"Si on n'est pas livré demain, on ne pourra pas travailler" : près de Lille, la pénurie de carburant perturbe les récoltes et inquiète les agriculteurs
À cause de la pénurie de carburant, les machines de nombreux agriculteurs sont à l’arrêt. Dans les Hauts-de-France, la récolte de betterave presse et les exploitants sont démunis.
"Je peux vous montrer mes cuves : elles sont toutes les deux vides !" À cause de la pénurie de carburants causée par les mouvements sociaux chez TotalEnergies et Esso-ExxonMobil, il n'y a plus rien, dans les deux grandes cuves noires. Plus de GNR, ce gazole non routier de couleur rouge, le carburant que Benoît Rault, agriculteur sur la commune de Phalempin, près de Lille (Nord), utilise pour ses engins agricoles.
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"Une partie des betteraves a été récoltée il y a de cela quinze jours, indique-t-il. Mais les autres betteraves doivent être récoltées mi-novembre : est-ce que l'entrepreneur aura assez de gazole d'ici là pour récolter mes betteraves ? Je n'en sais rien. J'ai encore appelé la semaine dernière, on m'a dit qu'on était sur une liste d'attente. Et la liste d'attente est très très longue."
Les machines à l’arrêt faute de carburant
La pénurie de carburant laisse en effet nombre d’agriculteurs comme Benoit Raux dans le désœuvrement. Les réservoirs de leurs engins agricoles, voraces en GNR, sont à sec et dans certaines exploitations, alors que la récolte devrait battre son plein, les machines sont à l’arrêt faute de carburant.
D'habitude, Benoît Raux est ravitaillé tous les trois à quatre jours de 5 000 à 6 000 litres de GNR. Dans son bâtiment de stockage, le semoir est aussi à sec alors qu'il devrait être en pleine action dans les champs. Car, en plus des betteraves, Benoît Raux cultive aussi du blé. Et justement, en ce moment, la météo est propice pour démarrer les semis.
"On est dans une période optimum pour travailler les terres, avec beaucoup moins de difficultés : plus on attendra, plus on aura de l'eau dans le sol, et plus on consommera d'énergie."
Benoît Raux, exploitant agricoleà franceinfo
"Quand je sème en blé, je suis à cinq litres par hectare, détaille-t-il. Si demain les conditions météo sont mauvaises, je vais passer à 20, 25, voire 30 litres par hectare. On a un double problème : le prix du carburant, qui est énorme, et le fait qu'on va en consommer beaucoup plus."
À l'entreprise Prévost, qui réalise des travaux agricoles à quelques kilomètres à Allènes-les-Marais, la cuve enterrée d'Albert Prévost, d'une capacité de 20 000 litres de GNR, est quasi vide. "On est à 600 litres, se désespère-t-il. Il faut absolument être livré aujourd'hui. Sinon demain, on ne saura pas travailler. Ce n'est pas vivable..."
"On avait justement anticipé sur le problème du gaz cet hiver..."
Sans carburant, Albert Prévost ne peut rien charger non plus pour Tereos, la coopérative sucrière chargée de transformer les matières premières comme la betterave, en sucre. "On avait justement, au niveau de Tereos, démarré la récolte plus tôt pour anticiper sur le problème de livraisons de gaz cet hiver. Ce serait alors un non-sens d'arrêter aujourd'hui l'usine qui poserait problème pour l'hiver. Et donc ça serait un non-sens d'arrêter maintenant l'usine parce qu'on n'a plus de GNR et plus de gazole." Et face à cette situation extrêmement tendue, la Coordination rurale des Hauts-de-France demande aujourd'hui aux services de l'État de prioriser les agriculteurs pour qu'ils puissent accéder au gazole et au GNR.
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