Réforme de la SNCF par ordonnances : "On insulte le Parlement et ça laissera des traces" prévient un sénateur
Le sénateur de l'Eure Hervé Maurey a qualifié de "mauvais coup" lundi sur franceinfo la décision du Premier ministre Edouard Philippe de recourir aux ordonnances pour réformer la SNCF.
Le souhait du gouvernement de réformer la SNCF par ordonnance passe mal. Cette méthode "témoigne d'un extraordinaire mépris du Parlement" a réagi lundi 26 février sur franceinfo Hervé Maurey, sénateur (Les Centristes) de l'Eure et président de la commission Aménagement du territoire et développement durable. Il ne comprend pas le choix du gouvernement et parle "d'erreur politique" et affirme que ça "laissera des traces." Il a également averti qu'on ne peut pas faire "un mauvais coup au Parlement, l'insulter au mois de février-mars, et puis revenir faire les yeux doux au Sénat au mois de juin."
franceinfo : Qu'est-ce que vous pensez du recours aux ordonnances pour la réforme de la SNCF ?
Hervé Maurey : Cela témoigne d'un extraordinaire mépris du Parlement et du travail qui a été fait. Au Sénat, on travaille depuis plus d'un an sur un texte qui doit permettre d'ouvrir le système ferroviaire à la concurrence. On a une proposition de loi qui a été examinée la semaine dernière par le Conseil d'État et qui a reçu son aval. On a un texte qui est prêt à être examiné par le Parlement dès la semaine prochaine si le gouvernement le veut. L'argument de dire 'on recourt aux ordonnances parce que ça va plus vite', c'est simplement se moquer du monde ! On ne veut pas s'appuyer sur le Parlement, on préfère passer en force. On insulte le Parlement et la démocratie parlementaire, ce qui me paraît extrêmement grave.
Comment vous l'expliquez ?
Je ne sais pas parce que c'est totalement inexplicable. En plus de tout, ce n'est même pas l'intérêt du gouvernement d'agir ainsi. Avec une réforme courageuse, il pouvait tout à fait avoir le soutien du Parlement et y compris de la majorité sénatoriale qui, en principe, n'est pas une majorité qui soutient le gouvernement. La majorité sénatoriale pouvait soutenir le gouvernement. En plus, le gouvernement fait une erreur politique. Cela laissera des traces. On ne peut pas faire un mauvais coup au Parlement, l'insulter au mois de février-mars, et puis revenir faire les yeux doux au Sénat au mois de juin quand on aura besoin du Sénat pour modifier la Constitution. C'est une faute politique et démocratique que d'agir ainsi.
On peut imaginer que le gouvernement voulait éviter que le débat soit obstrué par de nombreux amendements. Vous entendez cet argument ?
Si le Parlement gêne le gouvernement, qu'il profite de la réforme constitutionnelle pour le supprimer ! Si on refuse le débat démocratique au Parlement, à quoi sert le Parlement ? Et s'il n'y a plus de Parlement, est-ce qu'on est encore en démocratie ? On sait très bien qu'un gouvernement a les moyens d'accélérer un processus législatif qui aurait tendance à s'enliser, il y a des votes bloqués, il y a la possibilité d'engager sa responsabilité... C'est vraiment un argument qui ne tient pas.
Est-ce les propositions annoncées par Edouard Philippe sont différentes de ce que vous aviez proposé dans votre texte ?
Sur la question de l'ouverture à la concurrence, il y a des différences et des points qui se rejoignent. Le texte que l'on a déposé au Sénat pouvait tout à fait évoluer, comme évolue tout texte au cours d'une discussion législative et à la suite, notamment, de l'avis qu'a rendu le Conseil d'État la semaine dernière. J'ajoute que le Premier ministre, qui a procédé à moult concertations la semaine dernière, n'a pas pris la peine de recevoir un seul parlementaire. On a reçu les syndicats, les associations d'usagers mais aucun parlementaire ! C'est dire à quel point ce gouvernement méprise le Parlement.
Vous avez l'impression de ne pas avoir été associé à cette réforme ?
Non seulement on n'a pas été associés, mais on n'a même pas été consultés. On n'a pas reçu un coup de fil, on n'a eu aucune information avant les annonces quant au fait de savoir le sort qui serait réservé au texte du Sénat. Comme je l'indiquais, c'est un texte qui a été examiné la semaine dernière – ce qui est très rare pour une proposition de loi – par le Conseil d'État qui a largement donné un avis favorable. C'est vraiment tout à fait inacceptable.
Le rapport Spinetta suggérait la fermeture des petites lignes, Edouard Philippe a dit qu'il n'en était pas question. Qu'en pensez-vous ? Est-ce que ça vous rassure ?
J'espère que ce qui est dit par le Premier ministre sera une réalité, que ce n'est pas un effet d'annonce, qu'ensuite on n'essaiera pas de refiler la patate chaude, c'est-à-dire les lignes déficitaires, aux régions, qui ont déjà beaucoup fait pour essayer d'améliorer la qualité du service ferroviaire offert aux usagers. Sur ce point, je suis très prudent. Le Premier ministre a été dans les grandes lignes, il n'est pas entré dans le détail. Sur la question de la dette – qui est un élément fondamental – il a été plus qu'évasif. Donc il y a encore beaucoup d'incertitudes sur le fond par rapport à ce que compte annoncer, et surtout faire, ce gouvernement.
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