Européennes : les leçons de Matteo Renzi à François Hollande et Manuel Valls
Contrairement au PS, la gauche italienne a remporté une belle victoire dimanche, dans un pays secoué par la crise et l'austérité. Mais comment fait-elle ?
Matteo Renzi est le nouvel homme fort d'Italie. Le président du Conseil italien a réussi son test électoral : le Parti démocrate est arrivé en tête des élections européennes, dimanche 25 mai, loin devant le Mouvement 5 étoiles (M5S) de l'humoriste Beppe Grillo. Le Parti démocrate a recueilli 40,8% des suffrages, contre seulement 21,2% pour Beppe Grillo. Un succès historique qui tranche avec la piètre performance de la gauche française, dans un contexte économique pourtant similaire. Explications en quatre leçons transalpines.
Leçon n°1 : profiter de sa popularité
Un simple regard à la popularité de Matteo Renzi permet de comprendre le résultat italien au regard du désastre du PS français. Arrivé en février à la faveur d'un putsch interne au Parti démocrate, l'ancien maire de Florence "jouit d'une popularité considérable", établie autour de 60%, explique d'abord Marc Lazar, professeur d'histoire et de sociologie politique à Sciences Po.
"Matteo Renzi s'est appuyé sur le capital sympathie qu'il avait depuis son arrivée en février. Il n'a pas encore déçu et bénéficie d'un état de grâce", analyse le chercheur, spécialiste de la politique italienne. C'était peine perdue pour François Hollande, qui culmine à 23% d'opinions positives. A l'instar de Matteo Renzi, Manuel Valls aurait pu s'appuyer sur une cote de popularité plus clémente (52%). En vain.
Le fait est que le poulain de la politique italienne, 39 ans, incarne un espoir de changement pour de nombreux Italiens, qu'il a réussi à rassembler autour de son profil d'"homme neuf". "Il a dix ans de moins que Manuel Valls, qui était déjà connu", note Marc Lazar. Le bilan médiocre des deux premières années du quinquennat français n'a pas arrangé les affaires du PS, les électeurs s'en détournant.
Leçon n°2 : réveiller une campagne atone
Matteo Renzi n'a pas seulement surfé sur sa popularité pour l'emporter. Le Premier ministre italien a été l'un des rares dirigeants européens à donner de sa personne dans la campagne. Il a sillonné la péninsule, multipliant les meetings et les interventions médiatiques, tout en affichant son hyperactivité sur les réseaux sociaux, raconte Le Monde. A côté, Manuel Valls et ses quatre meetings font pâle figure.
"La campagne italienne a été hyper-personnifiée par Matteo Renzi, Beppe Grillo et, dans une moindre mesure, Silvio Berlusconi. Et elle s'est rapidement transformée en un duel entre Renzi et Grillo", qui n'ont pas hésité à s'insulter en public, souligne Marc Lazar. De quoi mettre du piquant dans une campagne européenne très calme, comme ce fut le cas en France.
L'habileté de Matteo Renzi lui a aussi permis de rassembler. Durant la campagne, le Premier ministre italien a "oscillé entre des critiques contre l'Europe en matière économique, sociale ou migratoire et une affirmation de ses engagements pro-européens". Il a ainsi pu attirer plusieurs profils d'électeurs, notamment des Italiens sensibles au discours antieuropéen de Beppe Grillo.
Leçon n°3 : dompter ses propres troupes
Ce rassemblement a été rendu possible par la relative unité entourant le président du Conseil italien. Contrairement au PS, divisé entre son courant social-démocrate et sa ligne plus à gauche, le Parti démocrate s'est retrouvé autour de Matteo Renzi, lequel a écarté les récalcitrants dès son accession au pouvoir. Un scénario impossible pour Manuel Valls, éliminé des primaires socialistes, rallié à François Hollande et classé à droite du PS.
En outre, s'il existe parfois des "contestations en interne sur les orientations européennes du Parti démocrate, elles ne sont pas aussi violentes qu'au sein du PS", remarque Marc Lazar. Le mouvement italien ne souffre pas des dissensions internes et "n'est pas menacé sur sa gauche" comme le sont les socialistes français, concurrencés par les écologistes et la gauche radicale.
Leçon n°4 : jouer le donnant-donnant avec Angela Merkel
Contrairement au PS français, le Parti démocrate italien a achevé sa mue et assume sa position social-démocrate, voire social-libérale, selon Marc Lazar. Dans Le Figaro, le professeur de science politique Christophe Bouillaud souligne cette différence : le Parti démocrate "ne vit plus beaucoup dans l'ambiguïté et (...) le gros de ses troupes a accepté le tournant".
C'est loin d'être le cas dans les rangs socialistes, gênés par le manque de clarté de François Hollande. En effet, le président français est contraint de prendre des mesures drastiques pour respecter les engagements fixés par Bruxelles, comme les 50 milliards d'économies annoncés par Manuel Valls, mais nie toute politique d'austérité devant les électeurs.
De l'autre côté des Alpes, Matteo Renzi semble plus tranché. Arrivé en plein marasme économique, il a plaidé en faveur de la relance et annoncé de grandes réformes. Il a déjà honoré celle de verser 80 euros par mois aux foyers dans le besoin. Pour Marc Lazar, le dirigeant italien tient une ligne habile face à l'Allemagne et Bruxelles. "Son idée est de dire : on respecte les 3%, on fait des réformes importantes, mais en contrepartie, vous desserrez votre politique" de rigueur, résume-t-il.
Matteo Renzi peut se le permettre. Contrairement à François Hollande, il entretient "une bonne relation" avec Angela Merkel. L'Italie est aussi sous la barre fatidique des 3% du déficit. Ce qui ne l'empêche pas de faire des efforts... et d'en promettre davantage.
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