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"Gilets jaunes" : une série de couacs brouillent les annonces du gouvernement

Depuis le début du mouvement, le gouvernement tente de répondre à la colère des manifestants. Mais la confusion règne parfois autour des différentes mesures annoncées. Certaines ont même été abandonnées puis maintenues dans le cours d'une journée.

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Une manifestation de "gilets jaunes" à Nantes (Loire-Atlantique), le 15 décembre 2018. (ESTELLE RUIZ / NURPHOTO / AFP)

Le gouvernement veut vite tourner la page des "gilets jaunes". Pour répondre à l'impatience qui anime les ronds-points, Emmanuel Macron a annoncé, lundi 10 décembre, une série de mesures censées redonner du pouvoir d'achat aux Français. Mais le calendrier est serré. Car toutes ces mesures doivent être présentées dans un projet de loi, mercredi 19 décembre, en Conseil des ministres, avant de passer à l'Assemblée nationale jeudi et au Sénat vendredi. Le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, en a appelé à "la responsabilité des parlementaires" pour valider les mesures dès vendredi, afin qu'elles soient applicables au 1er janvier. Franceinfo fait le point sur ces annonces et les points qui prêtent à débat.

Le gain de 100 euros pour les salariés proches du smic

C'est une des mesures emblématiques largement mises en avant par l'exécutif : la hausse de 100 euros mensuels du salaire minimum. Dans les faits, c'est un peu plus compliqué. Pour commencer, le gouvernement ne va pas toucher directement au salaire. Il va augmenter la prime d'activité.

Or cette prime d'activité ne concerne pas tous les salariés au smic. Comme la prime d'activité est calculée en fonction de la "composition du foyer" et de l'ensemble des ressources d'un ménage, des salariés au smic peuvent en être privés, si leurs conjoints gagnent bien plus que le salaire minimum, par exemple. Matignon a en effet dit assumer le fait que 1,2 million de salariés au smic ne bénéficient pas de la mesure, car ils se trouvent, grâce à d'autres revenus, dans la catégorie des 30% des foyers Français les plus aisés.

Par ailleurs, la hausse de la prime n'est pas de 100 euros, mais de 90 euros, selon Le Parisien qui a pu consulter le texte qui sera présenté en Conseil des ministres mercredi 19 décembre. "Le bonus individuel de la prime d'activité sera augmenté de 90 euros au niveau du smic", stipule le texte. Alors comment en arrive-t-on à 100 euros ? L'explication est donnée plus loin dans l'exposé des motifs. "Ajouté à la revalorisation du smic qui entrera en vigueur au 1er janvier, la hausse dépassera les 100 euros supplémentaires pour un célibataire sans enfant", est-il précisé.

Et pour éviter toute voix dissonante au sein de la majorité, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a dressé un document explicatif de cette mesure aux parlementaires de La République en marche, lundi soir, rapporte Le Figaro

L'annulation de la hausse de la CSG

C'est une autre annonce-clé du discours d'Emmanuel Macron. Le président de la République a assuré faire un pas en direction des retraités en exonérant certains d'entre eux de la hausse de la CSG (Contribution sociale généralisée). Mais là aussi, c'est un peu plus compliqué. Tout d'abord, seuls les retraités gagnant moins de 2 000 euros mensuels, ou 3 000 euros pour les couples, sont exonérés.

Par ailleurs, même ceux-là vont continuer à payer la hausse de la CSG jusqu'en juillet, comme l'a confirmé Muriel Pénicaud lundi. "Ils vont être remboursés de toutes les sommes depuis le 1er janvier. Il y aura un très gros chèque juste avant l'été", a-t-elle précisé. 

La mesure n'est pas si simple à être mise en place. "Il faut adapter les systèmes informatiques des caisses de retraite", a justifié au Parisien l'entourage d'Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités et de la Santé, coauteure du texte de loi. "Les systèmes informatiques des 35 caisses de retraite n'auraient mis que quelques jours à s'adapter à un simple changement de taux de CSG. Mais, là, il s'agit de créer une quatrième tranche avec ce nouveau barème", précise au quotidien le dirigeant d'une caisse de retraite.

Les heures supplémentaires défiscalisées

Le "travailler plus pour gagner plus" de Nicolas Sarkozy est remis au goût du jour. C'est le retour de la défiscalisation des heures supplémentaires abandonnée sous le quinquennat précédent. Cette mesure s'ajoute à la fin des cotisations sociales déjà prévue à partir de septembre 2019 et finalement avancée à janvier.

"Dans la mesure prévue de désocialisation, on enlevait juste les cotisations sociales, cela coûtait 2 milliards d'euros. Mais les revenus [issus des heures supplémentaires] restaient à déclarer, explique à franceinfo Eric Heyer, directeur adjoint au Département analyse et prévision de l'OFCE. Désormais, ces revenus seront défiscalisés, les revenus ne seront plus à déclarer. Cela va coûter 1 à 2 milliards d'euros en plus."

Selon Muriel Pénicaud, un salarié qui gagne environ 1 500 euros, et qui fait deux heures supplémentaires de travail par semaine, pourra "gagner 500 euros de plus dans l'année", a-t-elle affirmé sur RTL. Là encore, ce n'est pas si simple. Il est difficile de savoir qui va gagner quoi. "Autant pour la 'désocialisation' des heures supplémentaires, on peut faire des calculs de ce type, autant pour la défiscalisation, c'est plus compliqué, car cela dépend aussi du taux d'imposition de la personne", explique Eric Heyer. "Dans tous les cas, cela concerne les personnes qui travaillent à temps plein et qui ont la chance d'avoir des entreprises qui payent les heures supplémentaires. Beaucoup de grandes entreprises ont négocié des accords pour annualiser le temps de travail", et donc ne pas payer d'heures supplémentaires, ajoute-t-il.

Le chèque énergie et la prime à la conversion pour gros rouleurs, abandonnés puis maintenus

Certaines mesures annoncées avant même l'acte 1 des "gilets jaunes" ont failli être remisées au placard. Dans un premier temps, l'exécutif a annoncé, mardi 18 décembre, qu'il comptait renoncer à inscrire l'extension du chèque énergie à deux millions de foyers supplémentaires dans le budget 2019, en cours d'adoption à l'Assemblée nationale.

Autres mesures censées être abandonnées : le relèvement du barème kilométrique et le doublement de la prime à la conversion pour les gros rouleurs, avait confirmé l'entourage du Premier ministre, pour une économie totale de 130 millions d'euros sur les 500 millions que devaient coûter ces premières mesures. Depuis, l'exécutif a annoncé diverses mesures de pouvoir d'achat pour un coût dépassant les 10 milliards d'euros.

Pour justifier cet abandon, le cabinet du Premier ministre mettait en avant les nouvelles annonces du gouvernement, comme "l'annulation de toute hausse des taxes sur l'énergie en 2019" et "des mesures très fortes en faveur du pouvoir d'achat". "Par conséquent, certaines mesures d'accompagnement annoncées le 14 novembre ne seront pas intégrées au projet de loi de finances", a fait valoir Matignon.

Avant de se dédire quelques heures plus tard"Après discussion avec les parlementaires de la majorité, le gouvernement maintient l'ensemble des mesures annoncées par le Premier ministre en novembre, a rétropédalé Matignon, dans la soirée de mardi. L'accompagnement de la transition écologique sera l'un des enjeux clefs du futur grand débat national."

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