français sur dix, souvent les plus modestes, les plus fragiles, celles et ceux qui ont des métiers difficiles, pourront partir avant 64 ans", a assuré la Première ministre, Elisabeth Borne, devant le Sénat, le 18 janvier.
Cette estimation paraît "crédible" à l'économiste Michaël Zemmour. Il s'agit d'une projection établie à partir du nombre d'assurés bénéficiaires, en 2020, d'un départ anticipé ou de mesures d'aménagement. Pour autant, l'économiste prévient que la réforme aura "un effet très fort de décalage" de l'âge de départ en retraite pour des catégories de travailleurs en carrière longue ou exposés à la pénibilité. Les personnes qui ont commencé à travailler à 20 ans, comme celles atteintes de maladie professionnelle, peuvent partir dans le système actuel à 62 ans. Dans le nouveau système, leur âge de départ pourra être reculé jusqu'à 64 ans.
Si des aménagements sont bien prévus, par exemple pour les aidants ou les travailleurs qui ont commencé à travailler avant 18 ans, "dans le meilleur des cas, vous partez au même âge que maintenant", estime Régis Mezzasalma, conseiller confédéral CGT.
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2Taxer les milliardaires à 2% suffirait-il à combler le déficit du système ? Plutôt faux, car difficile à mettre en œuvre
Dans son rapport sur les inégalités, publié le 16 janvier, l'association de lutte contre la pauvreté Oxfam avance que taxer les 42 milliardaires français à "à peine 2%" par an comblerait le déficit du système de retraites. Un tel impôt rapporterait environ 11 milliards d'euros, de quoi couvrir la quasi-totalité du déficit anticipé du régime en 2027.
Cette proposition soulève cependant plusieurs problèmes. "Une telle taxe pourrait être inconstitutionnelle en raison du fait que son montant peut être plus élevé que les revenus issus du patrimoine imposé", juge auprès de franceinfo Pascal Saint-Amans, professeur en fiscalité à l'université de Lausanne. Les recettes de cette taxe risqueraient en outre d'être trop volatiles, le patrimoine des plus riches étant généralement constitué de portefeuilles d'actions à la valeur fluctuante. Or, le système de retraites a besoin de revenus stables. Enfin, l'idée d'un impôt sur le patrimoine s'accompagne souvent de la crainte d'encourager l'exil fiscal des grandes fortunes et, par conséquent, la délocalisation de leurs entreprises.
La taxe d'Oxfam n'apparaît donc pas comme une "proposition de politique économique crédible", juge Pascal Saint-Amans. Néanmoins, avec cette mesure, l'ONG "met le doigt, avec pertinence, sur le fait qu'il existe de très grandes inégalités en France. Le gouvernement serait bien inspiré de se pencher sur la question de la taxation du capital".
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3 Augmenter les cotisations de quelques euros par mois suffirait-il à équilibrer le système ? Plutôt faux
Pour les opposants au projet du gouvernement, une hausse légère des cotisations mensuelles règlerait le déficit du régime des retraites. Yannick Jadot, ex-candidat écologiste à la présidentielle, avance ainsi qu'une augmentation d'à peine "4,5 euros par mois" suffirait à parvenir à l'équilibre.
Pour les économistes, la hausse nécessaire des cotisations sociales se compterait plutôt en dizaines d'euros et devrait augmenter chaque année. Autour de 14 euros pour un salaire au niveau du smic, ou de 28 euros pour un salaire moyen pour combler le déficit à l'horizon 2027, et jusqu'à 45 euros mensuels pour équilibrer le régime en 2032. "Le pouvoir d'achat des actifs baissera" en conséquence, précise l'économiste Henri Sterdyniak, "mais une hausse de 1,8 point des cotisations n'est pas dramatique". Selon lui, il faudra consacrer environ "0,25% des gains salariaux aux retraites, compte tenu du vieillissement de la population".
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4 Les retraités sont-ils ceux qui ont perdu le plus de pouvoir d'achat ces dix dernières années ? C'est vrai
"Les retraités sont ceux qui ont perdu le plus de pouvoir d'achat ces dix dernières années", affirme Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste français.
Cette affirmation est exacte, selon une étude publiée par France Stratégie, un organisme public qui conseille le gouvernement, publiée début janvier. Sur la décennie 2010, le pouvoir d'achat des 65-69 ans a baissé de 7,3% en moyenne, alors que celui de la population française globale a augmenté de 9,7% sur cette même période.
La diminution du pouvoir d'achat des retraités est d'abord la conséquence de la crise des subprimes en 2008. Durant cette crise financière, les retraités ont vu la valeur de leur patrimoine immobilier et de leur épargne chuter. Les rendements des contrats ont même perdu 56% sur la période 2010-2019, écrit la Fédération française de l'assurance.
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5 Le nombre de salariés qui ont un travail pénible physiquement a-t-il augmenté depuis les années 1980 ? C'est vrai
Selon François Ruffin, député de La France insoumise de la Somme, la pénibilité au travail a augmenté depuis les années 1980. "En 1984, il y avait 12% des salariés qui subissaient trois contraintes physiques", détaille-t-il son site. "On se dit : 'Bon, après 40 ans de robotique, d'informatique, tout ça doit s'être formidablement allégé'. Eh bien, au contraire, on est passé de 12% à 34% qui subissent trois contraintes physiques aujourd'hui."
Cette affirmation est exacte, comme l'explique une étude de la Dares (PDF, page 6). En 1984, 12% des salariés déclaraient subir au moins trois contraintes physiques (comme porter une charge lourde, rester dans une posture pénible ou subir des secousses). En 2016, cette proportion a quasiment triplé pour atteindre 34% des salariés.
Une augmentation de la pénibilité qui s'explique par un phénomène "d'intensification du travail", d'après l'économiste spécialiste du travail Christine Ehrel. Pour augmenter leur productivité, les entreprises ont cherché à accélérer les cadences et multiplié le nombre des tâches prises en charge par leurs salariés. Loin d'avoir allégé la peine des travailleurs, l'informatique et la robotique ont justement permis d'intensifier encore le travail, affirme Christine Ehrel.
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6 La réforme des retraites est-elle imposée par l'Union européenne ? C'est faux
Bruxelles a-t-il exigé que la France réforme son système de retraite ? C'est la thèse que soutient Laure Lavalette, porte-parole du groupe du Rassemblement national à l'Assemblée : "Cette réforme des retraites obéit aussi à une injonction de Bruxelles", a-t-elle déclaré sur CNews. "On a quand même fait comprendre à notre gouvernement qu'il fallait que ça passe avant l'été 2023 pour avoir l'argent du plan de relance."
C'est faux. Dans sa déclaration, la députée RN fait référence au plan de soutien européen pour pallier les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19. Si la réforme des retraites est bien mentionnée dans le document du plan de relance concernant la France, elle ne figure pas dans les objectifs à atteindre, comme la décarbonation de l'industrie. La Commission européenne l'a d'ailleurs confirmé dans un communiqué : "Les versements des fonds du plan de relance à la France ne sont pas conditionnés à une réforme du système des retraites."
Au-delà du plan de relance, Bruxelles peut-il exiger une réforme des retraites ? Non, car selon les traités, "l'Union européenne ne peut pas imposer de réformes, notamment économiques, à la France", tranche auprès de franceinfo Vincent Couronne, chercheur en droit européen.
En revanche, Bruxelles a bien émis des recommandations – non contraignantes, comme le précise le site de l'UE – enjoignant la France "d'uniformiser progressivement les règles des différents régimes" de retraite. La France est cependant à l'origine de cette recommandation, liée à une promesse de campagne d'Emmanuel Macron. Les recommandations de l'UE ne sont que la traduction des programmes nationaux apportés par les Etats membres auprès du Conseil européen pour leur inscription.
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7 Emmanuel Macron est-il le premier président à faire figurer une réforme des retraites dans son programme ? Plutôt vrai
L'argument est avancé par la majorité pour légitimer la réforme des retraites et écarter la tenue d'un référendum pour son adoption. Selon Stéphane Séjourné, secrétaire général de Renaissance, Emmanuel Macron est le premier président à avoir annoncé sa réforme des retraites dès sa campagne en 2022. "L'ensemble des réformes des retraites n'ont jamais été discutées pendant l'élection présidentielle et sont arrivées après comme étant des projets qui n'avaient pas été proposés dans les programmes des candidats", affirme Stéphane Séjourné sur franceinfo.
Cette affirmation est plutôt vraie pour les trois dernières grandes réformes des retraites engagées ces trente dernières années. Leurs modalités exactes n'ont effectivement jamais été annoncées dans les programmes électoraux des candidats qui les ont portées.
La première réforme remonte à 1993 sous le gouvernement d'Edouard Balladur. La durée de cotisation est alors portée de 37,5 annuités à 40 annuités et les pensions de retraite sont calculées sur les 25 meilleures années de la carrière au lieu des dix meilleures. Des mesures absentes du programme du RPR-UDF pour les élections législatives de 1993.
La deuxième grande réforme des retraites a eu lieu en 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. L'âge légal de départ à la retraite a été repoussé de 60 à 62 ans. Une mesure non mentionnée dans le programme du candidat Sarkozy pour l'élection présidentielle de 2007. Durant la campagne, il s'était même prononcé contre le recul de l'âge minimum de départ : "Le droit à la retraite à 60 ans doit demeurer, de même que les 35 heures continueront d'être la durée hebdomadaire légale du travail", affirmait le candidat au Monde en janvier 2007.
La dernière réforme a été mise en place en 2014 alors que François Hollande était locataire de l'Elysée. Elle a été mise en œuvre par Marisol Touraine, la ministre de la Santé de l'époque, allongeant la durée de cotisation de 42 à 43 annuités. Là encore, on ne trouve pas de traces de cette mesure dans le programme de François Hollande.
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