Fausse lettre de Macron, Facebook accusé de censure… Cinq intox qui circulent autour de la mobilisation du 17 novembre contre la hausse du prix des carburants
La colère des automobilistes fait le terreau des "fake news". Sur les réseaux sociaux, montages photos et fausses infos ont déjà été relayés des dizaines de milliers de fois.
Beaucoup de colère et quelques rumeurs tenaces. Près de huit Français sur dix soutiennent l'appel au blocage des routes, prévu le 17 novembre, pour protester contre la hausse des prix des carburants. Avec les multiples appels à la mobilisation qui se diffusent sur les réseaux sociaux, circulent aussi des fausses informations, dont certaines jettent de l'huile sur le feu.
1Pouvez-vous être verbalisé pour un gilet jaune sur le tableau de bord ?
Non, mais… C'est un signe de ralliement pour la mobilisation du 17 novembre : poser un gilet jaune (obligatoire dans tous les véhicules depuis 2016) sur le tableau de bord, en signe de mécontentement. Un symbole dont s'est saisi le site belge Nordpresse, coutumier de l'intox sous couvert de "parodie", et qui tourne régulièrement en dérision les protestations des automobilistes et la mobilisation du 17 novembre.
A partager le gouvernement veut faire taire la révolution https://t.co/eWbasEDnWs
— Nordpresse (@Nordpresse) October 30, 2018
"Apologie du terrorisme : 150 euros d'amende pour un gilet jaune sur son tableau", écrivait Nordpresse, mardi 30 octobre. Certains internautes l'ont pris au sérieux et se sont inquiétés de risquer une amende, au point que la gendarmerie de La Bassée, dans le Nord, a dû répondre sur Facebook : "Vous ne serez pas verbalisé, sauf en cas de gêne à la visibilité." Si un objet quelconque gêne la visibilité du conducteur, celui-ci s'expose à une contravention "de classe 3 bis (45 euros)", précise la gendarmerie. Il est donc recommandé aux automobilistes qui souhaitent manifester ainsi de poser le gilet jaune côté passager. Mais la police ne confisquera pas non plus votre gilet jaune, rappelle Libération, contrairement à ce que veut faire croire un autre site parodique.
2Emmanuel Macron a-t-il autorisé "l'usage de la force" contre les "agitateurs" ?
Non. Si on la regarde un peu vite, la lettre pourrait sembler authentique. Le courrier, daté du 2 novembre, portant la signature d'Emmanuel Macron et un emblème de l'Elysée, est adressé au "procureur de la République" à Paris. Selon le texte, le président de la République estime que "l'usage de la force si nécessaire n'est pas à mettre de côté", "afin que ces agitateurs ne puissent nuire au bon fonctionnement de notre république".
Là encore, le site Nordpresse a contribué à faire circuler le faux document, pour se moquer des manifestants. Mais la lettre a aussi circulé sur des blogs d'automobilistes en colère, sans remise en question de sa véracité. Pourtant, nul besoin d'être un spécialiste pour comprendre qu'il s'agit d'un faux grossier. L'emblème de l'Elysée n'est pas le bon, le président de la République n'a aucune raison d'écrire au procureur de la République à ce sujet (à la rigueur, aux préfets) et le courrier est plein de fautes d'orthographe et de grammaire.
3La police a-t-elle appelé à participer au blocage du 17 novembre ?
Non, mais… "La police a décidé de se joindre à nous le 17 novembre", affirment des manifestants. Un visuel reprenant le logo de la police nationale indique que "la police nationale sera aux côtés des citoyens de France le 17/11/1018" (sic). L'image est accompagnée d'un texte rédigé par l'UPNI, une fédération de syndicats de policiers, affirmant que "les policiers sont avant tout des citoyens et des automobilistes" et appelant les policiers à remettre un flyer "le 17, cadeau du 17" aux automobilistes, le jour de la mobilisation.
La police sera aux cotés des citoyens le 17 novembre pic.twitter.com/xt4m2nkJsZ
— Cassine (@CassineGauloise) November 5, 2018
L'appel de l'UPNI est authentique. Il a été publié sur le blog du syndicat, avec la copie du flyer, un faux procès verbal indiquant en rouge "les policiers solidaires de la colère citoyenne". Les policiers ont toutefois l'interdiction de distribuer des tracts pendant leur service, rappelle 20 Minutes. Et l'implication de la police nationale, dans la version détournée du message, est un mensonge, comme l'a confirmé le ministère de l'Intérieur au site d'info, expliquant que "la police par définition ne peut pas faire ce type de message".
4Le directeur de la gendarmerie a-t-il menacé de sanctions sur BFMTV ?
Non, mais… Sur Facebook, l'image a été partagée plus de 35 000 fois : une capture d'écran de la chaîne BFMTV, avec un invité, Richard Lizurey, directeur de la gendarmerie nationale. Les bandeaux de la chaîne annoncent que "les contrevenants sont prévenus" des peines encourues pour "entrave à la circulation", laissant croire que le patron de la gendarmerie menace les manifestants de sanctions en cas de blocage. La personne qui partage cette image la commente ainsi : "Bande de fumiers !!! Ils ont vraiment tout prévu pour pas qu'on se révolte ! on sera des millions ! ils ne pourront rien faire ! ON EN A MARRE !!!!!!"
Si vous avez déjà regardé la chaîne BFMTV, vous pouvez toutefois rapidement comprendre qu'il s'agit d'un montage, là encore, pas très précis : les bandeaux de BFMTV ne ressemblent pas à cela. Par ailleurs, Libération a remarqué que cette capture d'écran remontait au mois de mars 2018, quand Richard Lizurey était invité pour évoquer la mort du gendarme Arnaud Beltrame, dans l'attentat de Trèbes.
Libé rappelle toutefois que le code de la route punit "de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende" le fait "d'entraver ou de gêner la circulation" sur "une voie ouverte à la circulation publique". Et ce texte a déjà été appliqué en cas de manifestations. En 2017, six syndicalistes ont été condamnés à des amendes de 500 et 1 000 euros pour entrave à la circulation lors d’une manifestation contre la loi Travail, selon l'AFP.
5Facebook a-t-il supprimé des pages appelant au blocage ?
Non. Des internautes ont crié à "la censure" sur Facebook, pour dénoncer la disparition d'appels au blocage des routes ou aux opérations escargot, le 17 novembre. "Etant donné que toutes les pages créées concernant ce mouvement sont supprimées, j'invite mes contacts à diffuser ce message en copier-coller", écrit un internaute accusant "big brother".
Dans le même temps, de nombreux "événements" similaires restent accessibles sur le réseau social, comme celui prévu à Paris. A l'origine de cette rumeur, la disparition de quatre événements à Toulouse (Haute-Garonne), Rodez (Aveyron) et La Rochelle (Charente-Maritime). Contacté par franceinfo, Facebook France assure qu'il n'y a eu aucune intervention sur les quatre événements : trois ont été annulés par l'un des administrateurs, un autre a été supprimé avec le profil de son créateur.
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